La Chine face à la crise irakienne

Beijing reste discret vis-à-vis de l’évolution de la situation en Irak faute de moyens pour intervenir. Mais la Chine suit de très près l’évolution d’un pays dans lequel elle a engagé d’énormes investissements, pour en faire l’un de ses principaux fournisseurs de pétrole. A cette préoccupation économique, s’ajoute le risque géopolitique, que Beijing ne peut ignorer, d’une connexion entre la crise irakienne et la question domestique du Xinjiang.
Détenteur de 37% des grands champs pétroliers de Rumaila et Halfaya, menacés par les terroristes, CNPC (PétroChina) en a tiré en 2013 plus de 40 millions de tonnes de pétrole, soit le tiers de la production que le groupe contrôle à l'étranger. / REUTERS

Malgré les discours sur les motivations pétrolières de l'intervention américaine en Irak, c'est la Chine qui est depuis 2013 le premier destinataire des exportations de brut de ce pays, absorbant une part estimée à la moitié de leur total.

L'Irak a été le principal pays dans lequel le groupe CNPC (PetroChina), numéro un chinois de l'extraction pétrolière, a déployé sa stratégie de sécurisation d'approvisionnements extérieurs, pour faire face à la dépendance croissante du pays vis-à-vis de ses importations pétrolières.

Détenteur de 37% des grands champs pétroliers de Rumaila et Halfaya, CNPC en a tiré en 2013 plus de 40 millions de tonnes de pétrole, soit le tiers de la production que le groupe contrôle à l'étranger.

Fournisseur stratégique

Cette importance accordée aux ressources irakiennes a été confirmée en novembre 2013, lorsque CNPC a ajouté à ce portefeuille déjà conséquent 25% du champ géant de West Qurna 1 - considéré comme le deuxième plus important gisement pétrolier au monde -, acquis auprès de l'américain Exxon Mobil.

A l'échéance 2020, le développement de ces différentes concessions permettrait à la Chine de tabler sur quelque 65 millions de tonnes de brut provenant chaque année d'Irak, soit plus de 10% de la consommation pétrolière totale chinoise projetée à cette échéance.

Malgré les alternatives développées par les pétroliers chinois à travers le monde, de la Russie au Venezuela, la sécurité de cette source d'approvisionnement irakienne est donc essentielle pour les responsables de l'économie chinoise.

La question du Xinjiang

A cet enjeu économique, s'en ajoute un autre de nature géopolitique que Beijing n'évoque pas, mais qui ne peut qu'être présent à l'esprit des responsables chinois.

Le pays est en effet confronté depuis quelques mois à un regain d'activité de la composante islamiste extrémiste du mouvement visant à l'indépendance de la grande Région autonome du Xinjiang, « bouclier » occidental de la Chine. Ces groupes issus de la population ouïgour sunnite, qui se réfèrent à un modèle politico-religieux incarné par l'Emirat de Kashgarie, qui connut une brève existence au XIXè siècle, présentent des affinités certaines avec ceux qui viennent de proclamer un Califat en Irak.

La préoccupation manifestée à plusieurs reprises par les autorités chinoises, vis-à-vis de la sécurité et de l'éventuelle évacuation des quelque 10.000 travailleurs chinois engagés sur des chantiers en Irak, tient certainement avant tout au risque d'une prise d'otages qui permettrait à ses auteurs de faire pression sur les autorités chinoises. Une telle situation génèrerait un risque d'immixtion étrangère dans une question que Beijing considère comme strictement nationale.

Déficit de puissance

Face à la montée de l'activisme ouïgour, et aux attentats perpétrés au Xinjiang et dans le reste de la Chine, les autorités chinoises ont en effet engagé une politique de répression sans concessions.

Celle-ci est notamment dictée par les enjeux pétroliers et gaziers associés au Xinjiang lui-même, comme zone d'extraction et de transit d'autres importations d'hydrocarbures décisives pour l'économie chinoise, en provenance cette fois d'Asie centrale (Kazakhstan et Turkmenistan). Les inquiétudes chinoises vis-à-vis de la situation irakienne vont donc au-delà de la question, déjà considérable, des approvisionnements pétroliers en provenance de ce pays.

L'impuissance, en décalage avec ses besoins de grande puissance économique, à laquelle est une nouvelle fois confrontée la Chine, confortera certainement les partisans de l'acquisition par le pays d'une véritable capacité d'intervention militaire extérieure. En attendant, elle devrait assurer à Washington le soutien d'une Chine qui se trouve en première ligne quant aux conséquences possibles de la crise irakienne.

 

 

 

Jean-François Dufour, Directeur, DCA Chine-Analyse

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Commentaires 16
à écrit le 09/08/2014 à 11:46
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article interressant quand meme , les chinois ont raison de s'inquiéter , leurs besoins en pétrole est devenu conséquent , eux ne peuvent pas encore projeter des troupes pour protéger leurs intérêts nationaux , ils vont donc accellerer leur processus...

à écrit le 06/07/2014 à 17:03
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Si un Chinois prononce sa capitale "Beyjin", vous allez leur apprendre leur propre langue et comment prononcer ? Mais d'où vient cette maladie française de déformer les mots étrangers ? Par exemple, Londres se dit "London" partout, sauf en france, on...

à écrit le 03/07/2014 à 8:29
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Dans notre langue c'est Pekin... Donc on ne donne pas de leçon quand on est analphabete...

le 03/07/2014 à 8:38
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Alors peut-être plutôt Pékin, avec un "é", à moins d'être analphabète, avec un "è" ? :) Pour le fond, je vous renvoie à l'échange plus bas.

à écrit le 03/07/2014 à 7:40
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En français, on dit Pékin.

à écrit le 02/07/2014 à 18:48
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IL SERAS INTERESSANT DE VOIR CE QUE VA FAIRE LA CHINE? DEVANT LA MEMACE ISLAMIQUE ???

le 03/07/2014 à 0:12
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Et devant la menace des vieux c, on va faire quoi en france, il ne nous reste plus que ça, des vieux c.

le 04/07/2014 à 17:25
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HUMOUR? LE SOLEIL LEVANT SERAS TOUJOUR PLUS FORT QUE LE DERNIER CROISANT DE LUNE???

le 03/08/2014 à 16:40
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le soleil levant c'est toujours l'asie

à écrit le 02/07/2014 à 17:12
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En français, on parle de Pekin - et non Beijing, comme on parle de Londres - et non London, ou de Moscou - et non Moskva....

le 02/07/2014 à 18:44
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Désolé, mais depuis 1979 le pinyin est reconnu par l'ISO comme le système de romanisation du chinois. Pekin, comme Peking outre-Manche, renvoie au siècle dernier, et Beijing est bien la capitale de la Chine :).

le 02/07/2014 à 22:50
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Non, M. Dufour, ce n'est pas l'ISO qui fait la norme dans la langue française, c'est l'Académie Française, et c'est surtout l'usage courant, reconnu dans le Larousse et le Robert. Et donc, on dit Pékin, Londres, Rome, Venise, Copenhague, La Nouvelle ...

le 02/07/2014 à 23:47
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et oui le sanglier n'est pas si malin lol

le 03/07/2014 à 0:34
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En franchouillard on ne parle aucune langue étrangère et on francise tout ce qui semble étranger pour s'approprier l'originalité malgré sa médiocrité... ça c'est avant!

le 03/07/2014 à 6:30
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À Indigo : Académie française et non Académie Française. Les majuscules ont aussi leurs règles en français. A vouloir corriger les autres, autant le faire jusqu'au bout.

le 03/07/2014 à 6:43
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@Indigo : désolé pour votre conclusion, mais je ne suis pas parisien :) ... Et ma position est dictée par le fait que "Beijing" est compréhensible pour un Chinois, "Pekin" non.

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