Gare à la démotivation !

Par Sophie Péters  |   |  887  mots
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La démotivation gagne les troupes. Ici, ailleurs, on sent que le moral est au plus bas. Effet de la crise ? Seulement par ricochet. Depuis des mois on a tous appris à vivre avec. Non la lassitude dans les entreprises, l'épuisement, émergent de situations bien précises, touchant les individus de très près, au cœur même de leur activité.

Le cabinet de conseil en direction générale Bain&Company s'est penché sur « l'alchimie de l'enthousiasme » ou comment des employés impliqués font des clients fidèles. « En France, le niveau de motivation des employés est en moyenne assez faible. Seul un petit nombre d'employés est véritablement prescripteur de leur entreprise. Ceci a un impact extrêmement fort sur l'expérience client : des employés motivés contribuent à rendre les clients prescripteurs, ce qui au final a un impact important sur la performance économique de l'entreprise. Il s'agit d'un cercle vertueux qui peut être mis en place en actionnant les bons leviers. » explique Domenico Azzarello, Associé du cabinet Bain & Company et responsable du pôle de compétences Stratégie Clients & Marketing. Comme selon ce cabinet de placer les employés au c?ur de la boucle du retour d'expérience client, de changer les indicateurs de performance qui au lieu d'être liés aux coûts peuvent s'ajuster sur la satisafction des clients(une recette qui a fait ses preuves), ou encore donner aux employés plus de liberté pour améliorer l'expérience client. L'étude de Bain&Company démontre que l'efficacité décisionnelle est étroitement liée à un plus fort taux d'engagement salarié.

Mais là où la démotivation est dangereuse c'est qu'elle est le plus souvent niée, voire ignorée par les responsables, toujours très satisfaits de leurs politiques et de leurs stratégies. Ces derniers sont persuadés qu'en maintenant de bonnes relations de travail entre leurs collaborateurs et avec les clients, cela suffira à satisfaire les salariés. Ce que veulent cependant ces derniers c'est qu'on reconnaisse leurs efforts et qu'on leur propose des évolutions de poste.

En matière de démotivation, c'est toujours le même ressort : la reconnaissance et l'écoute. Mise à part ceux qui arrivent à se passer du regard de l'autre -grâce souvent à une bonne estime de soi ou à des objectifs personnels ultra clairs- la majorité d'entre nous avons tous le même besoin (fondamental) : se sentir exister dans son travail. Or montrer à ses collaborateurs qu'on les apprécie n'est pas la même chose que leur faire un compliment. La considération ou l'estime s'adressent à des activités professionnelles. Dire à quelqu'un «tu es chic aujourd'hui » reste un compliment...sympa mais pas très efficace en matière de motivation ! En revanche dire « ta présentation était très bonne, ton projet excellent », là vous montrez que vous appréciez son travail. Soyez précis ! Dire « j'aime bien ce que tu fais » est différent de souligner « sur ce projet tu as vraiment donné le meilleur de toi ». Là cela constitue une vraie récompense (donc une motivation) pour l'effort fourni. Enfin demander conseil, écouter les propositions, tenir compte des avis, reste de bon augure. Rien de pire que le flou, la masse d'éloges qui tombent du ciel -cela nuit à la crédibilité- et le trop plein. Inutile d'exprimer ce que vous n'appréciez pas. Dites plutôt ce que vous souhaitez. Restez positif et clair en toute circonstances. Quand les collaborateurs sont démotivés, c'est bien souvent que la direction n'a pas trouvé le bon moyen. C'est-à-dire la façon de considérer ses salariés, de les impliquer, d'affronter les problèmes. Et surtout de faire valoir les valeurs qui animent ce corps social. L'objectif n'étant d'ailleurs pas de motiver les individus mais d'éviter qu'ils ne se démotivent et de leur donner suffisamment d'éléments pour qu'ils puissent maintenir leur auto-motivation (la seule qui fonctionne) et leur estime d'eux-mêmes.

Si l'on en croit les recherches en neuro-sciences et sciences du comportement, la motivation dite « primaire » reste la plus durable d'entres toutes. Certes, elle se constitue dès le plus jeune âge mais se traduit ensuite par l'adhésion à certaines valeurs que nous considérons comme fondamentales dans notre existence ou encore par un art de vivre qui nous correspond vraiment. « Elles renvoient à la notion de plaisir en soi et ne sont liées ni à un quelconque résultat ni à la reconnaissance des tiers. Elles restent stables tout au long de la vie », note Jean-Louis Prata, directeur R&D de l'IME Institut de Médecine Environnementale) et de l'INC (Institute of NeuroCognitivism). D'où l'importance de les mobiliser pour permettre de se ressourcer et de s'épanouir.

L'objectif consiste donc à donner envie et à permettre aux individus de se réaliser dans l'entreprise. Car la démotivation est dangereuse parce qu'elle sape la confiance en soi. Un travail qui permet à une personne de s'affirmer et de réaliser ses objectifs lui permet d'évoluer. L'essentiel étant de se sentir performant pour soi. Si maintenir son état d'enthousiasme exige un travail personnel, une philosophie de vie qui relativise les difficultés et permet d'accepter certaines contradictions, il faut aussi que le cadre dans lequel on évolue le permette. Et si vous vous sentez démotivé, ou si vous n'arrivez pas à motiver vos équipes, ne restez pas dans la passivité, source d'insatisfaction chronique. Ecoutez, sondez. Et embarquez- vous dans une analyse des peurs, des valeurs, des désirs. Mais pour accomplir la traversée, je vous préviens, il vous faut une sacrée dose de motivation !