Inventez le MOOC de demain

Depuis leur apparition, les MOOCs ont fait du chemin. Le terme englobe désormais des espaces de travail collectifs plus éloignés de l'approche pédagogique initiale... Décryptage.

Les MOOC, ces cours en ligne gratuits et ouverts à tous, continuent à se développer lentement (en France) mais sûrement (aux Etats-Unis et dans le reste du monde), soulevant d'innombrables questions sur l'avenir de nos systèmes de formation. A l'origine, le terme MOOC désignait des cours en ligne basés essentiellement sur l'échange entre participants, l'instructeur n'ayant qu'un rôle de facilitateur. On parlait alors de cMOOC, le c faisant référence au connectivisme, une théorie de l'apprentissage à l'heure du Web 2.0 née dans les années 2000. Mais la définition du terme MOOC a largement évolué depuis que des établissements prestigieux comme Stanford, Harvard ou le MIT se sont lancés dans la bataille en 2011 sur des plates-formes comme edX ou Coursera.

Les MOOC à la sauce Princeton, ce sont des heures et des heures de vidéos de profs star, mais aussi bien sûr des devoirs à rendre. Il ne faut en effet pas oublier que ce qui fait l'intérêt des MOOC, c'est leur interactivité; ce sont les exercices et les activités qui y sont proposés, ce sont les forums de discussion qui permettent à tout un chacun d'échanger avec d'autres participants en provenance des quatre coins de la planète. Les vidéos postées en ligne, cela faisait belle lurette que cela se pratiquait, le MIT avait déjà dès 2001 son propre site, le MIT Opencourseware.

 

Le bouleversement des xMOOC

Quoi qu'il en soit, le choix du terme MOOC n'était peut-être pas le plus approprié pour décrire cette nouvelle vague de cours en ligne. Il aurait fallu trouver un autre acronyme pour éviter la confusion avec les cMOOC; mais les uns et les autres furent en mal d'imagination, et on ne chercha pas plus loin. Erreur on ne peut plus funeste qui engendra d'innombrables quiproquos, mais passons. Tout au plus, quelqu'un eut un jour l'idée de rajouter un x (probablement en référence à edX) devant l'acronyme MOOC pour former le terme xMOOC. Nous eûmes donc des cMOOC d'une part, et des xMOOC d'autre part.

Depuis leur création en 2008, les cMOOC restèrent un mouvement relativement marginal, cantonné à quelques innovateurs passionnés et à une petite communauté d'initiés. Fondés sur une vision horizontale de la transmission du savoir, ils n'avaient pas grand chose à voir sur le plan idéologique avec les MOOC des établissements américains qui suivirent et qui firent la une des journaux. Le MIT, Princeton et consort adoptèrent comme il se doit une posture nettement plus évangéliste, top down, basée sur une vision descendante de la transmission de la connaissance. Les Etats-Unis au chevet du reste du monde, dispensant gratuitement la quintessence de leur savoir aux masses laborieuses. Bref, vous voyez le tableau; le MOOC américain devint rapidement à l'enseignement supérieur ce qu'Hollywood est au cinéma.

 

Des cMOOC plus confidentiels

Le cMOOC connectiviste et son organisation horizontale, anarchique et mouvante versus le xMOOC, le cours en amphi version 2.0, accompagné comme il se doit de séances de travaux dirigés. L'opposition entre ces deux formats pédagogiques a été reprise de manière systématique dans les médias, mais elle n'a au fond que peu de sens. Sur le plan quantitatif, les cMOOC ne représentent qu'un nombre très limité de cours sur la Toile, attirant un nombre lui aussi limité de participants, quelques dizaines de milliers tout au plus.

Au contraire, ce sont plusieurs millions de personnes qui suivent les "xMOOC" au quotidien. Opposer les cMOOC aux xMOOC, c'est un peu comme opposer le cinéma d'art et d'essais français à Hollywood. Non pas que les cMOOC soient dénués d'intérêts - je pense au contraire qu'ils ont beaucoup à apporter aux xMOOC, trop top down par bien des aspects - mais pris en tant que tels, ils ne représentent qu'une infime fraction du phénomène.

 

Sous les MOOC, des formats se multiplient

Cette opposition cMOOC/xMOOC a été également rendue obsolète par la multiplication de formats pédagogiques alternatifs. Il y a de nombreuses raisons pour se lancer dans la création de cours en ligne gratuits et massifs, et la question de la typologie des MOOC est plus qu'épineuse. Une première approche consiste à prendre comme grille de lecture le public cible et la nature du cours. Le MOOC est-il très académique ou s'apparente-t-il d'avantage à de la vulgarisation ? Est-ce un cours introductif nécessitant peu de pré-requis ou un cours plutôt spécialisé ?

Une seconde approche consiste à se centrer sur l'approche pédagogique, tout en allant au-delà de l'opposition traditionnelle cMOOC/xMOOC. L'appellation "cMOOC" est à bien des égards utilisée à tort et à travers. Dès lors que le cours sort de la caricature vidéo+quizz et qu'il y a un tant soit peu d'interaction entre les participants, certains le qualifient à tort de cMOOC. Par exemple, il faut savoir que dans les xMOOC, les productions des participants sont en général corrigées par d'autres participants - on parle d'évaluation par les pairs - car il est impossible pour un enseignant seul de noter des milliers de devoirs par semaine. Eh bien, cela ne rate pas, il y a toujours quelqu'un pour qualifier de cMOOC ces cours basés sur la transmission de savoir (et qui sont donc des xMOOC).

 

Des MOOCs au service de projets collectifs... 

Et que dire des MOOC basés sur la pédagogie par projet ? Une plate-forme de Stanford, Novoed, s'est d'ailleurs entièrement spécialisée dans les MOOC qui reposent sur la mise au point collective de petits projets. De jeunes (et moins jeunes) innovateurs de tous horizons viennent se rencontrer sur ces cours pour tenter de concrétiser une idée qui révolutionnera le monde. Ce type de MOOC tourne parfois au concours international de stratups. Prenons par exemple le MOOC Startup Engineering de Stanford. Au cours du projet final, il s'agissait d'une part de présenter un projet d'entreprise crédible et d'autre part de le faire connaître au plus grand nombre via les réseaux sociaux.

La victoire appartenait à celui qui aurait le plus grand nombre de retweets. Fait amusant, c'est une jeune équipe française, Goopil, qui remporta ce concours, pour avoir eu le culot de chercher via un tweet le soutien de Fleur Pellerin, alors en charge du numérique et des PME. Celle-ci, en accédant à leur demande et en diffusant leur projet via Twitter, déclencha un buzz qui leur fit remporter la victoire haut la main. Peut-on parler de xMOOC ? On va tout de même beaucoup plus loin que le cours/TD, non ? Rien à voir non plus avec le cMOOC tel que nous l'avons décrit, même si des gens se connectent entre eux pour former des équipes .... Quel acronyme utiliser alors ? pMOOC pour project-based MOOC ?

 

...aux MOOCs au service des projets d'entreprise 

Et que penser de ces MOOC qui font plancher les participants de la formation sur des cas d'étude apportés par des entreprises partenaires ? Le modèle est assez similaire à celui de la communauté Eyeka, qui connecte des marques avec une communauté de plusieurs centaines de milliers d'innovateurs plus ou moins bénévoles. Une marque vient avec son problème, son cas d'étude,  et c'est aux participants d'apporter des solutions. Trouver un modèle économique, améliorer ou concevoir un produit, imaginer une stratégie de communication et j'en passe. Les meilleures contributions sont ensuite détectées via le processus d'évaluation par les pairs classique, entre autres.

Le principe avait été testé à petite échelle en France au cours du MOOC Effectuation par la startup Hellomentor, spécialisée dans le soutien scolaire en ligne, et à plus grande échelle au cours du MOOC Foundations of Business Strategy de l'université de Virginie. Entreprises et associations avaient la possibilité de soumettre leur problème à une communauté de participants de plus de 50.000 personnes. Le concept a semblé si prometteur qu'une startup en est née, Coursesolve; elle fait désormais le lien entre entreprises et équipes pédagogiques pour introduire les cas d'étude des premières dans les MOOC des secondes. Alors, peut-on parler de xMOOC simplement parce que le cours était organisé sur Coursera (une plate-forme où l'on trouve traditionnellement des xMOOC) ? Je ne le pense pas non plus. Que va-t-on inventer cette fois alors ? chMOOC pour challenge-based MOOC ?

 

Si, c'est un MOOC

Le MOOC est un objet polymorphe qui reste difficile à définir. D'autant que ces différentes approches ne sont pas mutuellement exclusives. Comment appellera-t-on un MOOC qui mêle à la fois de la transmission de savoir, de la mise en relation de personnes autour d'un intérêt commun, et des projets par équipe? Un pchxcMOOC ? Je vous propose que l'on s'en tienne au terme MOOC. Inutile de chercher à coller systématiquement une étiquette, chaque formation a ses propres particularités. Mieux vaut creuser un peu plus dans les détails de la scénarisation pédagogique si l'on souhaite vraiment comprendre de quoi il retourne. Les projets les plus innovants de l'univers MOOC n'ont fait qu'effleurer du bout des doigts le potentiel qu'offre le numérique en termes pédagogiques.

Et il reste encore bien des terres vierges à défricher pour les pionniers désireux de partir à la conquête de cette nouvelle terra incognita qu'est le Web éducatif. D'ici quelques semaines, nous lançons avec quelques collègues un MOOC pour apprendre à faire des MOOC ("Monter un MOOC de A à Z") sur la plate-forme française France Université Numérique. C'est l'occasion pour une communauté d'innovateurs de tous bords de venir réfléchir collectivement au futur de la formation en ligne. Avis aux amateurs, car il y a du pain sur la planche pour qui veut inventer le MOOC de demain.




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Commentaire 1
à écrit le 01/05/2014 à 23:39
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Merci pour cet article analyse / panorama très intéressant. 'ai participé à beaucoup de MOOCs de natures différentes. La difficulté avec les MOOCs de Stanford type "Startup Engineering" est que vous devez former une équipe et aussi fournir un gro...

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