Merci, Monsieur Chirac

On doit à l'ancien président le musée du Quai Branly, consacré aux Arts premiers. Une réussite

Il serait équitable de dire « merci M Chirac » à chaque visite du musée du Quai Branly. C'est à ce monarque républicain que nous devons ce musée consacré aux « arts premiers » Devant la difficulté à définir ce qui était « premier » et ce qui ne l'était pas, l'appellation neutre de Musée du Quai Branly l'a emporté.

Ajoutez un second merci à Jacques Kerchache, un personnage romanesque aux milles facettes. Marchand d'art, collectionneur, organisateur d'expositions, écrivain, aventurier et mécène (statues africaines) qui suscita des réactions contradictoires. Il connut des échecs avant de convaincre Jacques Chirac de consacrer un Pavillon du Louvre aux Arts Premiers puis de construire un « musée des civilisations » Il n'en vit pas l'achèvement (2006) mais son souvenir demeure avec la belle salle de lecture et de conférence du rez de chaussée qui porte son nom.

Le troisième « merci » pourrait être pour…Lionel Jospin. Nous étions en période de cohabitation et de disette budgétaire (comme dab) Bercy s'opposait à la construction d'un musée supplémentaire à Paris et penchait pour des solutions moins coûteuses comme la récupération de l'ex-musée des colonies situé Porte Dorée. La décision incombait au Premier Ministre, qui considéra qu'un musée coûterait moins cher à son gouvernement que le sabotage d'un Président laissé oisif. La bataille financière fut plus facilement gagnée que celle menée contre les collaborateurs du Musée de l'Homme qui refusaient de se dessaisir de leurs trésors, invisibles pour le grand public, et qui firent grève.

Débat architectural

Jean Nouvela-t-il réussi à tirer parti des contraintes, étroitesse du terrain et hauteur maximale ? Cela se discute, les caissons proéminents peuvent être jugés agressifs. Le débat architectural se dilue dans la luxuriance du jardin de Gilles Clémentqui dissimule à la belle saison le bâtiment. Le cheminement sur des sentiers tortueux bordés de plantes aux essences variées et exotiques est une excellente préparation à la visite. Elle commence par une épreuve, la montée interminable d'une longue rampe sinueuse -appelée pompeusement la rivière-qui conduit à une grande galerie, immense espace non cloisonné.

A l'origine, les collections d'Océanie avaient fait mon admiration. Je n'avais rien vu de comparable en France, alors que les collections africaines présentaient moins d'originalité.

Le musée est un succès indéniable, plus d'un million de visiteurs en 2013. Le public, français et étranger, a ratifié les choix esthétiques des fondateurs. Les spectacles donnés dans les salles du sous-sol et dans le théâtre de plein air contribuent au succès, moins probablement que les nombreuses expositions, toujours intelligentes, souvent remarquables qui se succèdent. Elles ont de plus le mérite de faciliter le recours au mécénat, dont l'importance est croissante dans les ressources de l'établissement.

Rendons hommage à Stéphane Martin, énarque et membre de la Cour des Comptes, qui montre que culture et management peuvent se combiner. Il mérite un quatrième merci.

 Les Indiens des Plaines,                                                             

L'exposition en cours « Indiens des Plaines » en est une illustration. Astucieusement, l'exposition commence par la fin et le renouveau d'un art indien, aujourd'hui influencé par l'art américain, voire européen. La robe à empiècement, parsemée de coquillages et de clous (1959) est superbe et l'aquarelle « l'esprit du vent » (1955) riche en mouvement et contrastes surprenante. La croyance selon laquelle les survivants périclitent dans des réserves, usés par l'alcool et les maladies importées par les blancs avec comme seul ressources des maigres subsides fédéraux ou des revenus de casinos est simpliste. Cette population est en croissance rapide et une partie vit en dehors des réserves. Ils sont plus de cinq millions et lors de l'arrivée de Christophe Colomb autour de un million et demi.

Puis vient le début et la France est très présente avec les marchands de fourrure et autres Québécois. Ils donnèrent un nom à plusieurs tribus proches du Missouri (il est difficile de se retrouver dans tous ces noms) et échangèrent avec les Indiens. Une première exposition eut lieu au Louvre en 1699 et une très belle robe d'apparat, une peau de bison peinte, de la même époque, représentant des Indiens alliés des Français allant au combat sous un soleil écarlate, fait partie des collections du musée.

Dans une scénographie sobre de JP Wilmotte, sont exposés 133 objets : calumets, vestes à frange, coiffes en plumes, masques de chevaux, boucliers, mocassins et robes peintes… Elles m'ont fait penser aux peintures rupestres du Tassili des Ajjer vues il y a bien longtemps représentant des petits bonhommes (les » têtes rondes ») des chevaux et des combats. Les scènes sur une même robe sont nombreuses, incompréhensibles pour nous, faisant dans certains cas référence au culte du soleil. Parfois, de simples motifs géométriques décorent robes et vestes.

 Des relations complexes entre les envahisseurs et leurs victimes

Les explications historiques, clairement présentées dans l'exposition, sont connues : reflux continu vers l'ouest des tribus engendrant des conflits avec les autorités fédérales et entre tribus, traités non respectés, les Américains confisquant sans cesse de nouvelles terres pour leurs besoins: ligne de chemins de fer, recherche d'or, élevage. Le mode de vie des Indiens fut bouleversé, notamment par le massacre des bisons (or chez le bison, tout est bon) passant de 40 millions à quelques milliers. Vaincus et affamés, ils furent cantonnés dans quelques centaines de réserves, ne pouvant pas pratiquer leur religion.

Les relations entre envahisseurs et leurs victimes sont complexes. Les vaincus s'approprièrent les chevaux et les armes et découvrirent de nouveaux matériaux, tissus, métaux, perles qu'ils incorporèrent dans leur art. Les envahisseurs furent parfois séduits ou fascinés : ils photographièrent, commandèrent des objets jugés esthétiques ou montèrent des spectacles, comme Buffalo Bill, qui eut un grand succès en Europe.

Extraits de films

Les extraits de films (Cecil B de Mille, John Ford) projetés dans le cadre de l'exposition montrent cette ambigüité ; certes les Indiens sont sanguinaires (le scalp) et fourbes mais ils sont courageux (Anthony Quinn en chef cheyenne…) certaines jolies Indiennes (jouées par des blanches) épousent de valeureux cow-boys, et parfois un blanc adopte le mode de vie indien. Le regard est maintenant inversé, les Indiens, qui jouent dans les films, sont présentés en victimes. Apparait, une nouvelle mythologie positive, celle là (Danse avec les loups)

Ces extraits stéréotypés font la joie des plus jeunes. Vous pouvez donc emmener sans crainte enfants et petits enfants, d'autant que des jeux interactifs sont proposés.

Après Paris, l'exposition conçue par un Américain de Kansas City ira à New- York. Nul doute qu'elle aura du succès en ces temps de repentance.

 

Pierre-Yves Cossé

Avril 2014

 

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Commentaires 10
à écrit le 02/05/2014 à 14:38
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Bizarrement ,moi, je dirai merci. J avais beaucoup d'aprioris sur ce musé. Peut etre a cause de la thématique "peu sexy" ou du bâtiment "ovni", ou meme du président. Mais tout s'est envolé des lors que j'y ai mis les pieds. C'est une belle réussite. ...

à écrit le 02/05/2014 à 10:27
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Il est à craindre qu'à cette occasion, les collections du Musée de l'homme n'aient été pillées. Le déménagement s'est fait dans la précipitation, sans inventaire exhaustif, ce qui offrait beaucoup d'opportunités à des gens peu scrupuleux. Que sont au...

à écrit le 02/05/2014 à 9:55
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merci Mrs Chirac pour la taxe sur les billets d'avions pour le soit disant aide au développement de l’Affrique qui est a fond perdus comme dab et pénalise le tourisme

à écrit le 01/05/2014 à 23:26
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Avec lui çà était le commencement de la fin pour notre pays.

à écrit le 01/05/2014 à 22:03
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Il n'y a pas de quoi: Il vaudrait mieux faire une musée pour les "arts de notre pays "

à écrit le 01/05/2014 à 14:34
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et merci aussi aux contribuables qui ont financé proportionnellement bien plus que Mr Chirac ce musée via leurs impôts !

à écrit le 01/05/2014 à 11:54
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Je sais pas vraiment pourquoi , mais il ne me vient pas à l esprit de dire merci .

le 01/05/2014 à 14:28
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Idem, j aurais plutôt tendance à voir en lui une catastrophe historique.

à écrit le 01/05/2014 à 11:13
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J'eus préfère que les arts "premiers" s' installent à la place du musée des arts décoratifs dont les très importantes collections étouffent dans un bâtiment trop petit pour être exposées. Un nouveau grand bâtiment sur le quai Branly eut été plus apt...

à écrit le 01/05/2014 à 10:09
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On célèbre bruyamment ceux qui dépensent et ont de beaux sentiments... sans jamais être capables de créer les structures de richesse !

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