Comment les Américains capitalisent sur le génie français

Par Sébastien Laye  |   |  599  mots
C'est au sein du nouveau quartier construit sur les décombres du World Trade Center que le "French Market Place" ouvrira ses portes en 2015... | Reuters
Le génie français est loin d'être mort. D'ailleurs, les américains se l'arrachent. Voici deux exemples qui le prouvent...

« Le génie français, malgré tout ce qu'il a d'essentiellement neuf et d'original dans son universalité, le génie français est fils d'une tradition ». Le poète Victor de Laprade ne croyait pas si bien dire en relevant l'universalité du génie français, mais en évoquant ses racines ancrées dans la tradition, aurait-il pu imaginer que d'autres entrepreneurs venus de lointains rivages puissent en saisir la quintessence bien mieux que ses compatriotes du XXIème siècle ?

Nous épargnerons aux lecteurs la litanie des concepts créatifs, des innovations audacieuses ou des technologies en France, bien vite repérés et dûment exploités par les Américains. Nous nous en tiendrons à deux exemples récents, au succès attesté pour l'un et prévisible pour l'autre, qui concernent deux piliers de notre tradition française : l'art graphique et les produits du terroir.

 

Le génie créatif européen obligé de s'expatrier

En ce qui concerne le premier, nos politiques ont souvent loué les talents français en matière de graphisme et d'animation digitales - sans pour autant vraiment sauver l'industrie du jeu vidéo en France par exemple, qui a essaimé au Québec.  Nos graphistes et experts en animation dominent pour autant le box-office mondial 2013 avec l'inénarrable "Moi, Moche et Méchant 2" et son armée de truculents minions.  Le film est étayé de références à la France, du design des minions au personnage féminin principal modelé sur Audrey Lamy.  Et pour cause, il a été en grande partie réalisé par des Français.

Le studio Mac Guff Ligne de Pierre Coffin, qui vivotait sur Paris, en est le fer de lance depuis son rachat par Illumination Entertainment, société de l'entrepreneur américain Chris Meledandri. Ce dernier s'est lancé dans la production en indépendant en rachetant cette superbe équipe parisienne d'animation.  Il a su très tôt comprendre que les nouvelles superproductions hollywoodiennes (ses films sont distribués par Universal) seraient mondiales dans leur conception et devraient capitaliser sur le génie créatif européen.

 

Un village à la française à New-York ?

Notre second exemple affectera encore plus l'orgueil national français : alors que depuis plusieurs années triomphe à Manhattan un concept italien de gigantesque marché (fromagerie, épicerie, restaurants) appelé Eataly (Chelsea), les Français se sont avèrés incapables de créer un espace similaire. Il y a bien eu un éphémère évènement- Le Taste of France- mais qui n'est que transitoire et semble achopper sur les écueils des rivalités et des conditions de rentabilité. Pourtant, ce sont des Américains (la société HPH) qui inaugureront fin 2014 le District, nouveau « French Market Place », concept entre Eataly et la Grande Epicerie du Bon Marche. 

Un gigantesque village à la française sis au sein du projet immobilier Brookfield Place - la rénovation du quartier du World Trade Center - : bar à espresso, fromagerie, charcuterie, rôtisserie, poissonnerie, bar à vin, stand de fruits et légumes, et un restaurant avec une capacité de 350 places. Le tout ouvert 7 jours sur sept de 6h à 2h du matin, au 225 Liberty Street. Une initiative que l'on doit à des entrepreneurs américains déjà derrière la chaine de pâtisseries françaises la plus en vogue sur New York, Financier Pâtisserie.

Une énième occasion manquée par les Français d'exploiter leur génie séculaire…même si on ne se privera pas de remarquer que ces initiatives sont aussi un bel hommage rendu à la France d'une certaine manière !