Les Français de la diversité, un atout primordial mais négligé

Par François-Aïssa Touazi et Kamel Haddar  |   |  719  mots
François-Aïssa Touazi, fondateur du think tank CapMena
Dans l'indispensable lutte de redressement de son commerce international, la France ne prend pas conscience de l'atout primordial dont elle dispose : les Français de la diversité, soit près de 8 millions de femmes et d'hommes. Autant de personnes qui maîtrisent parfois deux langues, et surtout deux cultures.

Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, a fait de la diplomatie économique « une priorité » pour la France. Avec un périmètre élargi au commerce extérieur et au tourisme, et une feuille de route réévaluée pour les ambassadeurs, le gouvernement tente enfin un tournant très attendu... et urgent, tant nos positions commerciales stratégiques se réduisent !

L'action stratégique dans de grandes zones du monde telles que l'Asie, l'Afrique ou le Moyen-Orient, sujet de grande acuité s'il en est, ne bénéficie que d'efforts et d'innovations encore très anecdotiques.

Considère-t-on les pays du Golfe autrement que comme un débouché pour nos ventes d'armements ou d'avions ? De telles opportunités, pour capitales qu'elles soient, ne sont représentatives ni de l'ensemble de nos savoir-faire ni du gigantesque potentiel de relations commerciales à long terme avec la région.

Dans cette lutte pour développer notre commerce international, la France ne prend pas conscience de l'atout primordial dont elle dispose : les Français de la diversité, soit près de 8 millions de femmes et d'hommes, population la plus importante des pays européens.

Ce sont autant de personnes qui maîtrisent parfois deux langues et surtout deux cultures. Même si l'on peut considérer qu'il ne suffit pas d'apprendre le chinois pour maîtriser les arcanes des milieux politico-administratifs chinois, ou d'apprendre l'arabe pour connaître les codes et les usages dans les relations commerciales avec l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, la sensibilité et la subjectivité sont la condition des relations humaines, de la confiance et d'une profonde compréhension mutuelle pour conclure nos contrats de demain.

Les Français de la diversité doivent être enfin considérés pour ce qu'ils sont, incontestablement : des atouts hors du commun, un levier concurrentiel considérable.

Il y a encore du chemin à parcourir pour valoriser ces atouts. Partout, les plafonds de verre limitent la promotion des candidats de la diversité. Combien d'entre eux ont accédé au comité exécutif d'une entreprise du CAC 40 ? Combien d'administrateurs de la diversité dans les conseils d'administration de nos grandes entreprises ? Aucun. Comment expliquer que Total, fortement présent en Afrique et dans le monde arabe, et qui y nourrit légitimement de grandes ambitions, ne compte aucun administrateur originaire du continent africain ou du monde arabe ?

« L'incompétence » n'est plus un prétexte légitime d'exclusion

Malheureusement, les Français de la diversité sont toujours surreprésentés dans l'emploi du secteur social et associatif. On connaît l'indigence intellectuelle des arguments primaires et commodes, tel qu'« on aimerait, mais on ne trouve pas de personnes qualifiées ». Des institutions comme Fratelli ou Atlas publient les noms de personnalités dont les parcours sont brillants, tant au plan académique que professionnel. L'incompétence généralisée n'est donc plus, depuis longtemps, un prétexte légitime pour pratiquer les exclusions.

Certaines mesures peuvent nous aider à y parvenir : instauration de places réservées à la diversité dans les concours pour intégrer l'administration des Affaires étrangères ou de l'Économie. À l'instar des lois et des mesures pour la parité hommes/femmes, pourquoi ne pas réfléchir à un dispositif incitatif en faveur des entreprises qui feraient entrer la diversité dans les conseils d'administration. Enfin, dans les domaines culturels et scientifiques, la France souffre d'un déficit de formations centrées sur ces zones à fort potentiel que sont l'Asie et l'Afrique. Les partenariats entre universités, entre écoles de commerce ou centres de recherches de ces régions sont encore très insuffisants rapportés aux enjeux.

Valorisons sans attendre notre diversité ! Il ne s'agit pas seulement d'équité ou de philosophie républicaine. Il s'agit bien de nos performances commerciales et de notre développement. Nous sommes ici avant tout confrontés aux défis de la compétitivité, de notre capacité à nous internationaliser et, in fine, tout simplement de survie pour nos entreprises. Comme le disait Basil S. Walsh, homme d'affaires américain des années 1930 : « Nous n'avons pas besoin de plus de force ou de plus d'opportunités, ce dont nous avons besoin, c'est d'utiliser celles que nous avons déjà. »

Ouvrons donc les yeux !

François-Aissa Touazi, co-Fondateur du think tank Capmena
et
Kamel Haddar, Président d'honneur de l'Association Atlas