Lutte antipauvreté : l'argent n'est pas tout

La revalorisation du revenu de solidarité active (RSA) et les 100 millions d'euros alloués au mal-logement annoncés par le gouvernement à l'issue de la Conférence Nationale sur la Pauvreté suffiront-ils à endiguer la souffrance des sans-abris? Le témoignage du Docteur Alain Mercuel nous invite à porter un autre regard sur ces exclus... qui nous font peur. Pour ne plus fermer les yeux sur la fragilité humaine, celle de nos semblables, donc aussi un peu la nôtre.
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 A l'heure où la Conférence Nationale sur la Pauvreté se clôt par une série de mesures visant à revaloriser les conditions financières des plus démunis, il apparaît essentiel de se laisser également toucher par la souffrance psychique des exclus que l'on croise quotidiennement au pied de notre logement ou de notre travail. Les crises économiques sont aussi des crises morales. «Disons- le sans détour: notre société est moins solidaire en 2012 qu'elle ne l'était il y a dix ou vingt ans», a souligné le premier ministre. Mais le recours aux aides est parfois d'une telle complexité que nombre de personnes en situation de pauvreté ne demandent pas les prestations auxquelles elles ont droit. Parfois aussi à cause de la honte, ou tout simplement de souffrance psychique. Si des mesures vont être prises pour simplifier et leur faciliter les démarches, il n'empêche. La sortie de l'enfer ne tient pas à un chèque.

Aller à la rencontre des plus "cassés"

Le Docteur Alain Mercuel, auteur de «Souffrance psychique des sans-abri, Vivre ou survivre» paru chez Odile Jacob, revisite le théorème d'Archimède et l'applique ainsi à la précarité: «tout corps en souffrance psychique plongé dans un bain de précarité... possède en soi... une force opposée... qui n'attend qu'un nouveau regard... pour mieux s'en extirper.» Il ne s'agit pas selon lui de psychiatriser le social mais d'accepter d'aller à la rencontre des plus «cassés» de la rue, de repérer leurs souffrances psychiques pour tenter de les apaiser. Pour ce chef de service à l'hôpital Sainte-Anne à Paris qui dirige une unité d'accès aux soins psychiatriques pour les exclus, les SDF ne présentent pas de «MST», comprendre : de «maladies socialement transmissibles». «On peut leur parler, on peut les accompagner sans crainte, leur donner une pièce, un sandwich, simplement pour rendre moins terrible le petit «cloc». Ce terrible bruit de l'?uf dur cassé sur un comptoir d'étain. Celui de l'homme qui a faim, qui dehors regarde, hagard, ceux qui mangent dedans, au chaud».

Ecouter les personnes en grande difficulté

Contrairement à Nicolas Sarkozy qui n'avait pas pu tenir sa promesse de diminuer d'un tiers la pauvreté en cinq ans, François Hollande, même s'il ne s'est pas aventuré sur un objectif chiffré, n'en a pas moins mobilisé son gouvernement. La Conférence Nationale peut sans doute faire évoluer les choses mais à condition d'écouter aussi ce que les personnes en grande difficulté ont à dire. Car la précarité ce n'est pas seulement être privé de toit. C'est se concentrer sur sa survie au quotidien. Et souffrir de ne plus être relié socialement. Ainsi, Alain Mercuel affirme-t-il qu'une grande part de la souffrance psychique, voire de la maladie mentale, repose sur une altération voire une totale absence du lien qui nous unit aux autres. «Les exclus comme les psychotiques sont des «aliens»..., des a-liens, avec le a privatif. Mais bon nombre de personnes intégrées ou prétendument l'être sont des aliens. En fait peu ou prou, nous sommes tous pour l'autre un alien. L'autre est plus ou moins menaçant plus ou moins différent, plus ou moins absent, alors que l'autre pourrait être certes, exotique mais charmant, intéressant, profondément mon semblable», écrit Xavier Emmanuelli dans la préface.

Créer du lien avant toute chose

Or la difficulté à se saisir du phénomène de la pauvreté tient dans le fait qu'il s'agit à chaque fois de situations singulières. «Toute situation personnelle ne peut s'envisager qu'au cas par cas, et les solutions de sortie de rue ne se recherchent que de façon singulière», souligne Alain Mercuel rappelant que le lien social ne peut que se construire dans un aller-retour entre soi et les autres : «compter sur l'autre pour compter sur soi». L'intégration sociale ne va donc pas de soi. Beaucoup d'éléments poussent à trébucher. Certains se relèvent, d'autres pas. Et quand les statistiques nous montrent que les plus touchés par la pauvreté sont aujourd'hui les jeunes, peu ou pas qualifiés, que ce sont eux les premières victimes de la crise et du chômage, et qu'une étude du Samu Social établit à 40% le nombre de jeunes en situation de précarité souffrant de troubles psychiatriques sévères, la question de la pauvreté se pose avec plus d'acuité que jamais. Celle de la société que nous avons bâtis aussi. Alors ... «Aider oui, mais jamais seul. Et jamais sans les élus», en conclut Mercuel. C'est le sens de cette conférence qui aura duré deux jours, mobilisée 11 ministres et plus d'une quarantaine d'associations. Loger, soigner ou travailler ne doit cependant pas obérer la priorité fondamentale qui s'impose désormais à chacun d'entre nous : créer du lien avant toute chose.
 

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Commentaires 8
à écrit le 04/03/2014 à 10:45
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une societe qui ne soccupe pas de ses jeunes est une societe perdu est qui na pas d avenir? CEST LE TRAVAIL DES HOMMES POLITIQUES ,???

à écrit le 13/12/2012 à 9:04
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A long terme, puisque nous sommes incapables de le faire rapidement, la seule solution est que chacun ait un emploi et puisse en vivre = réduction drastique des coûts divers d'assistance et de dégradation de la société. Le reste, même si utile actuel...

à écrit le 12/12/2012 à 19:55
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Ce système "soupoudre" beaucoup d'argent sans aucune efficacité et le gouvernement est incapable d'assurer le financement du budget de 2013.

le 12/12/2012 à 22:12
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Et vous ? Au lieu de critiquer, que proposez vous de concret ?

le 13/12/2012 à 10:35
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Je vous proposes de faire comme moi, occupez vous d'une association caritative, faites la quête pour trouver de l'argent, et là vous verrez que le système d'aide sociale ne fonctionne pas.

à écrit le 12/12/2012 à 18:35
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les gouvernements fabriquent des pauvres ,pour travailler 1heure c est impossible legament pour manger

à écrit le 12/12/2012 à 18:12
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Oui tout cela mais il n'y a pas 8,5 millions de sans abri en france.Oui mais il ne faut pas chercher seulement à se donner bonne conscience avec ces bonnes intentions mais aussi à chercher pourquoi il y a temps de pauvres ce que l'on semble découvri...

le 13/12/2012 à 7:30
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Pourquoi y a t-il autant de pauvres? ça tombe sous le sens! beaucoup n'ont plus de boulot=appauvrissement, d'autres sont tellement taxés, car ils ont un boulot, mais ne s'en sortent PLUS ! CQFD!....& les 2 cas se rejoignent à la longue...à quelque ch...

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