Médecine : du signal faible au signal cher

Par Philippe Cahen  |   |  409  mots
Dans La Tribune du 10 janvier, je rappelais mon signal faible de 2009 : il ne faudra pas être malade en France entre 2015 et 2025. Je détaillais trois erreurs essentielles de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques) du ministère de la Santé : sous-estimation de la féminisation, du salariat et des nouvelles pratiques des jeunes médecins se regroupant. Il faut 9000 à 10000 nouveaux médecins par an, et non 7 400.

En janvier, j'émettais l'hypothèse d'un paradoxe fort : l'opportunité unique de développement de la télémédecine. La télémédecine réussit ponctuellement - à Troyes autour du centre hospitalier, dans le Var avec une cabine de télédiagnostic - et la France a été initiatrice de cette révolution en 2010.

Mais elle l'étouffe par la réglementation, dont les ARS sont le bras armé, dans une logique prénumérique. Il paraît que la télémédecine prend son envol, on espérerait plutôt qu'elle vole.

La télémédecine devrait faire économiser de l'argent

Le rapport Lemoine remis en novembre propose une quinzaine de mesures pour la transformation numérique de la santé, comme le parcours 100 % numérique : rendez-vous, ordonnance, paiement, résultats d'analyses. Eh oui ! ce n'est pas encore le cas... Selon le rapport, en France, entre 925 euros et 12 035 euros par patient et par an pourraient être économisés par le seul déploiement de la télémédecine sur le diabète, l'insuffisance cardiaque, l'insuffisance rénale et l'hypertension artérielle.

Le cabinet Jalma a rendu en novembre une étude concluant que « le vrai problème de l'accès aux soins, ce ne sont pas les dépassements d'honoraires mais le temps d'attente ». En deux ans, les délais d'attente pour un rendez-vous se sont allongés de manière significative chez les spécialistes comme chez les généralistes. Or l'allongement des délais coûte cher, le patient va aux urgences de l'hôpital et consulte pour plusieurs centaines d'euros contre quelques dizaines chez le médecin de ville.

Dès lors, on comprend que le signal faible de 2009 devient un signal cher en 2014.

Et ce n'est pas fini !

En septembre, les projections de la CARMF ont confirmé que l'embellie serait pour 2025.

En attendant, les médecins cherchent à améliorer leurs revenus, dont la consultation de base est faible, en se spécialisant dans une médecine plus lucrative, tandis qu'un quart des nouveaux médecins viennent de l'étranger et que les médecins retraités actifs sont passés de 2 750 en 2007 à près de 13 000 en 2014. Il paraît que Marisol Touraine va améliorer tout cela en généralisant le tiers payant. Signal fort !

Je repars en plongée.

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L'ouvrage le plus récent de Philippe Cahen :
Les Secrets de la prospective par les signaux faibles, Éditions Kawa, 2013.