La renaissance de la pétrochimie aux Etats-Unis, un modèle pour la France ?

Par Sebastien Laye, entrepreneur et financier, New York  |   |  591  mots
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Vu des « States », le déclin de l'industrie n'est pas une fatalité. L'exemple des relocalisations en cours dans la pétrochimie américaine le démontre. Mais faut-il encore s'en donner les moyens...

Alors que le spécialiste du VPC Kem One se dirige inéluctablement vers une restructuration drastique, menaçant toute la filière pétrochimique de Fos-sur-Mer, la France ne cesse d'apparaitre comme un nouveau cimetière d'usines et un parangon de la désindustrialisation des pays développés. Ce constat n'est pourtant pas une fatalité, loin s'en faut, et il n'y a rien d'inexorable dans le déclin de ce secteur crucial pour l'emploi en France.

A cet égard, les Etats-Unis offrent un saisissant exemple de redressement, sous l'égide d'une manne énergétique, des « esprits animaux » d'une nouvelle génération d'entrepreneurs industriels, et de la bienveillance d'une administration Obama qui réduit les entraves aux hommes d'affaires et les choit tout particulièrement.

Qu'on en juge : en Louisiane, Methanex, qui avait fermé sa dernière usine en 1999, vient d'annoncer un investissement d'un demi-milliard de dollars sur un nouveau site qui accueillera en partie une usine de méthanol démantelée depuis un site originellement au Chili !

Tout près de ce complexe, Williams construit une usine d'éthylène alors que CF industries, qui depuis des décennies importait du nitrogène, investit deux milliards dans une usine locale de production de ce fertilisant.

Ces trois sociétés s'appuient sur une double révolution :

- une main d'?uvre américaine à nouveau bon marché dans la mondialisation, sous le double effet, l'un absolu, de modération salariale aux Etats Unis depuis dix ans, et l'autre, relatif, de rattrapage des salaires dans le monde émergent, notamment en Chine (ruinant l'avantage coût dont disposait l'industrie chinoise),

- mais aussi une énergie locale abondante et bon marché (gaz naturel de schiste, GNL, nouveaux champs pétroliers). A l'aune de la structure de coût des activités chimiques de base (les aspects énergétiques représentent 20% des coûts de revient, avec l'électricité requise pour le fonctionnement des usines) d'abord. Mais aussi car la pétrochimie est essentiellement une activité de transformation d'hydrocarbures, la matière première de base de cette industrie.

- Enfin, les marchés finaux locaux (Etats-Unis, Canada) sont non seulement vastes mais en cours de redressement, avec une excellente tenue de deux secteurs clefs en termes de débouchés, l'automobile et le caoutchouc.

Ce cercle vertueux consommation-matières premières explique le contraste saisissant entre le spécialiste américain du VPC Axiall par exemple, et Kem One dans le sud de la France. Selon le BCG, 80 milliards de dollars doivent être investis d'ici 2020 dans le secteur, dans des usines de produits chimiques, d'acier, d'aluminium, de fertilisants, plastiques ou encore pneus, essentiellement dans le MidWest rural américain. Même les compagnies moyen-orientales se ruent sur de nouveaux projets aux Etats Unis (l'égyptien Orascom par exemple avec un projet de nitrogène en Iowa), ou les Français avec Solvay.

La France devrait s'inspirer et promouvoir ce modèle vertueux, avec quelques grands axes :

1 - Favoriser les partenariats entre acteurs de la filière et EDF afin de rationaliser leurs facture énergétique,
2 - Avoir une vision stratégique de notre approvisionnement en hydrocarbures, passant par l'exploitation des gaz de schiste en France ou partenariats avec d'autres Etats Européens susceptibles de lancer leur exploitation raisonnée et contrôlée -Pologne, Ukraine-, construction de nouveaux pipelines transeuropéens ou de capacités portuaires pour le GNL
3 - Enfin, elle ne peut faire l'économie d'une analyse de la compétitivité de la main d'?uvre dans ce secteur.