A 100 km/h dans le brouillard

La banque d'Angleterre s'inquiète du manque d'informations que les banques fournissent à propos de leur exposition à la Grèce, ainsi que sur les créances douteuses des particuliers. Presque trois ans après la crise, le brouillard reste épais.
Mervyn King, le gouverneur de la banque d'Angleterre. Copyright Reuters

Plus jamais ça. C'était en substance le message que le G20 à Londres, en avril 2009, avait délivré. La crise financière qui avait secoué le monde ne devait pas se reproduire, et les vingt principales puissances de la planète allaient s'assurer de mettre en place les protections et régulations nécessaires.

Plus de deux ans plus tard, la conférence de presse (voir ici la vidéo) donnée vendredi à la banque d'Angleterre donne une idée du manque catastrophique de progrès. Le comité de politique financière (FPC), groupe nouvellement formé, y présentait son tout premier rapport (version pdf en anglais ici). Il a comme objectif de prévenir des risques "systémiques" financiers : alors que jusqu'à présent le régulateur, la FSA, était responsable de superviser les entreprises financières une par une, et que la banque d'Angleterre était en charge de la politique monétaire, personne n'était censé superviser l'ensemble du système. Ce vide est désormais comblé, et c'est une excellente chose.

Ses premières conclusions ? Il y a beaucoup de raisons de s'inquiéter, mais franchement, personne ne sait vraiment quels sont les risques encourus. Le FPC, présidé par Mervyn King, le gouverneur de la banque d'Angleterre, met en particulier en avant le risque que la Grèce peut faire peser sur le Royaume-Uni. Jusque là, rien de bien surprenant. Mais ce qui est vraiment intéressant est qu'il admet qu'il ne sait pas évaluer ce risque.

L'exposition directe des banques britanniques à la dette grecque est connue, et est très limitée, à quelques milliards d'euros seulement. Mais l'exposition indirecte ? « Une banque britannique peut avoir prêté à une banque qui a elle-même prêté à une banque qui est exposée au risque souverain grec », explique Mervyn King. Là encore, pas de surprise : l'effet domino est à craindre. Cela a été dit et redit et c'est précisément pour cela que la Banque centrale européenne ne veut entendre parler d'un défaut de paiement de la Grèce.

Sait-on mesurer cet effet domino ? Non, même une banque centrale s'en avoue incapable. Mervyn King, dans un euphémisme tout britannique, en appelle à une « plus grande clarté ». Il demande aux banques « une transparence supplémentaire (...) de façon permanente ». Une façon comme une autre de dire que le brouillard sur l'ensemble du système demeure épais, mais que le véhicule financier continue à foncer à toute allure. Il ne reste qu'à espérer qu'il n'y aura pas de virage à 90 degrés au bout de la route...

Le brouillard est d'autant plus épais qu'il ne concerne pas que la Grèce. Le deuxième risque mis en évidence par le FPC concerne les provisions déclarées par les banques sur leurs mauvaises dettes. Combien doivent-elles provisionner quand un particulier ou une entreprise est en retard dans son remboursement ? A en croire le FPC, la réponse -qu'on imaginait relativement simple- est loin d'être la même d'une banque à une autre et pourrait donner « une fausse image de leur santé financière ». Là encore, le manque d'information fait froid dans le dos. Mais ce qui surprend le plus est que ni la FSA, ni la banque d'Angleterre, n'aient entrepris ce travail d'éclairage, trois ans après le début de la crise. La création du FPC est donc plus que la bienvenue. Espérons que l'allumage de ses feux anti-brouillard permettra de voir le virage qui se profile.
Ce blog reviendra le 25 juillet.

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