Arrêtons de fantasmer sur DSK

Par Eric Albert, à Londres  |   |  542  mots
Manifestation contre le FMI en Irlande en mars 2011
Si les avis sont partagés sur la culpabilité de DSK, un consensus semble l'emporter sur sa compétence au FMI. Ce n'est pourtant pas si simple...

Pas question ici de prendre position sur la culpabilité ou non de Dominique Strauss-Kahn. Laissons la justice faire son travail. En revanche, il est né depuis cette affaire un étrange consensus sur la compétence évidente et apparemment non discutable de l'ancien patron du FMI. Mais demandez donc à un Irlandais ou à un Grec ce qu'il en pense...

Le bilan de DSK au FMI se déroule en deux étapes. La première est certainement une réussite. Il s'agit de la période du déclenchement de la crise financière à l'automne 2008 jusqu'au G20 d'avril 2009 à Londres. Le FMI, institution qui semblait sur le déclin, s'est soudain rendue indispensable, en particulier par ses appels à la collaboration entre les Etats.

En bon néo-keynésien, DSK a immédiatement repéré le danger: face la panique financière internationale, si chaque Etat se retire dans son coin et met en place des mesures d'austérité, le monde risque d'entrer dans une grande dépression. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, bientôt suivis par le reste des pays occidentaux, ont rapidement mis en place des plans de relance. Ceux-ci se sont avérés salvateurs, et le monde sort aujourd'hui -péniblement, mais vraiment- de la crise.

Cette période a culminé avec le G20 de Londres d'avril 2009. Ce sommet historique a décidé de tripler le budget du FMI, à 750 milliards de dollars. L'institution internationale était soudain armée pour faire face aux possibles crises à venir. Elle retrouvait aussi un rôle centrale.

La deuxième étape du mandat de DSK au FMI est nettement plus contestable. En nationalisant les pertes des banques, les Etats se sont retrouvés face à une crise souverraine grave, particulièrement en Europe. A tel point qu'il a fallu intervenir pour sauver la Grèce, l'Irlande et le Portugal. Mais le FMI est alors retombé dans le travers qu'il connaissait dans les années 1990 sous la houlette du Français Michel Camdessus. En échange du plan de secours, le FMI a imposé des conditions draconniennes censées redresser l'économie de ces pays. Mais comme l'Argentine ou la Thaïlande autrefois, c'est le contraire qui se passe. A force d'austérité, ces plans étouffent la croissance.

Un exemple parmi tant d'autres: pour se restructurer, l'Irlande était censée abaisser son salaire minimum. L'idée était  que cela permettrait de redresser la compétitivité du pays. Mais les Irlandais ont déjà avalé quatre cures d'amaigrissement en deux ans, et les salaires sont tous en baisse (ceux des fonctionnaires ont reculé de 15%, les salaires à l'embauche sont en baisse de 20%). Baisser le salaire minimum ne pouvait que réduire la consommation, ce qui aurait aggravé la crise. Finalement, cette mesure n'aura pas été prise par le nouveau gouvernement irlandais, qui la jugeait socialement néfaste, et politiquement explosive. Mais pourquoi donc

Certes, on peut répliquer que le FMI n'est pas le seul coupable. L'Union Européenne, sous la houlette de l'Allemagne, voulait imposer des conditions encore plus difficiles. DSK n'avait donc qu'une marge de manoeuvre limitée. Mais en presque quatre ans à la tête de l'institution, il en a peut-être corrigé les pires excès, mais sans doute pas complètement le biais monétariste, et économiquement orthodoxe.