Pourquoi le smic aurait dû rester régional

Par Pierre-Yves Cossé, ancien commissaire au Plan  |   |  520  mots
Jusqu'en 1968, le smic était différent selon les régions, pour tenir compte des écarts de prix. L'uniformisation a été une erreur. Par Pierre-Yves Cossé, ancien commissaire au Plan

Le salaire minimum, de 1950 à 1968, n'était pas uniforme. La France était divisée en vingt zones de salaires et le salaire minimum variait -modérément- selon les zones, le salaire le plus élevé étant parisien. J'étais de ceux qui se battaient contre cette «  inégalité » et qui réclamaient l'uniformisation, par le haut évidemment, dans cette période de croissance rapide du pouvoir d'achat. Nous obtînmes gain de cause en 1968.

Le débat actuel sur le niveau du SMIC montre que nous avons eu tort. Sur un point majeur, celui du logement, les écarts, qu'il s'agisse de la disponibilité ou des prix, n'ont cessé de croître selon les villes et les territoires. Avec le SMIC actuel, il est très difficile de se loger et de vivre convenablement à Paris et dans certaines métropoles. Or cela l'est beaucoup moins dans de nombreuses petites villes.

 Difficile de revenir en arrière

Rétablir des zones de salaires, sur des critères objectifs, est une entreprise politiquement risquée (c'est un euphémisme) Ou alors, il faudrait franchir une étape dans la décentralisation et décider que le niveau du salaire minimum est fixé par la région.

Une différenciation en fonction du territoire et du coût de la vie serait cependant moins « discriminatoire » qu'une différenciation par l'âge (SMIC jeunes) alors que ces mêmes jeunes sont déjà pénalisés par l'abus des CDD, les stages non rémunérés, et du travail partiel imposé.

 Éviter les solutions uniformes et rigides

De cette « erreur » j'en ai tiré une leçon. Évitons le plus possible dans le domaine social les solutions uniformes et rigides. Donnons la plus grande place possible à l'expérimentation et à des modulations selon des critères, qui deviennent nombreux. Les réalités sociales sont de plus en plus hétérogènes et les exigences, individuelles et collectives d'une prise en compte de cette hétérogénéité de plus en plus fortes. D'aucuns s'inquiéteront du risque d'arbitraire qui pourrait en résulter et se plaindront d'une complexité administrative accrue. Mais c'est d'abord la société qui se fractionne de plus en plus et ce sont les différents groupes sociaux qui multiplient les revendications catégorielles. Les politiques publiques ne sont que le reflet de cet éclatement. Les grandes « machines » conçues à la Libération grincent de partout.

 Jouer la proximité

Pour limiter les inconvénients, il faut davantage prendre en compte le critère de la proximité. Plus les politiques sociales sont proches des bénéficiaires, plus les adaptations nécessaires sont aisées. La légitimité du pouvoir redevient de plus en plus liée à sa proximité. Les décisions des « bureaux parisiens » nécessairement ignorants du contexte local sont de moins en moins supportées. Pour chaque politique, essayons de déterminer le bon degré de proximité.

Aussi, je suis très réticent à l'égard de l'idée à la mode consistant à transférer les compétences sociales du département à la région, ce qui serait synonyme d'éloignement.