Hollande doit renoncer à un second mandat

Par Pierre-Yves Cossé  |   |  1127  mots
Le président de la République est disqualifié s'agissant de la politique économique. Il doit laisser son premier ministre agir dans ce domaine. Et abandonner l'idée d'un second mandat, pour sauver le quinquennat. Par Pierre-Yves Cossé, ancien commissaire au Plan

Avant même la crise gouvernementale, François Hollande se trouvait en plein décalage.  A Mayotte, le 22 Aout, il déclare : « nous sommes ici pleinement en France » .
Une France où 40% de la population est composée d'étrangers en situation irrégulière, qui en majorité (75%) ne parlent pas français, où 40% des adolescents sont illettrés, où l'immigration clandestine est massive (476 embarcations interceptées en 2013) où le Smic est inférieur de près des deux tiers à celui de la métropole, où les soins de santé sont payants, où 40% des emplois sont à caractère administratif. Et l'on pourrait continuer... polygamie, statut personnel.

Le dernier avatar de notre histoire coloniale

Mayotte est le dernier avatar de notre histoire coloniale, le moins pardonnable, solennisé par des référendums -non reconnus par l'ONU- sous les règnes de Georges Pompidou et de Valery Giscard d'Estaing. Ce confetti coupé de son ensemble géographique, culturel et historique, les Comores, et isolé de la métropole (pas de liaison aérienne directe) n'est pas viable. La départementalisation décidée en 2009 n'est que fuite en avant. Compte tenu des fossés économiques, culturels et sociaux, elle ne sera pas appliquée.

Pourquoi avoir mis les pieds dans ce département?

Certes notre Président n'est pour rien dans cette situation, sur laquelle il n'a pas de prise réelle. La politique réaliste, mais actuellement inavouable, est le rapprochement avec les autres Comores dans la perspective d'un retour à l'indépendance. Compte tenu des divisions et du sous-développement dans cet archipel en crise permanente, une telle perspective est inenvisageable pour l'instant. Elle n'est pas synonyme d'économies rapides car il faudra payer- et cher- pour la faire accepter.
Le moins mal pour un président de la République est l'abstention : se taire et ne pas mettre les pieds dans notre 101ème département, même pour y faire l'éloge de sa politique.

Un déplacement plus justifié à La Réunion

Le déplacement à la Réunion est, lui, justifié. C'est un « vrai » département d'outre-mer qui a des capacités propres de développement. Faut-il pour autant chercher dans une adaptation du pacte de responsabilité le remède miracle ? Une réflexion tenant compte des spécificités de l'île et de son environnement géographique ne serait-elle pas plus féconde ? N'est-ce pas le moment, où le Président veut réaliser une grande réforme territoriale, de concevoir une décentralisation économique qui permette d'assouplir le pacte colonial. La Réunion a des relations commerciales très faibles avec ses voisins et notamment avec l'ile Maurice -l'ex Ile de France- parfaitement insérée dans la mondialisation, aux performances économiques remarquables. Il en résulterait notamment une baisse du prix des importations et du coût de la vie. Mais les lobbys veillent.

Hollande disqualifié dans le domaine de la politique économique

Et les annonces économiques ? Un contre-sens. Le président ne veut pas reconnaître qu'il est disqualifié dans le domaine de la politique économique et que la seule voie qui lui reste est de laisser son Premier Ministre et son gouvernement agir, conformément à l'article 20 de la constitution. Il dévalorise des orientations pertinentes- logement, investissement, professions réglementées- en les annonçant lui -même.

Le Président du Flou et du Lent

Certes, il peut proposer une mesure qui lui tiendrait à cœur mais faut-il qu'il soit précis sur le contenu et le calendrier. Or il annonce les précisions pour la semaine suivante, en attendant que le gouvernement puis le Parlement s'en saisisse. Bref il reste le Président du Flou et du Lent, et c'est seulement sa parole qui s'accélère.
Hors de la politique économique, il reste au Président un champ d'action considérable, peu éloigné de celui du premier Président de la cinquième république. Le champ diplomatique et militaire, où il s'est le mieux imposé. Dans un monde « zéro polaire » pour reprendre la formule de Laurent Fabius, aux conflits sans cesse plus graves, la voix et les initiatives de la petite France ont une portée certaine, notamment en Afrique et même au Moyen Orient. Et c'est maintenant qu'il faut prendre des initiatives en vue de la complexe conférence mondiale sur l'environnement qui se tient à Paris en 2015. Il doit poursuivre dans le domaine des relations bilatérales, où il a obtenu quelques succès (Chine, Algérie) à côté de quelques maladresses (Israël/Palestine).

Le risque de s'en prendre en bloc aux professions réglementées

Il accorde une grande importante au champ symbolique, ce qui en cette période de commémorations se justifie.
Il doit aussi veiller à la paix civile. S'en prendre en bloc aux professions réglementées peut susciter des troubles. Le propos est pour l'instant vague, donc particulièrement inquiétant pour les intéressés qui s'attendent au pire. Depuis le rapport Rueff-Armand (1960) beaucoup s'y sont essayés. Avec quelques succès, contrairement à ce que tout le monde écrit (agents de change, avoués, commissaires priseurs, mandataires, courtiers ) et avec beaucoup d'échecs. Une coalition de toutes ces puissances et de leurs lobbys serait redoutable, dans un pays où le droit à la rente est considéré comme un quasi droit de l'homme. Il est à craindre qu'il faille payer pour compenser la suppression des rentes. Croire, comme l'a dit Arnaud Montebourg, que s'opérerait immédiatement un transfert de revenus au profit des salariés est un leurre. Comme la plupart des réformes de structures, le dividende est à moyen terme.

L'incertaine réforme territoriale

Enfin, le Président veut attacher son nom à une « grande réforme » et il a choisi-tardivement- la Réforme Territoriale. La réussite n'est pas acquise, elle implique de sa part une mobilisation quasi permanente, presque tout reste à faire. Le nombre des régions est un problème secondaire, comme le montre l'exemple allemand avec ses cités/ états. L'essentiel est de décentraliser pour mobiliser le potentiel économique et humain existant dans les régions et les métropoles au profit des acteurs économiques et créer de nouveaux réseaux. Cela implique une redistribution et une clarification des missions, une stricte spécialisation (plus de clause de compétence générale) et une responsabilisation (des« patrons » directement élus au suffrage universel). Tous ces points complexes sont loin d'être réglés.


Renoncer à second mandat pour sauver le quinquennat

Hollande Deux n'est pas sorti de sa gangue. Il n'y parviendra que s'il renonce définitivement à un second mandat (sans qu'il y ait besoin d'une annonce explicite). Débarrassé de cette hypothèque, il pourrait sauver son quinquennat.

Pierre-Yves Cossé

Aout 2014