Emploi : les seniors barrent-ils la route aux jeunes ?

Par par Jean-Michel Charpin, membre du Conseil d'orientation des retraites  |   |  384  mots
Jean-Michel Charpin
En septembre, l'Insee a annoncé que le nombre d'actifs âgés de 50 à 64 ans avait augmenté d'environ 1 million en France depuis 2005.

Cette évolution résulte en partie de l'augmentation numérique de cette tranche d'âges puisqu'elle est maintenant composée entièrement par des personnes appartenant aux générations nombreuses du baby-boom, mais elle tient aussi à l'augmentation du taux d'activité des seniors.
Un retournement spectaculaire s'est produit en 1999-2000 : le taux d'activité des 55-64 ans est revenu récemment vers un niveau de 45 %, niveau qu'il connaissait au début des années 1980, après être descendu vers 1999-2000 jusqu'à environ 31 %. Certes, en comparaison internationale, ce taux reste faible. Mais en variation par rapport à l'année 2000, il n'y a que cinq pays industrialisés qui ont fait mieux, l'Allemagne, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas et la Suède.
Cette évolution à la hausse de l'activité des seniors a été souhaitée et organisée. Notamment les réformes des retraites successives l'ont explicitement visée. L'augmen­tation de l'âge de cessation d'activité est en effet, et de loin, le moyen le plus efficace pour limiter la dégradation des comptes des régimes de retraite. De plus, elle a un fondement logique évident : l'espérance de vie augmente, tous les âges de la vie (fin des études, premier emploi, départ du domicile familial, mise en couple, calendrier des naissances...) se décalent vers le haut. Il n'y a aucune raison qu'un seul reste fixe, celui de la cessation d'activité.
Dans le débat public, l'idée qu'il y a une sorte de concurrence entre l'emploi des jeunes et celui des seniors a été longtemps dominante. Les travaux économiques l'ont massivement disqualifiée. Parmi beaucoup de travaux sur le sujet, les éléments apportés par le rapport du CAE intitulé "Les seniors et l'emploi en France" sont particulièrement convaincants, notamment ceux montrant que l'emploi des seniors est, en comparaison internationale, positivement corrélé à l'emploi des jeunes.
L'augmentation de l'activité des seniors permet de limiter les besoins de financement des régimes de retraite, et donc d'alléger la charge sur le travail des autres actifs. Elle évite ainsi un arbitrage douloureux entre une baisse des revenus et une perte de compétitivité.
En revanche, il n'y a pas lieu d'envisager de subventionner d'une quelconque façon l'emploi des seniors : l'augmentation de leur taux d'activité est un moyen et non une fin.