Banzaï : les trois flèches de Shinzo Abe pour séduire Davos

Pour sa première, mais sans doute pas dernière venue, le PM japonais Shinzo Abe a fait mercredi le service après-vente de ses Abenomics. Avec un credo étonnant, le salut du Japon viendra… des femmes.
Philippe Mabille

Dans un anglais impeccable, LA langue de Davos, « The Japanese Premier », comme on dit ici, Shinzo Abe, a fait le show mercredi. Pour sa première intervention en session plénière (avant ce jeudi David Cameron, Benjamin Netanyahu et surtout le président iranien, Hassan Rouhani et vendredi Dilma Roussef), le forum économique mondial s'est mis aux couleurs des « Abenomics ». Cette politique économique nouvelle, mise en œuvre depuis un an au « pays du soleil » devenu « couchant », comme l'a reconnu Shinzo Abe, commence à porter ses fruits. La croissance revient, le Japon sort lentement de la déflation qui l'a terrassé depuis vingt ans et sorti du rang des nations dynamiques, les seules qui ont vraiment droit de cité dans la petite station suisse des Grisons.

Japan is back

Le Japon est de retour sur la scène mondiale, voilà le message qu'a martelé mercredi 23 janvier 2014 le « Premier » japonais, en bateleur de ses trois flèches décochés devant les yeux ébahis d'un monde encore incrédule. Première flèche, une politique budgétaire expansive, malgré une dette record accumulée pendant les années où le PIB japonais a reculé, à rebours du reste du monde. Deuxième flèche, une banque centrale reprise en main par le politique et qui mène une politique monétaire souple, et n'hésite pas à dévaluer le yen. Une politique pas vraiment "coopérative" et surtout très risquée, même si elle n'est pas si éloignée de celle menée aux Etats-Unis...

La troisième flèche... la politique de l'offre

Shinzo Abe a surtout insisté sur la troisième flèche, celle des réformes structurelles qu'il entend désormais imposer dans un pays pour le moins rétifs et dont les conservatismes, n'ont rien à envier à un pays bien connu situé à l'extrême ouest de l'Europe.

Qu'on se le dise, comme François Hollande, Shinzo Abe est un adepte des politiques de l'offre. Il promet donc pour rétablir le Japon avant les Jeux Olympiques de 2020, une batterie de mesures de déréglementation de l'économie, de son marché du travail et de son industrie protégée. Objectif, rendre le Japon « compétitif » et « attractif » pour les investisseurs étrangers.

Avec des conséquences prévisibles non neutre pour les marchés financiers. Jusqu'à présent, l'Archipel, dont le système de fonds de pension a accumulé 1200 milliards de dollars pour financer les retraites, investissait surtout à l'extérieur du pays. Et bien, cela va changer. Le fonds de retraite sera invité à réinvestir au Japon, afin de ne pas creuser plus la dette et les déficits publics. Le marché du travail sera assoupli pour permettre de faire transiter les travailleurs des secteurs abrités et protégés vers les nouvelles industries en devenir, notamment les nouvelles technologies, a assuré Shinzo Abe.

Déréglementations

Pour affronter les défis de l'énergie, amplifiés par la catastrophe de Fukushima (dont cela va être le 11 mars le triste troisième anniversaire), le marché de l'électricité sera totalement libéralisé et la transition énergétique amplifiée. Même le secteur de la pêche, crucial au Japon où le poisson est une deuxième religion en même temps qu'une activité économique clef, sera déréglementée, promet-il. Le Japon des années 2020 veut être le leader de la médecine régénérative, construire des tours sans limites de taille pour desserrer les tensions sur un marché immobilier parmi les plus chers du monde, et veut alléger la fiscalité sur les entreprises en même temps qu'il renforce celle sur la consommation (la TVA passe de 5 à 7% en avril).

La gouvernance des entreprises sera assoupli afin que les conseils d'administration se diversifie, comme l'exigent désormais les investisseurs institutionnels du monde entier. Bref, c'est un Japon plus ouvert que promet Shinzo Abe.

Oui mais... Un Japon plus féminin

Oui, mais… Comment résoudre l'équation principale, celle qui bride le plus la croissance japonaise, à savoir le déficit de main d'œuvre qualifiée qui risque de s'aggraver avec le vieillissement démographique. La réponse a séduit Davos, même si elle traduit un changement culturel majeur. Soufflée par Hillary Clinton, qui l'aurait assuré que si les femmes avaient le même taux d'emploi que les hommes, le PIB japonais serait de 16% supérieur, il s'agit donc de développer le travail des femmes. D'ici 2020, l'objectif est même que celles-ci occupent 30% des postes de leadership dans l'économie et les entreprises…

Dernier élément d'un discours bâti pour séduire le monde, Shinzo Abe a profité de sa venue, alors que se tient à Montreux une conférence sur la paix en Syrie, pour assurer que le Japon avait abandonné tout bellicisme depuis la défaite de 1945. Et prône donc le dialogue malgré les tensions grandissantes avec ses puissants voisins et concurrents : la Chine et, il ne faut pas l'oublier, la Corée du Sud. Shinzo Abe a donc lancé un appel au respect du droit international en Asie du Sud Est. En plus de faire le service après-vente d'une politique économique audacieuse, dont rien ne dit encore si elle sera ou non un succès, ce sont aussi des alliés que le Premier ministre japonais est venu trouver à Davos, alors que cette année encore, la présence chinoise est plutôt modeste, à une semaine du Nouvel an chinois.

 

 

Philippe Mabille

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Commentaires 3
à écrit le 31/01/2014 à 12:05
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Je ne vois pas du tout ce que plus de femme dans l'économie améliorerait quoi que ce soit, nous aussi on a des société ultra féminisées et d'ailleurs le résultat est très moyen autant en productivité qu'innovation, j’imagine même pas le désastre sur ...

à écrit le 23/01/2014 à 11:17
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Les flèches de Abe c'est du marketing pourri. Le Japon à surtout trois flèches en plomb dans le c. : La dette, Fukushima, sa population vieillissante.

le 23/01/2014 à 14:24
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