A Hong-Kong, une niche fiscale simple et efficace

Par Charles-Henri Larreur  |   |  597  mots
Charles-Henri Larreur. DR
Grâce à la suppression de toute taxe sur les alcools il y a cinq ans, Hong Kong est devenue la capitale mondiale du commerce du vin. Une audace fiscale qui a permis à la ville de créer ex-nihilo un nouveau secteur d’activité et des milliers d’emplois.

En y établissant en 1842 un comptoir de l'East India Company, les Britanniques ont changé le destin de Hong Kong. Jusque là petite île de pêcheurs de 7000 habitants, la ville est devenue rapidement la porte d'entrée des Occidentaux vers l'Asie. Seize ans après le départ des Britanniques, c'est aujourd'hui un territoire de près de huit millions d'habitants qui vit toujours du commerce entre la Chine et le reste du monde.

Supprimer la taxe sur les importations de vin

Rien n'illustre mieux la vitalité de cette tradition commerciale que les développements récents sur le marché du vin. Hong Kong s'est intelligemment placée entre les producteurs occidentaux et la demande émanant des nouvelles fortunes asiatiques, pour lesquelles connaître le vin et posséder une grande cave est l'un des signes les plus éclatants de réussite sociale. Jusqu'en 2007 rien ne laissait pourtant présager que Hong Kong pourrait un jour occuper un tel rôle. La tradition culinaire locale ne fait en effet quasiment aucune place à l'alcool et les droits de douanes sur les importations de vin atteignait alors le presque record mondial de… 80%.

C'est Henry Tang, le ministre des finances de l'époque et grand amateur de vins français, qui a favorisé en 2008 la suppression de cette taxe. Cette mesure radicale (dans un pays où la TVA n'existe pas !) a permis à Hong Kong de devenir un carrefour du commerce du vin. Tout un écosystème s'est alors développé, les cavistes et négociants se sont multipliés et de nombreuses écoles d'œnologie sont apparues, montées souvent par des expatriés français. Toute cette effervescence a encore renforcé l'intérêt des Hongkongais pour le vin. Le niveau de connaissance s'est élevé et la demande a encore augmenté.

Centre mondial des grands crûs

Pour compléter cette révolution fiscale, le gouvernement local a aussi négocié avec Pékin des facilités douanières pour exporter aisément vers la Chine des vins ayant transités par Hong Kong. Grâce à cet ensemble de mesures, la valeur des importations de vin à Hong Kong a atteint plus de 1 milliard de dollars en 2012, quatre fois plus qu'en 2007. Sur ce total, plus d'un tiers est réexporté, principalement vers la Chine.

Hong Kong est également devenu le centre mondial des ventes aux enchères de grands crûs. Poussées par la demande des millionnaires chinois, les ventes dépassent chaque année depuis 2010 celles de Londres et de New York. Signe des temps, le patron du département vin de Sotheby's a d'ailleurs été muté de New York à Hong Kong.

Une décision simple et compréhensible

La France, premier producteur mondial de vin, peut-elle s'inspirer du modèle hongkongais ? Sans doute pas totalement. Soyons réalistes, les temps sont difficiles et il n'est pas envisageable de créer une nouvelle niche fiscale. La méthode est en revanche sans doute la bonne : les décisions sont simples et compréhensibles par tous. On est loin des demi-mesures fiscales lourdes et complexes souvent dénoncées par la Cour des Comptes dans son rapport annuel.

Détail amusant, les Hongkongais découvrent le vin en même temps que la démocratie. Henry Tang l'a appris à ses dépens. Grand favori des élections au poste de chef de l'exécutif de Hong Kong en 2012, il a été sévèrement battu par son rival Leung Chun-ying. Les électeurs ne lui ont pas pardonné de s'être fait construire… une cave à vins sans permis de construire officiel.