En cette rentrée, voici trois exemples de signaux faibles, caricaturaux de l'inaction. L'OCDE confirme que depuis une quinzaine d'années l'enseignement scolaire s'enfonce en France. Le pays dégringole dans les classements et corrélativement grimpe dans l'exclusion et le chômage des jeunes. Et l'on ne parle que de rythmes scolaires...

France Stratégie constate que le coût du travail grimpe en France depuis une quinzaine d'années. Elle prend l'exemple du prix de l'immobilier en hausse vive, qui pousse les salaires à croître et nuit à la compétitivité française. Rien n'est fait pour élargir l'offre de logements et donc baisser leur prix.

Au contraire, des mesures de toutes sortes freinent la construction et contribuent à la hausse des loyers. Cela fait une quinzaine d'années que Netflix a lancé son site Internet, et au moins cinq ans que l'on sait qu'il se développera en Europe. Ce n'est que très récemment (avec notamment le rapport ParisTech de ce mois) que l'on songe à réinventer le financement du cinéma français - menacé d'effondrement - construit sur un ancien modèle économique. Mais la polémique remonte à décembre 2012, lancée par la tribune de Vincent Maraval sur les revenus excessifs de certaines stars.

Ces trois exemples concernent trois domaines protégés par l'État (enseignement, coût du travail) et par l'exception française (cinéma). On ne peut pas dire que ces domaines ignorent ce qui les attend. Des signaux faibles réguliers sont émis depuis une quinzaine d'années.

Aujourd'hui, ce sont des signaux forts, des signaux violents. Dans ces domaines protégés, ces signaux inspirent des rapports, des commissions, des comités qui recommencent tous par faire un constat coûteux, laissant peu de temps et de budget à l'action. Dans le domaine marchand, les signaux faibles inspirent réflexion et action, car la survie de l'entreprise en jeu. Pas pour l'État.

L'État et les politiciens sont-ils sourds ou aveugles aux signaux faibles ? Les deux.

Ou plutôt disons que si la France était une île, isolée du reste du monde, ils ne seraient ni sourds ni aveugles. Mais nous ne sommes pas la Corée du Nord. Nous vendons nos savoirs et talents et achetons ce que nous ne savons pas faire ou ne voulons plus fabriquer. Imaginons un instant un Chinois, un Mexicain, un indonésien à la tête de la France. Que diraient-ils ? Qu'il y a un trésor à saisir, qu'il suffit de suivre les signaux faibles émis, délester un peu le pays et donner une vision. De l'or sous les signaux faibles.

Je repars en plongée.

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L'ouvrage le plus récent de Philippe Cahen :
Les Secrets de la prospective par les signaux faibles, Éditions Kawa, 2013.