L'impitoyable examen des candidats républicains

Les débats télévisés entre les prétendants à l'investiture républicaine revêtent une importance capitale. Reportage à Rochester dans le Michigan.
La Tribune Infographie/BHEDOUIN

Les images ont fait le tour du monde: Rick Perry, gouverneur du Texas et candidat à l'investiture républicaine, incapable de citer la troisième agence fédérale qu'il souhaite supprimer une fois installé à la Maison-Blanche. La scène s'est déroulée la semaine dernière sur le campus de l'université d'Oakland (Michigan), théâtre d'un nouveau débat entre les huit adversaires potentiels de Barack Obama. Un de plus ! Depuis le début de la campagne des primaires - qui débuteront officiellement le 3 janvier dans l'Iowa -, dix affrontements télévisés ont déjà eu lieu. Et plus d'une douzaine sont déjà programmés d'ici au mois de mars. Parfois jusqu'à l'extrême : fin janvier, au moins six débats seront ainsi organisés en moins de trois semaines. "Jusqu'à présent, les Américains aiment ces débats présidentiels, qui ont généré des audiences record sur Fox News et sur CNN. Ils votent avec leur télécommande", avance March Thiessen du "Washington Post".

Mercredi dernier, c'est à Rochester, petite ville située à 30 minutes au nord de Detroit, que les prétendants à l'investiture se sont retrouvés pour un grand show à l'américaine, devant plus de 250 journalistes et près de 1.500 spectateurs. Essentiellement des membres du parti républicain local. "J'espère y voir plus clair sur leurs propositions économiques, notamment pour aider les jeunes", confie avant le débat Erin, une étudiante qui s'apprête à affronter le marché du travail. Militante depuis plus de 30 ans, Susan, elle, vient avant tout pour juger "quel candidat aura le plus de chances de battre Obama". Un peu à l'écart, une "zone de libre expression" a été installée. Elle est investie, sous bonne protection policière, par des protestataires du mouvement des 99 %. Une vingtaine de supporters du candidat libertarien Ron Paul ont également fait le déplacement, sans illusions. "Ce débat est une farce, lance John. Ces politiques n'ont aucune morale, aucune intégrité, aucune crédibilité. Ils n'agissent que pour leur propre intérêt".

À l'intérieur, l'ambiance est plus feutrée, même si le public est encouragé à se manifester. Avant la prise d'antenne, Maria Bartiromo, modératrice du débat, s'était d'ailleurs transformée en chauffeuse de salle, devant une foule déjà électrisée par l'hymne américain qui venait de retentir et par le discours de Rick Snyder, gouverneur républicain de l'État. Orchestrés par la chaîne d'informations financières CNBC, les débats portent exclusivement sur l'économie et l'emploi, premiers sujets de préoccupation des Américains - hormis une question sur les accusations de harcèlement sexuel contre Herman Cain. Les candidats sont rodés à cet exercice et à ses règles : une minute pour répondre à une question, 30 secondes pour rebondir sur les propos d'un autre. Parfois, comme le mois dernier à Las Vegas, les esprits s'échauffent un peu mais cela reste globalement assez policé: chaque prétendant attend tranquillement son tour et personne n'interrompt la personne qui s'exprime.

L'important, c'est "d'expliquer le monde et tous ses problèmes en 30 secondes", regrette Daniel Henninger du "Wall Street Journal". "Seulement 30 secondes pour parler de la Chine ? ", demande ce soir-là John Hunstman, l'ancien ambassadeur des États-Unis à Pékin. Et Newt Gingrich refuse d'évoquer son plan pour réformer le système de santé en si peu de temps. "Le temps de parole est trop limité pour que les électeurs puissent se rendre compte du candidat le mieux placé pour servir le pays", déplore, un brin fataliste, Rick Santorum après le débat. Comme tous les "petits"candidats, l'ancien sénateur de Pennsylvanie doit se battre pour exister, les modérateurs privilégiant leurs adversaires plus médiatiques. Sur plus de 90 minutes d'échanges, il n'a ainsi pu parler que 5 minutes, deux fois moins que Mitt Romney, le favori des sondages.

Sous-médiatisés, ces candidats doivent donc obligatoirement se démarquer, trouver la petite phrase qui sera reprise le lendemain par la presse ou proposer la bonne idée au bon moment. Comme Herman Cain, lors des deux débats organisés fin octobre en Floride. Avec son plan 9-9-9, l'homme d'affaires, jusqu'ici dans l'ombre, avait été plébiscité par les sympathisants floridiens du Tea Party, qui l'avaient porté en tête de leur "straw poll" (consultation interne). Il s'était alors retrouvé en tête des sondages nationaux. "Par le passé, certains candidats bénéficiaient d'un avantage uniquement parce qu'ils avaient plus d'argent pour mener des campagnes publicitaires à la télévision, raconte March Thiessen. Mais les débats permettent désormais aux autres d'atteindre des millions d'électeurs et donc de rivaliser." Les effets dévastateurs sont également amplifiés, comme en témoigne la chute de Rick Perry. Si la campagne ne se gagne pas uniquement sur ces débats, elle peut désormais s'y perdre. Dans un tel contexte, George W. Bush n'aurait jamais pu obtenir l'investiture républicaine en 2000, estiment de nombreux observateurs. C'était il y a onze ans. Déjà, une autre époque.

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Commentaire 1
à écrit le 17/11/2011 à 8:44
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Excellent blog ! J'essaie de vous suivre chaque jour et c'est vraiment intéressant de suivre la campagne comme si on y était ! Comme quoi il n'y a pas que Laurence Haïm aux Etats Unis !

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