The Wolf of Davos : faut-il avoir (encore) peur de la finance ?

Animée par Martin Wolf, l’éditorialiste du Financial Times, la conférence « Les marchés sont-ils plus sûrs » a opposé banquiers rassurants et économistes et investisseurs sceptiques. Je n’en suis pas sorti vraiment rassuré…
Philippe Mabille

Dans le film « Le loup de Wall Street » ("The wolf of Wall Street"), inspiré de l'histoire vrai d'un broker un peu fou, drogué au sens propre comme au figuré par l'exubérance irrationnelle des marchés financiers, Leonardo di Caprio, qui joue à la perfection le rôle de Jordan Belfort, se fait « déniaiser » par un collègue au début de sa carrière. « Tout le monde se fout de savoir où va le marché et d'ailleurs, personne n'en sait fichtre rien », lui explique son mentor au cours d'un déjeuner arrosé. L'important, « c'est que le public y croit, ne cesse jamais d'investir son argent à la bourse, et que la musique ne s'arrête pas ». La musique pourtant, s'est arrêtée en 2007-2008 et six ans après, le monde panse encore ses plaies. Officiellement 206 millions de chômeurs selon l'OIT et sans doute 216 millions en 2018, des millions de gens dans la misère. D'ailleurs, à juste titre, à Davos, on s'inquiète du « revenue gap », du frein à la reprise que représente la montée des inégalités. Pas seulement par philanthropie ou sens moral. C'est que ce n'est pas bon pour le business. Pour vendre ses Ford T, Henry Ford ne disait-il pas qu'il fallait que le salaires de ses ouvriers le leur permette.

Bref, le système économique est, malgré l'optimisme raisonnable qui souffle sur les prévisions de croissance mondiale, encore trop déséquilibré pour que la confiance revienne. Principal accusée, la finance. D'où l'interrogation sourde qui anime tous les décideurs mondiaux : « plus jamais ça », plus jamais une crise comme celle des subprime qui a failli tourner à l'Armaggedon financier (à Davos, on aime bien les mots millénaristes…).

 

Des marchés plus sûrs ?

Dans une conférence "on the record" qui a fait salle comble, preuve que la question taraude toujours les esprits, on s'est donc demandé mercredi si oui ou non, les marchés étaient devenus enfin plus sûrs ?

Animée par l'éditorialiste vedette du Financial Times, Martin Wolf, le « loup » de Wall Street y a encore frappé. Les deux banquiers présents, Antony Jenkins Directeur général de Barclays et Douglas Flint, président de HSBC, ont défendu le « oui » avec opiniâtreté. Les vagues successives de régulation financière (Volker, Vickers, Liikanen) et le renforcement de la supervision ont selon eux changé radicalement l'attitude des banques à l'égard du risque. D'ailleurs, assure le patron de HSBC, désormais, 15 à 20% du temps des directions générales des banques est consacré à la sécurité financière. Et les rémunérations excessives qui incitaient à la prise de risques ont été encadrées. Même son de cloche côté Barclays qui a assuré qu'il y a désormais plus de capital et moins de leviers dans le monde financier, même s'il reconnaît qu'il y a encore beaucoup à faire pour que ces nouvelles règles s'installent.

 

"Finance is not safe enough"

Pas du tout, les risques sont toujours là, bien présents, mais restent cachés, lui a répondu Anat Admati, professeur de finance à Standford, une femme de tête prête à résister à elle seule au puissant lobby bancaire américain. Ses arguments : la fragilité du système est dans les hors bilans, notamment l'explosion des produits dérivés et titrisés. La question est donc de savoir selon elle si le système réformé par la régulation est assez sûr… Pour elle, c'est non, "finance is not safe enough"…

A sa voix s'est associée celle de Paul Singer, le fondateur du fonds d'investissement Elliott Management, pour qui s'agissant des ratios de levier sur les marchés dérivés, "rien n'a vraiment changé » depuis 2008. En outre, la politique de "quantitative easing" des banques centrales qui ont acheté pour 15000 milliards de dollars d'actifs, faisant gonfler leurs bilans, a provoqué des distorsions dans le prix des actifs avec l'apparition de nouvelles bulles qui pourraient bien éclater si la Fed gère mal la sortie…

Au final, pas vraiment de conclusion pour cette "scary movie", sinon la conviction de Martin Wolf : "je suis sceptique et visiblement, je ne suis pas le seul sceptique"… Un vote de la salle pour répondre à la question "are markets safier ?" a donné 60% au "Yes" et 40% au "No", ce qui est un score plutôt élevé à Davos, nous confiait à la suite Martin Wolf... Et dire que c'était la veille du krach du peso argentin...

Philippe Mabille

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Commentaires 2
à écrit le 23/01/2014 à 10:22
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La musique a changé, mais la partition est la même. Les Karajan et Abbado de la finance interprètent une partition dont les notes sont toujours au même endroit. Le ressenti est simplement différent. Si une partition a conduit à une catastrophe une fo...

à écrit le 23/01/2014 à 5:32
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" La musique pourtant, s'est arrêtée en 2007-2008" C'est un mensonge une fois de plus, et c'est la banque qui à gagné. En grèce les biens ont été saisi, ou avec les crédit défaut swap, , les banques ont perdues de l'argent?(stocké ailleurs). L'argent...

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