Les salariés français démotivés et pourtant bien attachés à leur job

Des managers sous tension. Des salariés fiers mais démotivés par leur travail. La 6e vague du Baromètre Ipsos Edenred sur le « Bien-être au travail et la motivation des salariés Français » confirme les résultats des années précédentes alors que la situation apparaît plus dynamique chez nos voisins européens. Il y a urgence à réformer le management à la française.
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Est-ce la mauvaise passe économique dans laquelle se trouvent l'Italie, l'Espagne et la France qui déteint sur le moral des salariés ? On serait tenté de le croire à la vue des résultats du 6e Baromètre Ipsos Edenred sur le "Bien-être au travail et la motivation des salariés Français" mené auprès de 5.500 salariés en France et dans cinq pays voisins. Dans les pays d'Europe du Sud, la population salariée se montre très inquiète : 29% des Espagnols, 36% des italiens et 40% des Français déclarent que leur motivation diminue là où les Allemands sont à 20% et les Belges à 25%.

Les Français ambivalents

A leur habitude, les Français se révèlent toujours aussi ambivalents : champions de la démotivation, 51% estiment consacrer trop de temps à leur travail (+14 par rapport à 2008) pour une reconnaissance jugée toujours beaucoup trop faible selon 49% des interrogés. Ce qui n'empêche pas les mêmes de se dire à 86% "heureux dans leur travail" et "fiers de leur travail".
D'année en année, ce type d'enquête égrène les mêmes résultats. Celle de 2007 de TNS Sofres sur la satisfaction au travail faisait un diagnostic identique : fort niveau d'engagement des Français pour une rétribution jugée trop faible. Trop affectifs dans leur rapport au travail les Français ? "La charge affective associée au travail demeure très forte en France", note l'Institut Ipsos. Résultat : des cadres stressés en mal de reconnaissance. Le phénomène affecte tout particulièrement les cadres supérieurs. En France, 42% d'entre eux attribuent ainsi une note de 8 à 10 à leur niveau de stress (38% dans le public et 43% dans le privé) et ils sont la seule catégorie où le stress progresse d'année en année.

Inquiétudes sur l'avenir

Rien d'étonnant si une plus forte attente de reconnaissance se porte sur le salaire, la rémunération étant encore jugée trop faible pour 68% des interviewés. Elle devient ainsi la préoccupation numéro un des Français (52%) devant le maintien de l'emploi (29%). Et si le modèle social français continue cependant d'atténuer les craintes en matière d'emploi, les inquiétudes n'en sont pas moins vives : quatre salariés sur dix se disent inquiets pour leur avenir et celui de leur entreprise, à l'instar des Italiens et des Espagnols quand les Anglais, les Allemands et les Belges sont deux fois moins anxieux. A noter que les salariés européens de plus de 40 ans - en particulier en France - apparaissent en parallèle comme les plus inquiets sur leur capacité à "pouvoir facilement retrouver un emploi s'ils perdaient le leur". Et lorsque 65% à 85% des fonctionnaires européens affichent une relative confiance dans l'avenir de leur employeur, là encore la France fait exception où seuls 45% se disent confiants. Au point que se dessine une nouvelle tendance : 38% des salariés du public affichent une volonté de quitter leur entreprise/administration. Le malaise gagne ainsi la fonction publique Française.

Impasse

"Accomplis mais désengagés" tel est le portrait que l'enquête Ispsos dresse des salariés Français. "Notre constat est celui d'une impasse. Se pose alors la question de l'utilisation des compétences, des conditions et de l'accomplissement du travail. Sans compter les blocages structurels du marché du travail qui empêchent la majorité des salariés de se projeter dans un avenir professionnel", relève Antoine Solom, directeur international de Employee Relationship Management, Ipsos Loyalty.
D'année en année, ce type d'enquête révèle un malaise croissant des salariés français. Les signaux d'alerte se font donc de plus en plus pressants. D'une part, un encadrement supérieur en surchauffe qui entraîne une baisse de confiance dans le management, et dans l'appréciation portée aux pratiques managériales. D'autre part, la traditionnelle relation affective des salariés français à leur travail de plus en plus attaquée en son c?ur : celui de l'honneur du travail du bien fait. Ce cocktail (blocages, décrochage du management, baisse du bonheur au travail) est-il annonciateur d'une rupture plus durable ? s'interroge Ipsos.

La fin du "soyez acteur de votre carrière"

A défaut d'apporter une réponse définitive, quelques priorités se dégagent à court terme au premier rang desquelles : la formation, l'employabilité, l'accompagnement des salariés dans leurs parcours professionnels. "La viscosité du marché du travail et l'incapacité des salariés à se projeter qui en découle, accentuée par la réforme des retraites, appellent des initiatives ambitieuses, innovantes et probablement un changement de posture de la part des entreprises et/ou des administrations : la fin du "soyez acteur de votre carrière" et la priorité à une démarche de conseil adaptée et personnalisée", note Antoine Solom.
Le malaise des cadres remet aussi en cause l'ensemble du management et appellent à revoir les représentations liées aux pratiques managériales (du manageur "décideur" au manageur "influent"). La question de l'autonomie et de la responsabilisation du management dans des organisations toujours plus complexes en recherche de contrôle et de résultats court terme apparaît aujourd'hui centrale. Quant au "mieux vivre en entreprise", si la recette miracle n'existe pas, se préoccuper de la qualité de vie au travail aura au minimum l'avantage d'enrayer cette spirale de la démotivation. Le chantier est de taille.

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Commentaires 6
à écrit le 13/12/2012 à 11:22
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Je constate qu?un bon nombre d?entre vous s?ennuie au travail. Vous pensez peut-être que l?entreprise c?est triste et ennuyant ? Je vous recommande d?aller voir ces vidéos qui ne parlent que de l?entreprise et qui sont très drôle. http://humour-con...

à écrit le 05/04/2012 à 10:38
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Depuis les années 90, nous enseignons de nouvelles technique de management qui représentent l'humain comme un coût financier. A partir de là, vous avez tout compris. Il ne faut surtout pas que l'humain soit dans le confort et le bien être, diviser po...

à écrit le 05/04/2012 à 10:24
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Bonjour, je suis étudiante en doctorat de psychologie à l'Université. Je me permets de vous adresser ce mail car je cherche à diffuser une enquête anonyme de recherche sur la santé au travail. En effet, pour les besoins de mon enquête il faudrait q...

à écrit le 05/04/2012 à 6:47
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pareil chez nous dans les collectivités territoriales:nous sommes proches du burnout et nos traitements n'augmentent que faiblement

à écrit le 04/04/2012 à 21:24
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Ils restent pas lâcheté et parce qu'ils seraient incapables de faire autre chose, bien qu'ils se prétendent tous cadres :-) C'est aussi la preuve qu'ils sont trop payés, non ?

à écrit le 04/04/2012 à 14:48
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"l'avantage d'enrayer cette spirale de la démotivation".. Ha bon..??? Les cohatchs et spychologues vont sauver l'encadrement ne pouvant plus contenir l?insatisfaction en servant de pare-feu..?? Expliquez-moi, là.

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