Elles ont entre 30 et 60 ans, et occupent toutes des postes à "responsabilités" dans des grands groupes (Caisse des Dépôts, GDF Suez, JWT, Lafarge, L'Oréal, LVMH, McCann, Pernod-Ricard, Pôle Emploi, SGD, Société Générale). Pendant trois ans, elles ont "planché" dans le cadre du séminaire « L'Ecole des Femmes », animé par Catherine Blondel, conseillère de dirigeants, à l'Institut de l'Ecole Normale Supérieure.
Aujourd'hui elles publient le fruit de leurs travaux, ni inventaire à la Prévert, ni bréviaire du féminisme, mais un jeu de mots à la façon de Monsieur Molière : le "dictionnaire de l'Ecole des femmes". "Un dictionnaire écrit par des femmes sur les femmes pour… tout le monde", résume Catherine Blondel.
Une aventure collective qui a rassemblé une trentaine de femmes cadres dirigeantes qui, au fil des rencontres avec les intervenant(e)s (philosophe, sociologue, neurologue, historienne, géographe, psychanalyste...) ont choisi, écrit et validé ensemble les entrées, qui vont de "amant" à "vulgaire" en passant par "cougar", "discrimination", "pantalon", "parité" ou "point G" et "virilité".
Les définitions retenues ne se cachent pas d'être de parti pris, assumé
On s'y amuse beaucoup, on y manie le dialogue et la métaphore, sur un ton léger et badin qui, sans se prendre au sérieux, frappe les idées au coin du bon sens et débusque avec humour les stéréotypes et les préjugés.
Façon, en cette journée de la femme, de leur donner la parole sur ce qui est trop souvent tu et qui fait de l'impertinence un trait résolument féminin. Aucune revanche. Un simple constat. Celui de femmes ayant a priori « réussi professionnellement » qui interpelle sur le chemin restant à parcourir en France pour atteindre une égalité qui peine à émerger malgré l'évolution des mœurs et les avancées législatives.
Constat dressé avec subtilité à la manière d'un Molière qui sut comme personne montrer le pouvoir libérateur que la parole et le savoir donnaient aux femmes.
L'objectif est de penser la situation des femmes contemporaines en s'appuyant sur les interventions de chercheur(e)s en sciences politiques, historien(ne)s, philosophes, psychanalystes, sociologues, mais aussi de faire évoluer les pratiques au sein des entreprises participantes, voire au-delà. Jolie preuve qu'à faire circuler ainsi la parole des femmes de manière inédite, on ouvre les portes d'une réflexion partagée et d'un dialogue féconds.
On y sent planer l'ombre d'une Virginia Woolf qui dans "une chambre à soi" exhortait les femmes à écrire sur leurs expériences singulières pour échapper à leur condition subalterne. Mais qui s'étonnait aussi sur le fait que seuls les hommes réfléchissaient sur ce que sont les femmes et que "les résultats de leurs réflexions s'opposent de quelque côté qu'on se tourne".
La romancière en vient à s'interroger : "pourquoi donc les femmes intéressent-elles les hommes tellement plus que les hommes n'intéressent les femmes ? Quelle curieuse chose ?".
Et d'y répondre en constatant que la liberté intellectuelle dépend des choses matérielles et "les femmes ont toujours été pauvres depuis le commencement des temps. Les femmes ont eu moins de liberté intellectuelle que les fils des esclaves athéniens. Voilà pourquoi j'insiste tant sur l'argent et une chambre à soi.
Cependant ces maux sont en train de s'atténuer. Lorsque je vous demande de gagner de l'argent et d'avoir une chambre à vous, je vous demande de vivre en présence de la réalité, une vie vivifiante, semble-t-il que vous puissiez la communiquer ou non".
Un dictionnaire en guise de réponses
Ce dictionnaire constitue une réponse au voeu de Virginia Woolf. Il a donné la parole à des femmes "de pouvoir" qui désirent désormais partager, faire circuler ces regards et questionnements qui nous concernent tous. A l'occasion du 8 mars, elles ont décidé de le mettre à disposition en ligne.
Et vont poursuivre l'aventure à l'Institut de l'ENS avec un 2ème cycle de trois ans qui démarre en mars 2014. Nouvelle ambition : publier d'ici fin 2016 des articles de réflexion sur les questions-clés pour l'évolution des femmes dans les entreprises et la société.
En renonçant à être des hommes comme les autres, en imposant peu à peu leur mode d'être, les femmes vont pouvoir s'incarner dans des paroles différentes pour un combat commun. Il est grand temps de reconnaître la bénédiction d'être des hommes et des femmes, différents et complémentaires sur le terrain de la vie.
D'ailleurs, inspirés par le Dictionnaire, certains lecteurs masculins ont adopté le même ton pour proposer spontanément quelques définitions pour ce qui pourrait devenir un « dico des hommes ». On attend avec impatience certaines de leur définition. Au mot "homme", les auteurs féminins du "Dictionnaire de l'Ecole des femmes" ont écrit : "définition futuriste et pleine d'espoir : égal de la femme".
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