Rachel Delacour, une tête dans le nuage

À 35 ans, la cofondatrice de la société éditrice du logiciel de business intelligence Bime Analytics vient d'ouvrir une filiale aux États-Unis, après avoir levé 3 millions d'euros. Partenaire de Google Cloud, cette Montpelliéraine milite pour l'écosystème entrepreneurial en région.
Rachel Delacour. (photo : Marie-Amélie Journel)

En quelques mois, la discrète Rachel Delacour est devenue une figure populaire de l'écosystème entrepreneurial français. Depuis qu'elle a fait partie de la délégation d'entrepreneurs qui a accompagné François Hollande lors de la visite présidentielle dans la Silicon Valley, en février dernier, cette pétillante femme de 35 ans au minois souriant enchaîne les interventions sur toutes les scènes dédiées aux start-up.

L'association des acteurs du numérique France Digitale l'a ainsi conviée lors de son forum annuel, le 11 juin dernier, pour participer à un débat intitulé « The world is mine ». Un thème dont l'entrepreneure montpelliéraine a fait sa devise. À juste titre. We Are Cloud, la société éditrice du logiciel de business intelligence Bime Analytics qu'elle a cofondée en 2009, a en effet ouvert en décembre 2013 une filiale aux États-Unis, grâce à une levée de fonds de 3 millions d'euros auprès d'Alven Capital.

« Nous avons choisi de nous implanter au Missouri, à Kansas City. L'écosystème numérique dans la Silicon Prairie est émergent, mais il se développe à grande vitesse. Nous avons recruté huit personnes en une semaine. Dans la Silicon Valley, cela nous aurait pris six mois », souligne Rachel Delacour.

À la fin de l'année, son entreprise comptera 40 salariés, dont 25 basés à Montpellier, où se concentre la R&D.

« Je suis fière de montrer que le rêve américain est accessible pour une entreprise française, créée en région. »

Devenue une fervente militante de la French Tech, généreuse dans ses conseils et tranchée dans ses opinions, Rachel Delacour se voyait plutôt faire carrière dans un grand groupe quand elle est sortie diplômée de l'ESC Marseille, en 2003.

« J'ai d'abord suivi le parcours classique d'un "Sup' de Co". Pour valider une expérience à l'étranger, j'ai rejoint une société de logistique à Moscou, dans le cadre d'un programme de volontariat international en entreprise [VIE]. »

À l'issue de cette année de VIE, son employeur lui propose de prendre les rênes d'une plate-forme logistique dans la campagne russe.

« Je me sentais trop jeune pour assumer ces responsabilités, seule dans une région reculée. »

De retour en France, elle devient contrôleuse de gestion chez Carrefour.

« Le secteur de la grande distribution est très concurrentiel, et innove en continu. Nous collections de grands volumes de données, que nous analysions grâce à de nombreux outils performants. »

Deux ans plus tard, quand Bata la débauche pour lui confier la création de son contrôle de gestion au niveau national, elle se rend compte que ces outils de « business intelligence », qu'elle avait l'habitude d'utiliser, sont trop coûteux et trop complexes à installer chez son nouvel employeur.

« Il aurait fallu mobiliser des ressources techniques pendant des semaines entières. Cela m'a semblé aberrant, car l'aridité de leur présentation les rendait utilisables seulement par un très petit nombre de personnes dans l'entreprise. »

Béotienne du codage

Elle décide alors de réaliser son propre outil, et de l'intégrer elle-même au système informatique. Elle sollicite l'aide de Nicolas Raspal, un ancien camarade d'école de commerce devenu ingénieur informatique, qui accepte de l'épauler le soir, après sa journée de travail.

« Nous avons étudié ce qui avait été fait en vingt ans dans le domaine de la business intelligence, avec la volonté de produire un tableau de bord agrégeant les données des différentes bases et services Web utilisés en entreprise. L'outil devait être accessible à tous les salariés à partir de leur navigateur. À l'époque, Amazon et Facebook faisaient émerger la question de l'expérience utilisateur », se souvient Rachel Delacour.

Et très vite, le projet d'outil prend une autre dimension. Convaincu que « si le produit est disruptif, il trouvera sa place sur ce marché tenu par de gros acteurs », le tandem décide de fonder une entreprise... Et un foyer. En 2008, ils se marient, et démissionnent de leurs postes respectifs pour se lancer dans l'aventure. Sans salaire, ils s'installent chez les parents de Nicolas Raspal, à Montpellier.

« Rachel est capable de soulever des montagnes. Elle possède une énergie colossale, et n'a peur de rien. Quand elle se fixe un but, elle l'atteint sans peine, comme si les choses s'organisaient naturellement autour d'elle », note Nicolas Raspal.

Il lui a ainsi suffi d'envoyer une démonstration de son logiciel Bime adapté à Bigquery, la solution d'analyse de données dans le cloud développée par Google, pour que le siège du géant américain la contacte, et l'emmène en roadshow à travers les États-Unis.

« Google Mountain View nous a mis à disposition un stand et nous a permis de prendre la parole dans différents événements, à New York, Las Vegas, San Francisco et lors de sa conférence annuelle dédiée à la technologie Google I/O. Avec de nombreux contacts à la clé », confie Rachel Delacour.

Cette commerciale téméraire qui « tape à la porte des gens via les réseaux sociaux » a abonné à Bime une centaine de clients, parmi lesquels Cisco, Sony, Shell... ou encore l'Association des nurses américaines.

Au sein de l'incubateur Cap Oméga, qui a vu naître We Are Cloud en juillet 2009, quand Rachel Delacour et Nicolas Raspal ont remporté le prix du ministère de la Recherche, le parcours de l'entrepreneure est jugé « exceptionnel et exemplaire ».

« Au début, Rachel se montrait réservée. Il fallait être du métier pour comprendre la présentation qu'elle faisait de son produit. Mais c'est une femme très déterminée, qui avance sans jamais se décourager. Au fil du temps, elle a révélé un véritable leadership, et désormais, elle prend la parole de façon affirmée et claire, pleine de conviction », souligne Catherine Pommier, la directrice de l'incubateur Business & Innovation Center (ex-Cap Oméga) à Montpellier.

« Rachel est adorée dans l'écosystème montpelliérain. Elle fait partie de ces entrepreneures qui sont des mamans et des femmes d'affaires brillantes, très attachées à leur région, et qui donnent envie à d'autres femmes de se lancer. »

Rachel Delacour intervient comme mentor dans des incubateurs, et aimerait partager davantage son expérience, en devenant business angel.

En attendant, elle dispense ses conseils lors des dîners de femmes entrepreneures organisés par Sarah Estève, fondatrice de Dehors les petits et ambassadrice de France Digitale à Montpellier.

« Les conseils de Rachel sont percutants », souligne Sabine Safi, cofondatrice de 1001pharmacies, qui participe à ces rencontres.

« Rachel est radicale, et très efficace dans l'opérationnel. Par exemple, quand elle a eu vent de l'initiative French Tech, elle a eu l'idée de mobiliser dix start-up montpelliéraines pour financer le tournage d'un film de promotion de l'écosystème local. En deux semaines, elle avait tout organisé, coordonné et elle a même accepté de consacrer une journée entière de son temps pour jouer le rôle principal. »

Quand on vous dit qu'elle est une star...

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>>> MODE D'EMPLOI

Où le rencontrer ? : Dans ses locaux, à Montpellier. « Nous sommes installés dans l'ancienne mairie de Montpellier, à 20 m de la Comédie. C'est très facile d'accès. Mais vous pouvez aussi me contacter via les réseaux sociaux et par mail. »

Comment l'aborder ?: « Parlez-moi de vos réalisations. Le récit d'un projet concrétisé vaut tous les longs CV du monde. » Avis aux candidats à un recrutement sur les postes ouverts, côté technique, R & D et commercial.

À éviter ! : Le manque d'humilité. « J'ai du mal à prendre au sérieux ceux qui manquent de pragmatisme. Je me souviens d'un jeune diplômé qui briguait un poste de business développeur : il voulait élaborer une stratégie, mais refusait de décrocher son téléphone pour négocier. »


>>> TIMELINE

  • Août 1979 Naissance à Pont-Audemer (Eure).

  • 2003 Diplômée de l'ESC Marseille, part en VIE à Moscou.

  • 2004 Contrôleuse de gestion chez Carrefour.

  • 2006 Recrutée par Bata, développe un outil de gestion des données.

  •  2009 Confonde We Are Cloud.

  •  Fin 2013 Lève 3 M € auprès d'Alven Capital, ouvre une filiale aux États-Unis.

  •  Février 2014 Fait partie du voyage présidentiel dans la Silicon Valley.

  • 2016 Ouvre d'autres filiales aux États-Unis et devient business angel.

 

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Commentaire 1
à écrit le 15/02/2015 à 15:54
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