Et si l'on passait au "made in monde" ?

Par Michael Roberts  |   |  605  mots
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La notion de pays d'origine ou de fabrication (Made in X ou Y) perd une partie de son sens; l'étiquette "Fabriqué dans le monde " serait plus appropriée.Par Michael Roberts, coordinateur de l'aide pour le commerce à l’OMC

La fabrication des biens manufacturés est aujourd'hui le résultat de chaînes de valeur fragmentées entre divers producteurs et pays qui sont spécialisés dans une fonction ou une étape de la chaîne. Ignorer cette réalité économique, c'est risquer de voir les décideurs politiques se fourvoyer dans le jeu de piste des politiques commerciales et s'engouffrer sur une fausse piste.

La comptabilité traditionnelle des échanges commerciaux sur la base de leur valeur commerciale mesurée à la frontière ne reflète plus les réalités économiques. Attribuer la totalité de la valeur au pays de dernière transformation, telle est la pratique actuelle pour comptabiliser les flux commerciaux, ce qui induit une série de déformations statistiques.

Depuis 2007, l'OMC travaille à remettre à jour l'analyse statistique de commerce international. Suite à la collaboration de nombreuses institutions nationales et internationales, le projet arrive à maturité avec une initiative conjointe avec l'OCDE lancée en 2012.

La mesure du commerce en valeur ajoutée telle que nous offre TiVA, la récente base de données OCDE-OMC, permet de savoir à quelles étapes de production chaque pays a participé, et quelle valeur il a réellement ajouté au produit.

Quelles conclusions découlent de cette nouvelle approche ?

Premièrement, le rôle des services. Les services sont considérés comme ne contribuant qu'une petite part au commerce mondial (environ 20%). Leur contribution aux exportations était de 42% en 2009 pour les économies du G20, dépassant 50% pour l'Inde, la France et l'Union européenne dans son ensemble.

Cette valeur ajoutée reflète le coût des services incorporés dans la valeur des marchandises elles-mêmes ainsi que les fonctions qui rendent possible les chaînes de valeur elles-mêmes, telles que les télécommunications et la logistique.

Comprendre le rôle des services est crucial pour les pays industrialisés

C'est là que réside souvent leurs avantages comparatifs et les emplois. Pour les pays en développement, des services de mauvaise qualité (accès au financement, infrastructure, sécurité juridique) sont souvent la pierre d'achoppement qui limite la compétitivité, surtout pour les pays les moins avancés. Cela souligne l'importance de l'accord sur la facilitation des échanges qui est en train de se négocier à l'OMC et pourquoi l'OMC est engagé dans les actions liées à l'Aide pour le Commerce afin de soutenir les efforts déployés par ces économies à surmonter ces obstacles.

Le deuxième résultat de TiVA est de révéler l'importance des importations de biens intermédiaires pour la compétitivité des exportations. Les intrants intermédiaires représentent plus de deux tiers des échanges de marchandises et 70% des échanges de services à l'échelle mondiale.

Aujourd'hui, un exportateur qui réussit est aussi un importateur actif: "Les importations créent les exportations."

Le coût du protectionnisme

Tarifs douaniers et autre barrières au commerce s'additionnent et découragent l'implantation des chaînes de valeur mondiales. Or ce sont elles qui, aujourd'hui, permettent d'ouvrir de nouveaux marchés à l'exportation et de participer activement à la course technologique. Se couper de ces chaînes, ce n'est pas gagner en liberté, c'est, au contraire, s'enfermer dans une cellule qui ira en se rétrécissant.

En ce sens, dans le grand jeu de piste que sont les politiques commerciales, le protectionnisme est une impasse pavée d'intentions qui n'ont même pas l'excuse de la bonté. Les producteurs nationaux les plus dynamiques en seront les premières victimes. In fine, ce sera toute l'économie nationale qui en pâtira et restera à la traîne du commerce mondial.