Européennes 2014 : les enjeux continentaux et nationaux

La plupart des pays votent dimanche. Voici ce qu'il faudra observer lorsque tomberont les premiers résultats.
Les premiers résultats seront connus dimanche vers 23 h.

Les élections européennes ont débuté avec le vote des Néerlandais et des Britanniques jeudi 22 mai, ils se poursuivent ce vendredi avec celui des Tchèques et des Irlandais. Le gros des Européens votera cependant le 25 mai. Les premiers résultats officiels tomberont dimanche après la fermeture des derniers bureaux de vote en Italie, à 23 heures ! Voici ce qu'il faudra alors observer en Europe, et dans plusieurs pays membres.

En Europe

1. La présidence de la Commission

Le premier enjeu de ces élections est la nomination du président de la Commission. Ce dernier devra obtenir la majorité absolue des membres, soit 326 voix, pour être désigné. Mais le candidat qui se présentera au vote des députés européens sera désigné par le Conseil européen regroupant chefs d'Etats et de gouvernements. La clé de cette désignation sera le score des deux grands partis, le Parti socialiste européen (PSE, social-démocrate) et le Parti populaire européen (PPE, conservateur). Le groupe politique arrivé en tête sera en mesure de demander au Conseil de présenter son candidat à la présidence aux voix du parlement. Si le PPE est devant, ce sera le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker. Si c'est le PSE, l'Allemand Martin Schulz aura cette prétention.

Il semble certain qu'aucun des deux partis ne peut obtenir seuls les 326 sièges de la majorité absolue. Il faudra cependant observer l'écart entre les deux groupes. S'il est large, il sera difficile au groupe arrivé en deuxième position de refuser de voter pour le « vainqueur. » Si, en revanche, l'écart est minime, alors l'hypothèse d'un « candidat de compromis » sera relancée. Ce pourrait être un candidat « neutre » désigné par le Conseil pour faire consensus ou un troisième larron, le candidat libéral Guy Verhofstadt qui, en apportant les voix de son groupe à ceux des deux principaux, disposerait d'une large majorité. L'ancien premier ministre belge n'a pas écarté cette option.

2. Le poids des Eurosceptiques et l'existence d'une ou plusieurs majorités

Le deuxième enjeu sera le poids des candidats « eurosceptiques. » On annonce un raz-de-marée avec, toutes tendances confondues, un tiers des sièges. Reste à confirmer ces projections : on a vu que les sondages s'étaient trompé pour les Pays-Bas où le PVV de Geert Wilders a subi un revers. L'enjeu principal est de savoir quelles majorités seront disponibles dans le futur parlement. En cas de forte poussée eurosceptique, il est possible que la seule majorité possible soit la « grande coalition » entre PPE et PSE et qu'il n'existe pas, comme aujourd'hui, de majorité alternative en s'alliant avec les Verts, les Libéraux et le groupe ECR regroupant les droites polonaise et britannique.

3. Un nouveau groupe d'extrême-droite ?

Reste qu'au sein des courants eurosceptiques, il conviendra d'observer les rapports de force. Le groupe de la gauche de la gauche devrait progresser. Mais sera-ce assez pour devenir la quatrième force du parlement et passer devant les Ecologistes ? Sa force ne sera pas anecdotique car, dans certains cas, certains députés de la Gauche Unie Européenne n'hésitent pas à mêler leurs voix au centre-gauche.  A droite, la grande question est de savoir si le UKIP britannique parviendra à conserver un groupe politique (aujourd'hui baptisé Europe de Liberté et de Démocratie, EFD) et si le FN français pourra en constituer un. Pour former un groupe, il faut 25 députés issus de 7 pays. La question du nombre et celle de la diversité géographique risque de se poser pour les deux partis. Tout dépendra donc des « petits » alliés de ces partis, notamment dans certains pays de l'est. Si ces deux grands partis eurosceptiques ne parviennent pas à former un groupe chacun de leur côté, y aura-t-il une alliance « objective » entre les deux ? C'est peu probable, compte tenu des noms d'oiseaux qui ont été échangés entre UKIP et son allié danois et le FN. Mais, parfois nécessité fait loi et disposer d'un groupe offre des possibilités d'expression et des moyens financiers très intéressants.

4. Les autres groupes

Les enjeux secondaires de ce scrutin concernent la force des autres groupes, notamment les Libéraux, les Verts et l'ECR. Pour ce dernier, il s'agit là aussi de savoir si les Conservateurs britanniques, sans doute affaiblis, parviendront à maintenir un groupe politique avec leurs alliés polonais de Droit et Justice. Là encore, l'enjeu sera principalement de trouver 5 alliés issus de pays différents. Les Verts seront affaiblis, à coup sûr, mais ils voudront conserver leur quatrième place. Surtout, les Ecologistes sont alliés au sein de leur groupe politique avec les régionalistes, qui, eux, ont plutôt le vent en poupe en Espagne, au Royaume-Uni ou en Belgique. Le rapport de force interne risque de jouer un rôle déterminant sur les positions futures du groupe écologiste.

5. Combien de néo-nazis ?

Enfin, le parlement verra également arriver en son sein de nouveaux venus qui, sans peser lourd, pourraient bien être très turbulents et « faire le spectacle » dans les cinq années à venir. Les néo-nazis hongrois du Jobbik étaient déjà présents, ils seront rejoints par les Grecs d'Aube Dorée et par les Allemands du NPD. Le nombre de ces trublions sera scruté de près. Sans doute maintenus dans les non-inscrits, ces députés n'en seront sans doute pas moins redoutés pour leurs excès de langage et leurs inévitables débordements.

6. Le poids de l'abstention

Enfin, l'abstention sera également observée pour mesurer réellement l'état du divorce entre les électeurs et l'institution du parlement européen. Après le très mauvais score de 2009, il est probable qu'on assiste à une stabilisation à un niveau bas ou à une légère remontée grâce à un petit regain d'intérêt en Europe centrale et orientale. Mais les grands pays occidentaux, eux, devraient encore être frappés par une forte abstention, peut-être encore en progression. Il sera également intéressant d'observer la part des votes blancs, lorsque ceux-ci sont comptabilisés, c'est notamment le cas en France.

Les enjeux nationaux

1. France

En France, le score du Front National constituera l'enjeu majeur du scrutin. Si le FN est premier, l'onde de choc sur la politique nationale sera majeure. Elle sera d'autant plus forte que l'écart avec l'UMP sera important. Le résultat du PS sera également très surveillé pour mesurer le soutien au gouvernement. Faire pire qu'en 2009, où les listes socialistes avaient obtenu 16,5 % des voix serait un cataclysme qui ne manquera pas d'avoir des conséquences. Au-delà de 18 %, le PS aura limité les dégâts. La lutte entre EELV, les centristes et le front de gauche pour la quatrième place sera également un enjeu important. On observera enfin si certaines petites listes, comme celle de Nicolas Dupont-Aignan ou le NPA seront capables d'obtenir dans une circonscription 5 % des voix nécessaires pour obtenir un siège.

2.Allemagne

En Allemagne, le scrutin européen sera un test de popularité grandeur nature pour le gouvernement de grande coalition. Les sondages prédisent un léger renforcement des Sociaux-démocrates face à la CDU/CSU d'Angela Merkel. Rien de notable, cependant, compte tenu de la faible participation annoncée, mais la SPD pourrait s'en prévaloir dans les discussions internes à la coalition.

Le vrai enjeu des Européennes, ce sera le score du parti eurosceptique Alternative für Deutschland (AfD) qui devra confirmer le score de 4,7 % obtenu aux élections fédérales de septembre dernier. Certains sondages lui prédisent 7 %, ce qui constituerait un excellent résultat et renforcerait la pression sur Angela Merkel dans sa politique européenne. A noter également que la barre des 3 % a été levée par la Cour de Karlsruhe en février. Plusieurs « petits partis » devraient donc faire leur entrée au parlement comme les Pirates, les néo-nazis de la NPD et les centristes des Freie Wähler, mais aussi, peut-être les écologistes indépendants et les défenseurs des animaux… Les Libéraux de la FDP devraient sauver quelques sièges, mais leur score sera sans doute médiocre. Une nouvelle phase de leur survie politique se joue ce dimanche.

3.Italie

En Italie, cette élection constitue le premier test électoral du président du conseil Matteo Renzi. Le score de son parti, le Parti démocrate (PD) sera donc observé avec beaucoup d'intérêt. S'il franchit les 35 % des voix, ce sera un triomphe qui renforcera le chef du gouvernement. Sous les 30 %, ce sera une défaite. Surtout, les derniers sondages révélaient une poussée du Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo. Inclassable, ce parti très eurosceptique pourrait confirmer ses 25 % obtenus lors de l'élection générale de février 2013. S'il fait encore mieux, il se présentera plus que jamais, face à un centre-droit affaibli, comme l'alternative à Matteo Renzi et la première force d'opposition. Du reste, le score de Forza Italia traduira également le poids résiduel de Silvio Berlusconi dans la politique italienne.

Autre enjeu : la limite de 4 % fixée pour obtenir des députés. La question est de savoir si la liste d'extrême gauche « Tsipras » et celle d'extrême droite « Frères d'Italie » la franchiront pour obtenir des élus. Les derniers pourraient notamment constituer un apport de voix au FN français qui compte déjà sur l'appui de la Ligue du Nord, certes affaiblie, mais qui devrait passer du groupe du UKIP à celui du FN. Son score sera donc aussi à surveiller. Au final, il faudra faire l'addition de l'ensemble des groupes eurosceptiques dans un pays devenu très méfiants vis-à-vis de la construction européenne.

4. Espagne

En Espagne, on observera le coude-à-coude entre le PP du président du gouvernement Mariano Rajoy et le PSOE social-démocrate. Le fait marquant devrait être l'affaiblissement du bipartisme avec la poussée de la Gauche Unie (IU) et du parti Unité, Progrès et démocratie (UPyD). L'évaluation de cette poussée mesurera la résistance du système traditionnel aux politiques d'austérité. Egalement à suivre : les scores des nationalistes radicaux en Catalogne et au Pays Basque. En cas de poussée de ce côté, la question du référendum catalan, prévu en décembre, mais déclaré illégal, sera encore plus aiguë.

5.Grèce

La Grèce n'envoie que 21 députés, mais le résultat sera suivi de près pour mesurer le soutien au gouvernement Samaras. D'autant que cette élection européenne se confond avec le deuxième tour des élections locales. Si la coalition de la gauche radicale Syriza arrive en tête, ce sera un coup dur pour Antonis Samaras, le premier ministre. Il faudra cependant examiner le soutien de son parti Nouvelle démocratie et de son allié, le Pasok, ainsi que de la nouvelle formation pro-européenne To Potami. Le score des néo-nazis d'Aube Dorée, des Communistes et des Eurosceptiques de droite (Grecs indépendants) devront également être surveillés. Au final, ces résultats permettront d'avoir une idée de la capacité du gouvernement à convoquer des élections anticipées pour se renforcer.

6. Ailleurs

Le score de la droite eurosceptique au Danemark où elle peut arriver en tête, mais aussi en Suède, où elle peut obtenir un siège, sera à surveiller. Dans le dernier cas, les Démocrates suédois seront des alliés précieux du FN pour constituer un groupe. A gauche, on observera le score du Sinn Fein irlandais, de la « Liste d'union » danoise et des deux formations d'extrême-gauche au Portugal. Le paysage politique slovène, quelques jours après la chute du gouvernement, sera à observer également. Enfin, les scores des partis au pouvoir au Portugal et à Chypre permettront de mesurer leur résistance à l'austérité.

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Commentaires 12
à écrit le 24/05/2014 à 13:23
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demain 6 vote pour le fn

à écrit le 23/05/2014 à 20:01
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Non à Bruxelles, Oui à la France. Dimanche, je m'exprimerais dans les urnes par un geste simple.

le 24/05/2014 à 1:26
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Moi je voterai Verts ou Modem Udi ! Quitte à faire comme toi de la pub dont tout le monde se fout ! ;o))

le 24/05/2014 à 5:28
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@Verts Modem Udi : Mouaarrfff !!! Ce qui est sûr c'est que les Verts Modem Udi n'arriveront jamais aux scores du FN (même en s'associant).....MDR

à écrit le 23/05/2014 à 16:52
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Ce qu'il faudra observer le vote enregistré sera la possibilité obtenue par les membres de cette assemblé de faire barrage à l'avancée "européenne" en ne votant pas les textes. Il semble que l'on ait voulu se partager les postes par avance comme si u...

le 23/05/2014 à 20:59
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Les textes seront toujours votés. Pour bloquer le fonctionnement, il faudrait que les partis hostiles a l'UE soient majoritaires, ce qui n'est pas prévu par les sondages. On en est même très loin ! S'il font 30% ce devrait être le maximum.

le 24/05/2014 à 1:32
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Bloquer des "avancées" européennes est ce qu'il y a de plus stupide, digne du FN évidemment qui profite pleinement de l'Union européenne pour arriver au pouvoir en se servant de l'Europe et de l'euro comme bouc émissaires de tous les maux, simplisme ...

le 24/05/2014 à 14:43
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Elle était maquillée, comme une star de ciné...

à écrit le 23/05/2014 à 13:01
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Les US poussent leurs brebis de l'UE à faire une guerre perdue d'avance avec la Russie. L'Europe dévastée le Big Brother de Washington viendra proposer (encore une fois) un nouveau plan Marshall et la galère va recommencer. (mais cette fois sans les ...

le 24/05/2014 à 1:29
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Sortir de l'Otan ne permettrait pas de se défendre contre toute agression donc c'est une bêtise ou de la propagande d'un pays qui a tout intérêt à nous affaiblir comme la Russie invasive de Poutine ou autre.

à écrit le 23/05/2014 à 12:43
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C'est une "Constituante" qui a décidé la construction de cette "Union Européenne" ou bien est-ce des intérêts privés qui ont décider à notre place?

le 24/05/2014 à 1:35
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On a voté pour 3 Traités pour la Constitution européenne et ce dans 18 pays. On ne peut pas dire qu'il y a eu absence de démocratie d'autant que l'on vote tous les 5 ans pour le parlement européen. L'Europe n'est pas non plus un système que l'on doit...

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