Jacinthe Busson, celle qui code et décode

Discrète, la jeune femme initie le monde très masculin des développeurs informatiques aux subtilités du design « émotionnel » des sites Web. Elle enchaîne les « hackathons » tout en copilotant sa start-up, Kontest.
Toujours directrice opérationnelle de Kontest, elle veille à garder l'ambiance de travail détendue au sein d'une équipe agrandie / DR

L'idée de se séparer de son ordinateur pendant tout un weekend fait naître une moue perplexe sur le visage de Jacinthe Busson, cela l'inquiète même profondément Non, le concept de « digital detox », très en vogue dans la Silicon Valley, ce n'est pas pour elle.

La cofondatrice de Kontest, une société de création de jeux concours sur les réseaux sociaux, est par nature discrète. Mais sa réserve s'efface dès qu'elle présente un de ses sujets d'expertise.

« Nous n'allons pas parler de code ! » lance-t-elle d'emblée, quitte à désarçonner son auditoire de développeurs informatiques, pour introduire ses interventions sur le design émotionnel concept défini en 2011 par Aarron Walter dans Designing for émotion.

Le public féru de HTML5, souvent exclusivement masculin, écoute sans ciller pourquoi il faut tenir compte de l'expérience utilisateur dans la construction d'une page Web. Car Jacinthe Busson est une des rares femmes sachant coder. Respect.

Aussi à l'aise en marketing qu'en technique

« En dix ans d'expérience, je n'ai rencontré que quatre nanas développeuses », dénombre sans s'en émouvoir cette adepte des « hackathons ».

Depuis trois ans, un week-end par mois, elle épaule les équipes de développeurs qui s'efforcent de créer de toutes pièces une application mobile en 48 heures. John Karp, le cofondateur de BeMyApp qui organise ces concours, a repéré Jacinthe Busson :

« Venue en curieuse, elle s'est distinguée par son expertise en ergonomie Web et sa capacité d'écoute. Son discours iconoclaste plaît. Il faut une aura, du charisme pour être écoutée dans ce milieu qui s'ouvre doucement aux femmes. »

Jacinthe Busson soutient la promotion des femmes dans le digital en animant des ateliers pour l'association Girlz in Web, fondée par Célina Barahona et Lucile Reynard.

« J'évoque le design émotionnel, bien sûr, mais aussi les bonnes pratiques sur Facebook, et je donne des conseils sur les business plans. »

Elle a ainsi accompagné dès leurs débuts Caroline Joubert et Eléonore David, les cofondatrices du site de location d'ustensiles Ma Petite Cuisine, qui ont reçu le Prix « Jeunes entrepreneurs de Paris » en 2010.

« Jacinthe est simple, très abordable, toujours prête à aider », observe Olivier Saint-Léger, qui coorganise pour Adobe, et avec Jacinthe Busson, des événements dédiés aux professionnels du marketing digital, les Social Drink Up.

Une autodidacte du Web

Cette pionnière du Web s'est bien plus formée en passant son temps libre sur le Site du Zéro (aujourd'hui rebaptisé OpenClassrooms) et en dénichant des cours en ligne qu'en suivant les cours de son BTS en alternance. Elle a fait ses classes en tant que graphiste, d'abord en réalisant des catalogues de textiles chez Solo Invest, puis chez Mondomix, le magazine dédié aux musiques du monde.

C'est au sein de la maison de disques indépendante Abeille Musique qu'elle fait ses débuts en tant que Web designer, avant de rejoindre l'agence de marketing digital Heaven, qui lui confie une mission pour Microsoft France.

« Je me suis familiarisée alors avec les réseaux sociaux et la gestion des communautés sur Internet, ainsi qu'avec les problématiques liées à une forte audience grand public et les contraintes d'une charte graphique rigoureuse », sourit Jacinthe Busson.

C'est alors qu'elle initie une réflexion sur ce qui fonctionne ou non dans un site Web, du point de vue de l'utilisateur. Elle multiplie les tests et partage ses conclusions « sans prétention » dans son blog, Ergophile.

« Les analyses théoriques des bonnes pratiques en matière de webdesign étaient légion. Mais personne ne commentait les cas pratiques. C'est ainsi qu'est née l'idée du blog. »

Deezer la repère et la recrute en 2008

« J'ai découvert la vie dans une start-up en forte croissance, s'enthousiasme-telle. Quand je suis arrivée chez Deezer, l'équipe comptait dix personnes. Nous étions 70 deux ans plus tard, quand j'ai démissionné pour me consacrer à pleintemps à Kontest, fondé avec mon compagnon, Sylvain Weber », qui travaillait alors chez Google France.

« Depuis notre rencontre il y a dix ans, nous nous sommes mutuellement appris en menant différents projets ensemble », explique Sylvain Weber.

Tous deux amateurs de « flashmobs » ces performances éphémères qui rassemblent des inconnus dans un lieu donné, ils ont rodé leur tandem via un blog commun, vite abandonné, puis en créant en 2009 TKaap, une plate-forme où les internautes postaient les photos des défis qu'ils relevaient.

« Nous nous sommes beaucoup investis. L'humoriste Kev Adams s'est également prêté au jeu. Mais à l'époque, Facebook n'était pas encore très répandu en France et réunir une large communauté était difficile », analyse Jacinthe Busson.

Deux ans plus tard, l'aventure s'arrête, ou plutôt se transforme.

« Des grandes marques nous avaient contactés pour utiliser notre technologie. Après un an et demi de R&D, nous avons sorti la plate-forme Kontestapp. »

Pendant cette période de gestation, le salon du couple fait office de bureau où se serrent une poignée de stagiaires. Le couple ne compte pas ses heures.

« Nous lâchions souvent les claviers vers 4 heures du matin, raconte Sylvain Weber. Après une de ces longues journées de travail, on sonne à notre porte au milieu de la nuit il était en fait 9 heures du matin et Jacinthe, qui était allée ouvrir, s'est trouvée en pyjama devant le nouveau stagiaire que nous devions accueillir ce jour-là ! Lui ne savait pas comment réagir, elle, sans perdre contenance, lui a simplement dit de s'installer. »

Rentable dès le premier mois

Cette décontraction n'exclut pas l'efficacité : en trois ans, Kontest a recruté dix salariés et compte parmi ses clients Publicis, Michelin, La Redoute, Make up Forever Didier Tranchier, coach à l'incubateur Telecom Paris Sud qui les suit depuis leurs débuts, salue la « réussite exceptionnelle de cette start-up qui a été rentable dès le premier mois. Jacinthe est très opérationnelle, tournée vers le concret et les résultats. Elle s'est affirmée au fil des années. »

L'heure est désormais à accélérer la croissance, notamment à l'international. Un défi pour Jacinthe Busson, adepte d'un développement sur fonds propres et à son rythme, et qui tient à préserver l'ambiance ludique dans son équipe.

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Commentaires 5
à écrit le 18/01/2014 à 3:12
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Coder en html5 ou autre trucs de web html, css, php, c'est tres facile par rapport au C ou au C++...Un VRAI hackeur pour moi, il code en C ou en assembleur, le reste c'est facile.

le 19/01/2014 à 17:49
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Il faut distinguer la structuration de donnée de la programmation. Le conception de page HTML relève de la structuration de donnée (par le balisage) et ceci ne requiert que très peu de compétences techniques donc accessible à de nombreuses personnes,...

le 21/01/2014 à 8:14
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L'utilisateur s'en fout de savoir si c'est du C ou du html5. Ce qu'il veut, ce sont des sites plaisants et fonctionnels et pas des interactivités pour se faire plaisir. C'est naturellement elle qui a raison, si l'on se positionne sur le créneau du b...

le 22/01/2014 à 7:34
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Rien a ajouter.

le 08/02/2014 à 16:08
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"Une autodidacte du Web Cette pionnière du Web s'est bien plus formée en passant son temps libre sur le Site du Zéro (aujourd'hui rebaptisé OpenClassrooms) " on a affaire à une surdouée là..lol !

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