Le PLF nouveau est arrivé (2/2) : les chiffres du millésime 2014

Le gouvernement a validé la semaine dernière le projet de loi de Finances concocté par Bercy pour 2014. Notre contributeur Pierre-François Gouiffès le passe au crible.
Le ministre de l'économie et des Finances et le ministre du Budget ont présenté la semaine dernière leur projet de loi de Finances pour 2014. Notre contributeur Pierre-François Gouiffès le passe au crible. | REUTERS, Christian Hartmann

Après un premier article ayant cerné le millésime 2014 du verbe politico-budgétaire, il s'agit ici de passer des mots aux chiffres et de passer au crible les données budgétaire suivant plusieurs angles : en comparant d'abord les deux moutures successives du PLF, en mettant en regard le cadrage macroéconomique retenu par le gouvernement et son analyse critique par le haut conseil des finances publiques, en mettant en exergue quelques évolutions notables des recettes et des dépenses, et pour finir, en regardant où tout cela nous amène en matière de déficit et de dettes publiques.

Photographie comparée entre les PLF 2013 et 2014

Le tableau ci-dessous compare les années 2012, 2013 et 2014 des 2 PLF successifs.

PLF comparés

Il en ressort plusieurs éléments :

- le taux de prélèvements obligatoires est un peu plus bas que prévu en 2013 tant dans l'exécution 2013 que dans le budget 2014 ; il y a certainement dans cette tendance une petite musique de « pause fiscale » : l'environnement économique et politique contrecarre l'orientation trans-partisane 2011-2013 d'un retour à l'équilibre budgétaire par une progression des recettes ;

- les dépenses publiques sont supérieures grosso modo d'un point de PIB à ce qui était prévu en 2013, ce qui traduit sur le plan budgétaire une croissance plus faible en 2013 que prévu (dernière prévision de croissance à +0,1% contre +0,8% dans le PLF 2013) ;

- le redressement des comptes est plus lent que prévu : la nouvelle prévision de déficit 2013 est de 4,1% contre 3% dans le PLF, et le déficit 2014 est calé à 3,6% alors qu'il était programmé à -2,2% l'an dernier ;

- il en résulte une augmentation beaucoup plus sensible de la dette publique brute, qui dépasse fin 2014 95% du PIB contre 90,5% prévu l'an dernier.

Cadrage macroéconomique du PLF 2014

Ce cadrage macroéconomique fait l'objet d'une première revue de la part du Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP) institué suite à la ratification française fin 2012 du traité budgétaire européen.

Ce cadrage est utile : l'histoire budgétaire récente montre la permanence d'un biais optimiste des gouvernements successifs notamment dans le choix du taux de croissance : j'ai calculé un biais optimiste moyen de 0,6% depuis 1974 dans « l'âge d'or des déficits » et nous venons de voir que l'année 2013 n'a pas fait exception à cette règle. En tout état de cause, le HCFP a qualifié de « plausible » la prévision de croissance en volume retenue par le gouvernement (+0,9%).

Le HCFP est en revanche nettement plus critique sur la prévision de croissance de l'emploi du gouvernement (+0,6%) qui présente selon lui « des éléments de fragilité » : « L'évolution de l'emploi a un impact important à la fois sur le dynamisme de l'activité économique et l'équilibre des comptes publics. Une hypothèse trop favorable peut conduire à une surestimation de la masse salariale, donc des recettes de cotisations sociales et de CSG, ainsi qu'à une sous-estimation des dépenses d'assurance chômage. »

Recettes & dépenses

  • Recettes

Même si le gouvernement met en avant le fait que les prélèvements obligatoires sont « quasiment stabilisés » dans le cadre du débat sur la « pause fiscale », il n'en demeure pas moins que le niveau de 46,5% du PIB en 2014 constitue le record dans l'histoire des finances publiques françaises : jamais les prélèvements obligatoires (qui étaient à 35% du PIB il y a quarante ans) n'ont été aussi élevés.

  • Niveau global de la dépenses

Comme cela apparaît sur le tableau supra, la dépense publique reste collée dans la zone 56%-57%, et en dépit d'un effort sur les dépenses qualifié de « sans précédent » de 15mds€ par l'exécutif. Comme indiqué dans l'article de ce blog sur la dépense publique comme « drogue dure française », cette zone des 56-57% est depuis cinq ans la nouvelle norme de dépenses publiques. Les dépenses publiques représenteront donc en 2013 pas loin de 1.200 mds€.

Dans l'article sur le verbe politico-budgétaire, on a vu que les économies étaient calculées sur la base d'un écart à la baisse par rapport à un tendanciel d'augmentation spontanée inéluctable, qui semble effectivement avoir baissé en 2013 par rapport aux années passées mais n'empêche par la dépense de croître.

Revue de dépenses particulières

  • Charges de personnel et masse salariale

Comme en 2013, l'essentiel des créations de poste est gagé par des suppressions dans la fonction publique d'Etat pour en stabiliser les effectifs, contre une réduction de l'ordre de 30.000 départs nets par ans sous l'empire de la règle du « un sur deux » sous Nicolas Sarkozy.

Il n'y a en revanche aucune visibilité sur l'évolution des effectifs des fonctions publiques territoriale et hospitalière.

  • Charge de la dette

Concernant la charge de la dette, elle est prévue pour le budget de l'Etat à 46,7 mds€ et devrait tourner autour de 60mds€ pour l'ensemble des administrations publiques (en rajoutant le coût de la dette des collectivités locales et de la Sécurité Sociale). Cette dépense amène à deux remarques :

- la charge de la dette représentera fin 2014 près de 3% du PIB & plus de 5% du total des dépenses publiques ;

- même si la France a bénéficié jusque-là d'excellentes conditions de financement, cette dépense est très sensible à l'évolution des taux d'intérêt (dernier taux connu de 2,35% pour l'OAT à dix ans), le gouvernement indiquant avoir retenu « un scénario prudent de remontée progressive des taux d'intérêt d'emprunt » ; au final le taux d'intérêt apparent sur la dette (charge d'intérêt rapporté au stock de dette) dépasse légèrement les 3%.

  • Prestations sociales

Les prestations sociales sont certainement celles qui sont les plus marquée par les évolutions tendancielles les plus fortes :

- impact démographique pour les pensions ;

- croissance de 2,4% de l'ONDAM en valeur ;

- mise en œuvre de certaines décisions discrétionnaires de hausses, comme les 2 coups de pouce de 2% (+ inflation) sur le montant du RSA en 2013 et 2014.

Le déficit poursuit la séquence de baisse

Le déficit APU 2014 est le quarantième déficit consécutif des administrations publiques françaises (le dernier exercice excédentaire datant justement de 1974) ; c'est également le huitième déficit primaire consécutif depuis 2006. Il poursuit la séquence de baisse du déficit depuis le point haut historique de 2009 tant au niveau du déficit total (passage de -7,6% à -3,6%) qu'en ce qui concerne le déficit primaire (passage de -5,1% à -0,7%) ;

Par ailleurs, il ne respecte pas la norme de 3% du traité de Maastricht pour la onzième fois sur 18 depuis 1997 (les seules périodes de respect ont été les années 1998-2001 et 2005-2007) ; le retour à la norme de 3%, prévue dès 2013 dans le précédent budget, est désormais promis pour 2015 en parfait lien avec le délai de deux ans supplémentaire évoqué par la Commission européenne.

Le gouvernement s'engage en outre dans le PLF 2014 au retour à l'équilibre structurel en fin de quinquennat et il s'apprête à connaître sur ce point la vigilance du HCFP.

Dette et charge de la dette

A 95,1% du PIB, le PLF 2014 prévoit que la dette publique dépasse les 2.000 milliards d'euros à fin de cette année. Avec les chocs liés à la conjoncture économique, la dette a ainsi doublé entre 1993 et 2003 (dépassement du seuil de 500 milliard pour arriver aux 1.000 milliards) pour redoubler de nouveau en une dizaine d'année, avec l'impact fort de la crise depuis 2008 : la dette fin 2014 sera en augmentation de 800 milliards par rapport à 2007 (+2/3 !).

Dette publique

Avec un solde tous APU à -3,6% et un solde primaire évalué autour de-0,7% fin 2014, la France reste en effet très loin des soldes nécessaires à la stabilisation de la dette publique : le déficit stabilisant et le déficit primaire stabilisant se situeraient respectivement à -1,5% et +0,7% : il aurait fallu que le déficit prévu fin 2014 soit réduit de 1,5 points de PIB par rapport à la prévision fin 2014 pour que la dette publique ait pu être stabilisée.

Absence d'une vision totalement consolidée du budget

La présentation qui vient d'être faite est un exercice centré sur le budget de l'Etat (PLF 2014) et la Sécurité Sociale (PLFSS 2014), ceci du fait de la nature des données disponibles.

Nous n'avons en revanche d'informations sur les collectivités locales uniquement que par les données du budget de l'Etat (information sur les prélèvements sur recettes à leur profit et des dotations budgétaire de l'Etat, prévus en baisse de 1,5mds€ en 2014 et 2015).

Nous ne disposons pas donc de données consolidées sur les administrations publiques en dehors des données extrêmement macro rapportées au PIB (prélèvements obligatoires, dépenses publiques, déficit et dette publique brute au sens de Maastricht).

Il y a là clairement un champ de renforcement des données consolidées pour les années à venir pour perfectionner notre connaissance de la situation globale des comptes publics français.

 

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Commentaires 3
à écrit le 01/10/2013 à 18:16
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Votre vision des finances publiques est totalement erronée. Parler de "drogue de la dépense" ne veut rien dire. Savez vous que ce sont les dépenses sociales qui ont augmenté? Payer les retraites, est-ce une drogue? C'est la hausse des dépenses de re...

le 01/10/2013 à 23:24
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donc selon votre raisonnement il n'y pas de limite à la hausse des prélèvements et donc indirectement au déficit au vu de la difficulté actuelle du gouvernement à faire passes ses hausses d'impôts & prélèvements ?

le 02/10/2013 à 9:16
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Non avec le vieillissement de la population et le papy boom, les dépenses sociales vont continuer à augmenter. Après on peut faire comme dans d'autres pays : supprimer la sécurité sociale et la retraite par répartition et tout basculer en assurances ...

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