Alain Juppé et Élisabeth Guigou cosignent un appel pour la refondation de la politique euroméditerranéenne

S'inscrivant dans le contexte du renouvellement en cours des instances européennes, l'ancien Premier ministre et l'ancienne ministre et actuelle présidente de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, constatent que jusqu'ici aucun Conseil européen n'a été exclusivement dédié aux révolutions sud-méditerranéennes. Pourtant, « il y a aujourd’hui urgence à mettre le cap vers le Sud, car nos destins sont liés », estiment-ils dans leur appel, cosigné par plusieurs personnalités politiques des deux rives de la Méditerranée.

APPEL POUR UNE RECONCEPTUALISATION 
DE LA POLITIQUE MEDITERRANEENNE

La sécurité et la stabilité dans la région méditerranéenne sont les conditions sine qua non d'un développement durable et d'un partenariat équilibré entre les deux rives. Or le contexte régional aujourd'hui, fort tumultueux, avec des foyers de tensions et des conflits ouverts qui perdurent tend à compromettre toutes les formes de sécurité, entraînant dans son parcours de multiples violations des droits de l'homme.

Des événements de plus en plus graves se déroulent dans la région sud méditerranéenne. Au Moyen-Orient les affrontements israélo-palestiniens se poursuivent tout comme les guerres internes en Syrie et en Libye, le printemps arabe a généré des résultats inattendus alors qu'au Maghreb, les mouvements terroristes dans les pays du Sahel se propagent. Situation qui traduit la crise manifeste que traverse la région dont les répercussions sont très sérieuses sur le processus euromed dans son ensemble.

L'Europe, partie prenante dans ce processus doit accompagner les pays sud méditerranéens, en s'élevant en troisième force capable d'intervenir efficacement dans ces conflits, de soutenir ces pays dans leurs efforts pour instaurer la paix et contribuer avec des initiatives fortes en matière de développement pour répondre à leurs besoins. Seule manière de concrétiser le principe clé du processus de Barcelone : paix, stabilité et prospérité partagée.

Aussi, à l'occasion du renouvellement des instances européennes, il devient impérieux de réfléchir à un avenir commun entre pays européens et sud méditerranéens. Le devenir des relations entre le Nord et le Sud de la Méditerranée doit s'établir dans un rapport apaisé, fondé sur le respect mutuel, le soutien réciproque et l'égalité entre les parties ; processus indispensable pour réduire les inégalités économiques et sociales et amenuiser les crispations identitaires qui se développent au Nord comme au Sud.

Il y a aujourd'hui urgence à mettre le cap vers le Sud, car nos destins sont liés : crise économique au Nord et processus de transition au Sud. Certes, l'Europe a manqué le rendez vous des révolutions sud méditerranéennes, aucun Conseil européen ne leur a été exclusivement dédié, aucune réponse d'urgence vis-à-vis de ces situations n'a été apportée. Ce manque de mobilisation atteste que l'Europe craint les évolutions en cours dans cette partie du monde. Elle semble désenchantée et l'incompréhension prend le pas. L'Europe est trop absente. Pourquoi ? Parce qu'elle n'a pas de politique méditerranéenne. Son cadre d'action est plus atlantique que méditerranéen.

Si l'Europe a manqué et manque d'ambition dans son soutien à ces révolutions c'est, entre autre raison, que les deux outils à disposition sont inadaptés : l'UpM qui souffre d'un blocage institutionnel n'a pas atteint son objectif et la politique de voisinage, une conception euro centrée, ne correspond pas aux besoins des pays du Sud. L'Europe parle de sécurité, mais c'est un problème qui concerne avant tout le Nord. Les hommes politiques au Nord ne savent pas vendre un narratif sur l'importance de la relation avec les pays du Sud, alors que l'Europe a une responsabilité d'implication solidaire dans les transformations politiques, économiques et sociales qui demeurent l'horizon des sociétés arabes en mouvement.

Pour autant, bien sûr, tout le malheur de la Méditerranée ne vient pas de l'Europe. Les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée ont aussi leur part de responsabilité. Les déficits d'intégration Sud-Sud et le non-Maghreb sont une réalité palpable. Le Sud est un espace géographique et non un espace économique et politique.

Seulement, si face à ces difficultés, l'Europe a comme unique perspective la poursuite des accords commerciaux de libre-échange plutôt que d'œuvrer à une intégration régionale en profondeur par la coproduction, si elle ne se focalise pas sur la dimension politique, l'avenir sera sombre pour notre devenir commun.

La Méditerranée des projets, appelée de leurs vœux par de nombreux responsables politiques, est une approche intéressante mais insuffisante. La concentration sur la dimension économique et commerciale diminue de fait la dimension politique alors que les événements récents au Moyen-Orient témoignent de l'importance de cette dimension dans la stabilisation politique et le développement socio économique des pays du voisinage.

Il devient donc urgent d'élaborer un projet pour la Méditerranée, un projet efficient qui permette de construire un avenir commun, sur des bases équilibrées, et non sous la forme de règles imposées par les pays du Nord sur les pays du Sud. Le temps est venu de mettre en place une vraie politique européenne dédiée aux pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée, d'autant que la paix en Europe et son redressement productif passent par la stabilité et le développement de la Méditerranée du sud.

En effet, malgré les conflits, les fractures et les mésententes, persiste la conscience au Nord comme au Sud de la Méditerranée d'un patrimoine commun à préserver et d'un avenir commun à construire et à partager. Aussi, La constitution d'un groupe de travail de haut niveau, commun à la Commission et au Parlement européen pourra contribuer à la conceptualisation, la redéfinition et l'avancement de nouvelles idées pour construire une  « politique méditerranéenne revigorée » qui pourrait être les prémisses pour la désignation d'un Commissaire européen à la Méditerranée.

Paris, le 9 octobre 2014

Signataires :

Aicha Belarbi, ancienne ambassadrice du Royaume du Maroc à l'Unesco ; Joachim Bitterlich, ancien ambassadeur d'Allemagne auprès de l'OTAN ; Kemal Dervis, économiste, ancien ministre turc de l'Économie ; Iqbal Gharbi, universitaire tunisienne ; Élisabeth Guigou, présidente de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, ancien ministre ; Alain Juppé, maire de Bordeaux, ancien Premier ministre ; Eneko Landaburu, ancien chef de la Délégation de l'Union européenne auprès du Royaume du Maroc ; Miguel Angel Moratinos, ancien ministre espagnol des Affaires étrangères ; Josep Piqué, ancien ministres espagnol des Affaires étrangères ; Fathallah Oualalou, maire de Rabat, ancien ministre marocain de l'Économie et des Finances ; Panagiotis Roumeliotis, vice-président de Piraeus Bank, ancien ministre grec des Finances.

Toutes ces personnalités sont membres du Comité d'Orientation Politique de l'Institut de Prospective Economique du Monde méditerranéen (IPEMED), instance consultative, paritaire et dépourvue d'attache partisane. Il a pour objectif de promouvoir l'action d'IPEMED et de défendre ses idées auprès de la sphère politique et internationale. Depuis 2013, Miguel Angel Moratinos, ancien ministre et Aïcha Belarbi, ancienne ministre, en assument la coprésidence.

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Commentaires 22
à écrit le 19/10/2014 à 10:32
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On a déjà essayé avec le processus de Barcelone, rien n'y fait, les mentalités sont trop différentes, peut-être une approche bilatérale serait-elle plus productive, par exemple progressivement en développant les partenariats bilatéraux avec l'EU, Mar...

à écrit le 10/10/2014 à 23:20
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Les masques tomberaient enfin? Assisterait-on à l'officialisation de politiques transpartis mais résolument atlantistes par ceux qui depuis des années prétendent défendre nos intérêts?

à écrit le 10/10/2014 à 18:46
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Je suis content qu'il y ait encore des hommes politiques en France capables de définir un vrai cap; ça me rassure et ça me donne du courage pour continuer à résister à la morosité et à la bêtise ambiante, vraiment Juppé / Sarkozy il y a pas photo, qu...

le 10/10/2014 à 23:20
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définir comme cap le copié collé imposé par les US? C'est ça votre vision?

le 17/10/2014 à 12:26
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La démocratie ça se construit, pourquoi laisserions nous nos alliés américains à la porte de cette construction mondiale ? Vous proposez quoi, la révolution nationaliste pour tous . C'était de le choix de l'Europe en guerre, il a bien été difficile d...

à écrit le 10/10/2014 à 16:44
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La méditerranée représente pour la France ce que la mittleuropa représente pour l'Allemagne. Imaginons un instant en mode "pure fiction" que la France et l'Algérie se soient réunifiés en 1989 et que l'ensemble des pays du Maghreb aient intégrés l'Uni...

à écrit le 10/10/2014 à 12:50
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Ils ont fait la preuve de leur incompétence sauf en matière de carrière.

à écrit le 10/10/2014 à 8:21
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bien sûr que nous sommes "liés", depuis que nos politiques bandits ont préferé faire entrer des nord africains en France et leur donner plus qu'aux français. Celui qui mettra en avant ces relations est sûr de ne pas être élu même si, cela serait util...

à écrit le 10/10/2014 à 7:15
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Pour le moment ça ressemble plus à un "Game of Thrones" façon 2014

à écrit le 10/10/2014 à 2:57
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toujours du baratin, la fance subit les pressions des paysdu sud simplement par ses aides sociales avantageuses, le reste c'est du pipeau, la france n'a rien a gagner mais beaucoup a perdre, son identite de pays catholique majoritaire

à écrit le 09/10/2014 à 23:32
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40 ans que les mêmes avec les mêmes baratins ont amené le pays à la faillite économique,morale,identitaire et surtout financière que l’on connait aujourd’hui ! Et maintenant voilà Juppé l’opportuniste (le meilleur d’entre nous avant qu’on l’ai vu ...

le 10/10/2014 à 8:10
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Le premier aussi qui en déplafonnant l'ISF avait provoqué la première vague d'exil fiscal surement le meilleur d'entre nous pour nous tuer un peu plus

à écrit le 09/10/2014 à 22:45
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Donc un projet européen pour la méditerranée : les mêmes recettes en échec étendues au sud... Après l'UE qui protège de la mondialisation alors qu'elle va plus loin qu'elle, ils proposent l'UE qui permettrait le développement économique et la paix ci...

le 09/10/2014 à 22:48
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Un partenariat avec les pays du Sud ne peut s'entendre qu'après la sortie de l'Union..

à écrit le 09/10/2014 à 21:35
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C'est effectivement une excellente hypothèse de réenvisager mettre en oeuvre une politique économique avec les pays du sud et je souscris jusqu'à " La constitution d'un groupe de travail de haut niveau, commun à la Commission et au Parlement europée...

à écrit le 09/10/2014 à 21:16
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L'europe a peur de son ombre alors se tourner vers le sud ...

à écrit le 09/10/2014 à 20:52
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Encore du juste politiquement correct. Ces "genies" pourraient nous preciser clairement en quoi consiste „le patrimoine commun à préserver“? On pourrait alors mieux saisir le sens et le but poursuivi par cette manipulation, car je suis persu...

à écrit le 09/10/2014 à 19:05
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Ah, l'UMPS...

à écrit le 09/10/2014 à 18:44
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Moi je veux bien mais je lui impose à Juppé la recette Guigou, 3 lifting et une moumoute, quel tandem quand même, pas mieux ???

à écrit le 09/10/2014 à 18:28
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ah non pitié !!!!!

à écrit le 09/10/2014 à 18:18
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et un machin de plus !

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