L'Europe en signal fort, très fort !

Par Philippe Cahen  |   |  469  mots
Les événements d'Ukraine sont une occasion unique pour l'Europe de prouver son identité.

On ne peut pas dire que l'UE ait saisi la balle au bond. Créée pour qu'il n'y ait plus de conflits européens, l'Union est une structure démocratique étouffée par l'absence de moyens de décision rapide. Comme en 1995 dans l'ex-Yougoslavie, l'Union a besoin de l'intervention des États-Unis comme leader régional.

Or, ce qui se passe est typique des signaux faibles : personne n'a vu venir un potentiel conflit militaire direct entre la Russie et un pays du continent européen. Pourtant, à l'été 2008, les bruits de bottes en Abkhazie et en Ossétie du Sud étaient un signal fort de la revendication russe de domination sur des territoires à dominante de peuplement russe.

Typiquement, un signal faible doit être en position d'éveil et non de veille : quels sont les territoires à dominante de population russe ? Liste faite (est de l'Ukraine, Transnistrie, Moldavie, pays Baltes, voire Odessa), se préparer à réagir est le propre de la méthode des signaux faibles.

Ce mois de mars, la Russie a donc « capturé » la Crimée en s'appuyant sur un référendum dont le choix était : « Êtes-vous pour les Russes ou pour les Russes ? »

Le résultat stalinien (96 % de « oui ») a été soutenu par les protostaliniens hors de Russie, y compris français, laissant entendre des opinions (les opposants sont nécessairement des nazis soutenus par l'étranger), que l'on croyait définitivement oubliées avec la chute de l'URSS...

Pour éviter une confrontation armée, l'arme économique est là. Le point faible russe est l'énergie, qui lui apporte le tiers du PIB fédéral. Chaque pays européen a une autre politique énergétique. Limiter l'importation de pétrole et de gaz russes ne peut se faire qu'en important du gaz de schiste et du charbon américain, en augmentant l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables. Ce processus est très lent. Autant dire que l'Europe en est loin, et la France très loin.

L'Allemagne, la France, la Pologne, etc., ont des comportements environnementaux contradictoires et opposés. Reste que l'Europe doit d'urgence répondre à la Russie, car derrière elle c'est la Chine qui observe le comportement occidental, et les pays riverains de la mer de Chine, dont le Japon et la Corée, sont plus qu'inquiets. Le monde serait-il au bord d'une troisième confrontation ?

Il ne faut pas le souhaiter. Mais les signaux faibles conduisent à des scénarios dynamiques très noirs, des scénarios haïssables. En les préparant, on évite cette confrontation. Signal fort pour l'Europe, très fort. Je repars en plongée. Rendez-vous la semaine prochaine... pour démontrer l'inverse.

Je repars en plongée.

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L'ouvrage le plus récent de Philippe Cahen :
Les Secrets de la prospective par les signaux faibles, Éditions Kawa, 2013.