Christine Lagarde, présidente de la République ?

Par Isabelle Lefort  |   |  755  mots
Christine Lagarde, directrice générale du FMI, invitée vedette de la Xème édition du Women's Forum à Deauville
Si demain, les Françaises, en particulier les décideur(e)s, s’unissaient, comme ne cesse de le conseiller Yvette Roudy, première ministre des droits des femmes, et se retrouvaient derrière une femme ; l’une d’elles, ferait sans conteste, office de grande favorite : Christine Lagarde. Preuve en est ? L'accueil qui lui a été réservé hier au Women’s Forum à Deauville.

L'intervention de la directrice générale du FMI s'inscrivait, ce jeudi 16 octobre, en point d'orgue de la dixième édition du Women's Forum à Deauville. Christine Lagarde est une fidèle de la manifestation depuis (presque) sa création. Que ce soit en qualité de ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (de 2007 à 2011) et depuis son arrivée à la direction générale du FMI, cette  féministe convaincue de l'intérêt du rôle des femmes dans le monde d'aujourd'hui et de demain, que ce soit par intérêt économique ou question de paix sociale, a toujours réitéré et exprimé publiquement son soutien.

Les unes et les autres, managers et cheffes d'entreprise qui suivent le mouvement, se souviennent de son engagement lors de la création du réseau Financi'Elles ; en 2011, juste avant son départ pour Washington, elle n'avait pas hésité à interpeller et encourager fortement, par lettre ministérielle, les présidents des établissements bancaires et financiers à soutenir l'ascension des femmes dans la finance. En décembre 2013, là encore, elle avait fait le déplacement à Rangoon, pour la première édition du Women's Forum au Myanmar, pour soutenir l'action d'Aung San Suu Kyi, la prix Nobel de la Paix et accompagner la Birmanie sur la voie de l'ouverture économique.

Hier, à Deauville, après une standing ovation, digne d'une rock star, interviewée par Olivier Fleurot, pdg de MSL Group (Publicis), elle a martelé ses convictions. Oui, les femmes ont un rôle essentiel à jouer dans le devenir de l'économie mondiale. Oui, les entreprises doivent promouvoir les femmes à tous les échelons ; c'est une nécessité pour les générations futures, une question de bon sens pour répondre aux attentes de consommateurs (dont plus de la moitié sont des femmes), mais aussi un impératif de management pour intégrer la diversité et ainsi renforcer l'intelligence collective dans les prises de décisions. Et donc mieux performer.

En exergue, elle a souhaité saluer la nouvelle politique « Abenomics » mise en œuvre au Japon, par le premier ministre Shinzo Abe, qui vise par toute une série d'actions concrètes à favoriser l'accès des femmes au monde du travail et aux postes à responsabilité. Si les résultats sont au rendez-vous, cela pourrait se traduire par une augmentation du revenu par habitant entre 9 % et 23 %. C'est un modèle qui devrait inspirer, selon elle, tous les pays, en particulier en Asie du sud est, et notamment la Corée du Sud qui pourrait adopter des règlementations analogues.

Globalement, si l'ensemble du propos de Christine Lagarde, lors de son intervention, n'a pas donné lieu à des scoops dont les medias sont friands, la puissance de cette conférence était ailleurs. Elle était perceptible dans l'attention et l'intensité palpable dans la salle. Indéniablement, les auditeurs (80 % de femmes) étaient avides de l'entendre et de suivre ses recommandations. Certaines se risquaient même à aller plus loin, et rêvaient à haute voix que, dans un futur proche, la directrice du FMI accède aux plus hautes responsabilités en France.

Christine Lagarde, présidente de la République ? C'est un vœu pieu que nombre de femmes, leaders d'opinion, cheffes d'entreprise et femmes d'influencce, dans l'assistance (et dans les dîners en ville) n'hésitent désormais plus à formuler et répéter comme un mantra. Reste la réalité. L'absence d'assise politique et de mandats d'élu pour cette ancienne avocate qui, avant de rejoindre la France, à Bercy et le gouvernement, en 2007 a fait toute sa carrière aux Etats-Unis au sein du cabinet Baker & McKenzie, est un handicap pour accéder à l'Elysée. Son profil de businesswoman ne lui permettra sans doute pas de rallier les élus et les parlementaires qui à droite (comme à gauche) en appellent au terrain.

Reste que, si, en 2017, la droite revient au pouvoir, il n'est pas exclu que Christine Lagarde soit appelée sur le devant de la scène politique. Une femme, première ministre, de son niveau, forte de son expérience internationale, aurait du panache et ne manquerait pas d'efficacité. Si les leaders politiques de droite, dans leurs différents scenarii pour la reconquête du pouvoir, étudient bien sûr cette possibilité, une question se pose : Christine Lagarde, elle-même, échaudée par l'affaire Tapie, aura-t-elle envie à l'issue de son mandat au FMI de remettre les mains dans le cambouis de la politique politicienne française ? Rien n'est moins sûr. Mais, si le devoir l'appelle... Alors, why not Christine Lagarde, à Matignon ?