Produire local ? Produire mondial ?

Par Philippe Cahen  |   |  410  mots
La décision de E.ON, l'un des leaders allemands de l'énergie, de séparer ses centrales conventionnelles (nucléaire, charbon et gaz) des énergies renouvelables (avec les réseaux et les services) est un pari que tous les concurrents observent avec prudence.

E.ON joue sur deux tableaux. D'une part, il anticipe un avenir où les énergies centralisées, produites par de grosses centrales, seraient moins performantes que les énergies décentralisées, produites par de petites centrales. D'autre part, E.ON veut se séparer des énergies contestées pour danger potentiel (le nucléaire) et pour pollution (le charbon et le gaz) sachant que les coûts et charges écologiques seront de plus en plus élevés.

Restons sur le premier argument, produire propre et local. Envisager l'énergie de l'avenir sous cet angle, c'est inventer un nouveau système fondé sur la proximité de production et de consommation. La plus petite centrale pourrait être l'hydrolienne dans un flux d'eau, un ruisseau, une canalisation.

La plus petite centrale solaire est la rue qui récupère la chaleur solaire, la chaleur des véhicules au stop ou au feu tricolore. C'est aussi l'immeuble à énergie positive, les sols à forte fréquentation comme les halls de gare ou les écoles maternelles.

La géothermie, avec le risque d'un forage moins producteur que prévu, est aussi à sa manière une énergie locale.

Imaginer l'énergie dans sa proximité de consommation inverse la logique des grosses centrales et de leurs réseaux de distribution massifs. À juste titre, E.ON regroupe les énergies renouvelables, les réseaux et les services. C'est dans ces deux derniers aspects que se cache l'intelligence du système. Comment utiliser au mieux moins d'énergie est la règle de l'avenir.

E.ON n'est pas une exception

La sidérurgie, l'agroalimentaire, la pharmacie, les moyens de transport, etc., sont dans cette logique. Si aujourd'hui les usines sont mondiales, chacun cherche le moyen de produire au plus près, au plus juste, au plus personnel. La production locale favorise l'emploi local, limite la pollution, est plus réactive, et finalement sera moins chère.

Certes, il s'agit d'une vision à trente ans, à l'horizon 2050. Cela paraît lointain ?

Les hyper-usines, comme celles de Foxconn ou celles qui nous envoient les découpes de poulets surgelés du Brésil, ne vont peut-être pas disparaître, mais elles ne répondront plus aux exigences des consommateurs locaux.

E.ON est tout simplement en avance sur l'industrie, l'emploi et l'environnement de 2050. Mais d'ici là, de nouvelles attentes auront émergé.

Je repars en plongée.

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L'ouvrage le plus récent de Philippe Cahen :
Les Secrets de la prospective par les signaux faibles, Éditions Kawa, 2013.