L'amendement sur le droit à l'IVG adopté

Par Isabelle Lefort  |   |  1733  mots
Après deux heures de débat, au delà de prises de position ultra, mais mineures, les députés ont adopté l'amendement supprimant la notion de détresse dans l'accès à l'avortement. Morceaux choisis des prises de position parmi les plus emblématiques.

Nicolas Dhuicq, UMP

« Cet amendement est délétère et déstructurant »

 

Axelle Lemaire, SRC (Français fors de France)

« Jusqu'à aujourd'hui, le droit français apportait une réponse paradoxale à l'IVG. Seule la femme pouvait juger de l'état de détresse, qui devait préexister à une demande d'avortement. Le droit à l'IVG existait sous la forme d'un compromis politique né en 1975 pour permettre l'adoption de la loi Veil. Cette lecture date elle ne correspond plus à la réalité vécue par 36 % des Françaises qui se sont appropriés ce droit pour en faire une liberté pleine et entière de disposer totalement de leur corps. »

 Danièle Hoffman-Rispal, SRC

« Le corps des femmes n'appartient qu'à elles-mêmes, à elles seules. Ni à nous, ni à vous, ni à l'état ni à l'église. la formulation de détresse est devenue totalement obsolète. Vous les députés, heureusement minoritaires, qui présentez des amendements pour stopper le remboursement de l'IVG, pour qui vous prenez-vous ? Nous soutenons les femmes espagnoles pour que le droit à l'avortement ne soit pas bafoué. Aujourd'hui, encore, en 2014, 1 femme meurt toutes les 9 minutes dans le monde d'un avortement clandestin. Est-cela que vous voulez pour les Françaises ? Nous nous battrons toujours pour défendre le droit des femmes. J'ai connu le temps des faiseuses d'ange et des aiguilles à tricoter, je ne veux plus les revoir. »

 

Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes

« Le 5 avril 1971, des femmes signaient un appel intitulé ainsi « 1 million de femmes se font avorter en France dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées alors que cette opération réalisée sous contrôle médical est des plus simples. On fait le silence sur ces millions de femmes. Je déclare que je suis l'une d'elle, je déclare avoir avorté. Nous réclamons l'avortement libre. » C'était l'appel des 343 qui a été une vraie prise de conscience de la société française. Simone Veil, parfois contre sa majorité, a eu le courage de porter le texte devant l'assemblée du droit à l'avortement. Aujourd'hui que veut le gouvernement espagnol avec cette loi qui s'intitule « protection de la vie et droits de la femme enceinte »  qui veut dénier à la femme le droit de disposer de son corps, qui veut refaire d'elle une mineure qui devra demander à un psychiatre, à un médecin et pourquoi pas à un curé pour savoir si elle peut avorter ? Dans cette lignée, le parlement européen sous l'effet des députés conservateurs, a refusé le 10 décembre 2013, il y a deux mois, un rapport qui aurait permis la généralisation du droit à la contraception et à l'avortement en Europe. Voilà où on est en Europe aujourd'hui. Nous ne pensions pas en 2014 que pour une question sur l'égalité homme/femme, un débat nous entrainerait 40 ans en arrière. Vous ne comprenez pas les évolutions de la société. »

 

Dominique Tian, UMP Bouches du Rhône

« C'est vrai, nous pouvions penser qu'en 2014 une loi sur l'égalité hommes / femmes ferait consensus. C'était le cas jusqu'à ce que cet amendement socialiste vienne politiser et diviser les Français. C'est consternant que ni François Mitterrand, ni Lionel Jospin n'ait remis en cause la loi Veil sur ce point, car justement, cette loi était équilibrée et qu'elle cicatrisait les blessures des Français après ce débat extrêmement violent et que chacun rêvait d'une société apaisée. Nous ne sommes pas responsables de la situation espagnole. Marisol Touraine avec une mauvaise foi évidente a caricaturé les propos de certains députés UMP, dont les propos de Jean-François Copé. Que disons nous ? Respect de la loi Veil dans son ensemble, respect de la notion de détresse, respect de la vie, refus de la banalisation. Tout le sujet est là, nous ne voulons pas de la banalisation de l'avortement en France. »

 

Guillaume Chevrollier, UMP (Mayenne)

« Le sujet de l'IVG est important. Y a t - il eu consultation du Comité National d'Ethique? Non. Par un amendement à la sauvette au détour un projet de loi fourretout, vous proposez une réforme de l'IVG, ce n'est pas un simple toilettage, car de la notion de détresse vous faites passer le droit à l'avortement sans condition. Cela ne va pas changer la pratique, alors pourquoi légiférer ? Vous le faites sciemment par dogmatisme et idéologie. Le nombre d'IVG ne baisse pas depuis des décennies. Ce que vous devriez favoriser c'est améliorer les conditions de la contraception pour éviter les IVG. Au contraire, par cette disposition, vous le banalisez, vous continuez à diviser, à mépriser les Français qui ne partagent pas vos convictions. Défendre l'égalité, c'est bien, mais vous oubliez une autre valeur, le respect. »

 

Frédéric Reiss UMP (Bas Rhin)

« Je m'étonne de l'apparition de cet article nouveau qui supprime la notion de détresse par la simple notion de choix. La majorité modifie la loi Veil qui était pourtant un dispositif reconnu, équilibré et accepté par une très large majorité de rédactionnelle dogmatique qui banalise l'avortement. N'oublions pas parmi les femmes qui ont eu recours à l'avortement que la plupart d'entre elles disent que l'IVG laisse des traces psychologiques difficiles à vivre. Les modifications ne sont pas acceptables. L'IVG doit rester une dérogation sous condition aux principes d'ordre public de protection de l'être humain dés le commencement de sa vie. Je suis favorable au maintien favorable de l'article tel qu'il l'est dans la loi Veil. »

 

Sonia Lagarde, UDI (Nouvelle Calédonie)

« L'avortement n'est en aucun cas un acte anodin. Simone Veil ici même le 26 novembre 1974 affirmait « Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes, c'est toujours un drame et le restera. L'amendement accepté en commission permettrait selon leurs auteurs de rendre conforme la loi et de souligner par ses auteurs que l'avortement est un droit, y compris par celles qui ne se sentent pas en détresse. En tant que femme, on peut comprendre. On doit comprendre le sens de cet amendement qui permet aux femmes, cette liberté fondamentale de disposer de leur corps. Cette mention de détresse devenue obsolète pour certains, virtuelle dans les faits, ne doit pas nous faire oublier la nécessité d'une meilleure prévention d'une meilleure éducation à la contraception, l'avortement ne doit en aucun cas être considéré comme un moyen de contraception. Il est regrettable que cet amendement rouvre la porte de tous les excès et crée une fracture inutile dans notre société, source de tensions et de divisions. C'est en pensant à toutes les femmes, en particulier à ces pauvres femmes espagnoles que je m'opposerai aux amendements de suppression de cet amendement. »

 

Jean-Louis Borloo, UDI

« Je m'exprime à titre strictement personnel. Deux malentendus à éviter. Nous ne sommes pas dans un débat à l'espagnol. Qu'un amendement était de nature d'une manière ou d'une autre à remettre en cause la loi Veil, j'étais à la fois furieux et effrayé. On ne peut jamais dire qu'un avortement est une contraception bis, de confort. Je regrette vraiment que ce débat ait été ouvert dans ces conditions là. Attention aux caricatures, attention aux déremboursements, attention à tout ce qui pourrait être incompris par les femmes. Comme Sonia Lagarde, il faut vous suivre. Cet amendement n'avait pas sa place dans ce texte, mais néanmoins, il correspond à la réalité du jour. En réfléchissant à la meilleure manière d'accompagner les mineures. »

 

Nicole Ameline, UMP (Calvados)

« Le moment est venu de faire confiance aux femmes. De leur donner les moyens d'exercer ce droit élémentaire, cette liberté fondamentale, qu'est le recours à l'IVG. Le curseur des droits des femmes c'est la liberté de décider, de choisir sa vie, d'exercer sa responsabilité. L'héritage de Simone Veil, c'est celui là. Celui du courage, de la volonté et de la responsabilité. Dénier aux femmes aujourd'hui la capacité de juger elles-mêmes, pour elles mêmes le droit de décider, serait non seulement un recul juridique mais une défaite de la pensée. Pour reprendre la formule de Condorcet, celle de l'égalité de l'esprit celle qui doit nous conduire précisément à donner aux femmes plus d'espace de décisions. Plus de capacité à se déterminer. Encore une fois en pleine conscience. Et en pleine responsabilité. C'est ce droit qui est en jeu aujourd'hui. L'IVG ne sera jamais un acte léger, un acte banal, mais c'est un acte responsable dont les femmes assument en effet la responsabilité. Cet article mérite d'être soutenu car je considère que nous devons progresser sur le terrain de l'égalité entre les hommes et les femmes. Les droits des femmes sont menacés partout dans le monde et si la France ne sert pas cette cause juste et nécessaire indispensable elle trahira sa vision et sa tradition des droits de l'homme. Je voudrais donc ici avec une certaine gravité, dans un esprit d'apaisement et de responsabilité, car partout dans le monde les femmes regardent ce qui se passe dans cet hémicycle, affirmer que ce combat pour l'égalité nous le portons sur tous ces bans de l'assemblée. Il faut que ce soir ce combat soit une victoire commune et que cet amendement sur un critère qui n'a plus d'objet, soit considéré comme une actualisation et qui ne donne pas la parole à un débat qui n'a pas sa place dans cet hémicycle. »

 

Marie-George Buffet, Parti de Gauche

« Un de nos collègues a parlé de banalisation de l'avortement. Je ne peux pas accepter ces propos. La décision pour une femme d'avorter est une décision difficile lourde. Et le chemin qu'elle doit emprunter est parfois là encore difficile, pas de centre d'IVG, des médecins qui refusent. Tout cela ne sera pas effacé par l'amendement. Celui-ci dit juste que la femme décide, qu'elle fait ce qu'elle veut. Nous allons devoir développer tous les moyens pour accompagner les femmes dans la contraception. L'Espagne n'est pas la France. Nous partageons la construction commune de l'Europe. J'espère que ce soir des Espagnols en entendant que la France se porte solidaire auront envie de descendre dans la rue défendre leur droit. »