Elections européennes : comment lutter contre les lobbies financiers ?

Extrêmement puissants, les lobbies des institutions financières montent régulièrement au créneau à Bruxelles, deuxième ville la plus peuplée de lobbyistes au monde derrière Washington. Pour redonner du pouvoir à la démocratie européenne, certaines mesures s'imposent.
Mathias Thépot
Les lobbies financiers sont omniprésents dans les coulisses du Parlement européen

L'incroyable influence destructrice de la crise financière de 2008 a enclenché un cercle vicieux faisant inexorablement croître chômage et endettement public dans la plupart des pays du vieux continent. Face à ce constat, les peuples européens sont en droit de faire valoir leur mécontentement et d'exiger ces prochains jours dans les urnes que tout soit fait pour que pareille situation ne se reproduise plus.

Pour accéder à cette requête, les dirigeants de l'Europe devront d'abord mettre au pas des adversaires de poids qui se montrent très intrusifs dans les prises de décisions des parlementaires européens : les lobbies financiers. Ces derniers ont massivement investi la place Bruxelloise et représentent les intérêts des banques, des fonds d'investissements, des compagnies d'assurances, et autres institutions financières. Au total, 1.700 lobbyistes seraient employés pour préserver les intérêts de la finance, soit bien plus que pour tous les autres secteurs.

La finance dépense largement plus que les autres

Plus marquant encore, 123 millions d'euros par an sont dépensés par ces lobbys pour influencer la politique de l'Union européenne en matière de finance, selon un rapport datant d'avril dernier du think tank Corporate Europe Observatory (CEO), qui partage par ailleurs avec l'ONG Finance Watch - le principal contre-pouvoir financier européen - un même donateur.

Ce chiffre de 123 millions d'euros représente plus de 30 fois le budget annuel des ONG, des syndicats et des associations de consommateurs européennes réunis. Autre indicateur du rapport : sur plus de 900 organisations consultées par Bruxelles pour réfléchir aux régulations à mettre en place après la crise, "55 % représentent la finance, 12 % les autres secteurs et 13 % les ONG, les syndicats et les associations de consommateurs".

Endiguer les réformes financières

Les lobbies financiers semblent avoir une influence de première importance pour endiguer les velléités de réformes financières européennes. Alors même que l'agenda européen s'était logiquement rempli de mesures régulatrices après la crise de 2008. Ainsi, selon le rapport du CEO "la force du lobby financier a rendu très difficile l'adoption de règlementations efficaces dans de nombreux domaines".

Exemple le plus récent :  "actuellement l'une des principales cibles de lobbying des entreprises du secteur financier, est la taxe sur les transactions financières, à laquelle elles s'opposent". Des sujets très sensibles comme la réforme de la structure des banques, des produits dérivés, des agences de notation ou des normes comptables ont également été freiné par l'omniprésence des groupes d'intérêts financiers dans les couloirs du Parlement européen.

Interdire toute rencontre entre lobbyistes et hauts fonctionnaires ?

Une présence pesante à un point tel que lors de l'élaboration en décembre dernier de son projet de loi européenne visant à séparer les activités de banques de détail et de banques d'affaires, "le Commissaire européen Michel Barnier a jugé nécessaire d'écrire à tous les employés de la direction générale « Marché intérieur et services » de la Commission européenne : il leur a formellement demandé de ne plus rencontrer les lobbyistes du secteur bancaire et financier pendant une certaine période précédant la finalisation du projet", indiquent dans une note d'interpellation des membres de l'ONG Finance Watch.

Qu'un commissaire demande à ses équipes de couper tout lien avec les lobbyistes montre bien l'absence de règlementation efficaces pour limiter leur zone d'influence. Ils ne sont déjà pas tous clairement identifiés : sur 700 organisations lobbyistes de la finance recensées par le CEO à Bruxelles, seulement 208 sont enregistrées et déclarent officiellement pratiquer à du lobbying relatif aux "services financiers". Elles exercent leur influence principalement auprès du Parlement et de la Commission.

Pour contrer cette opacité, Finance Watch propose "un encadrement plus strict des activités des lobbies", et regrette dans la note citée ci-dessus que "l'enregistrement des lobbies auprès du Parlement européen s'effectue sur la base du volontariat", ce qui lui paraît "très insuffisant". Les membre de l'ONG proposent que cet enregistrement soit obligatoire pour amener tous les lobbies "à révéler l'objet de leur démarche ainsi que l'identité de leurs clients".

Lutter contre le phénomène des "portes tournantes"

Mais ces mesures ne pourront être efficaces que si l'étanchéité des actions parlementaires européennes est garantie. Concrètement, il faudra pour ce faire s'attaquer au phénomène des portes tournantes (revolving doors), par ailleurs très fréquent au sein des institutions françaises. "Il est urgent de réfréner ces pratiques qui consistent en des allers et retours de hauts fonctionnaires européens entre des institutions européennes et le secteur privé (lobbies et grandes entreprises)", alertent les membres de Finance Watch.

Ces pratiques sont notamment interdit au Canada, note l'ONG, où "une loi de 2008 interdit aux ministres, aux membres des cabinets et aux hauts fonctionnaires d'exercer le métier de lobbyiste pendant cinq ans".
Certes dans l'Union européenne, "une restriction de deux ans existe" déjà, concèdent les membres du contre-pouvoir financier, "mais elle est souvent contournée", regrettent-ils. Et de militer pour un renforcement et un élargissement de l'application de cette mesure, car "l'absence d'une telle règle est le défaut majeur de l'actuel Code de conduite de la Commission européenne".

Mathias Thépot

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Commentaires 9
à écrit le 23/05/2014 à 10:38
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En agitant la peur de la finance en cette veille d'élections, on voit tout de suite pour qui l'article roule...

à écrit le 23/05/2014 à 8:49
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En France et en Europe...on regrette...mais on n agit pas...normal les politiques ne vont pas voter des lois à l encontre de leurs interets..vive le referendum....jamais appliqué

à écrit le 22/05/2014 à 17:37
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En ne votant ni pour les verts ni UDI et ni UMPS

le 23/05/2014 à 3:43
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et surtout pas pour le FN.

à écrit le 22/05/2014 à 17:29
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Aujourd’hui, voter pour l’UE en s’imaginant qu’il est possible de la réformer, c’est faire en sorte que l’Ukraine devienne notre futur. Les mêmes causes provoquent les mêmes effets. Dimanche le 25 mai, pensez-y.

le 23/05/2014 à 3:44
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Oui nous voterons Verts ou Modem

à écrit le 22/05/2014 à 16:31
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Sortons de l'UE avec l'article 50.

le 22/05/2014 à 17:59
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Article 50 du Traité sur l'Union Européenne: Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union.

le 23/05/2014 à 3:45
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Et si on veut y rester et faire évoluer on vote Vert ou Modem/Udi

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