L'« alya », un signal faible ?

Par Philippe Cahen  |   |  366  mots
En 2014, plus de 7 000 Juifs auraient fait leur « alya » : ils auraient émigré en Israël. Ce chiffre est spectaculaire. Il était de 2 000 à 3 000 depuis de nombreuses années. L'explication couramment admise est la montée de l'antisémitisme. Entre 2013 et 2014, les actes antisémites ont doublé, passant, selon les données du ministère de l'Intérieur, de 423 actes à 851, soit 51 % des actes racistes commis en France, alors que les Juifs ne représentent que 1 % de la population.

Le gouvernement a pris, depuis le carnage du 9 janvier, des dispositions particulières de protection.

En 2002, à la veille du second tour de la présidentielle opposant Chirac et Le Pen, Soheib Bencheikh, alors grand mufti de Marseille, devant 10 000 personnes rassemblées face au Panthéon avait dit : « les Juifs sont un baromètre des nations, s'ils vont mal, la nation va mal ».

La notion de baromètre est pertinente

Les Juifs ont fui l'antisémitisme d'État : la Russie des pogroms puis l'Union Soviétique antisémite (quand cela leur fut possible), l'Allemagne nazie. Les Juifs ont aussi migré comme d'autres vers des régions ou des pays porteurs d'espoir économique et d'amélioration de qualité de vie. Les États-Unis ont attiré les Irlandais de la famine des pommes de terre (1846-1851), des Italiens, des Russes, des Juifs, des Mexicains, aujourd'hui des Chinois, des Coréens... Et New York ou Los Angeles attirent plus d'immigrants que Detroit. En France, la population lorraine et picarde diminue, celle du Languedoc augmente. De fait, la communauté juive de Lorraine voit sa population baisser.

L'émigration n'est jamais un bon signal pour un pays. La France, si rigoureuse en matière de démographie, ne l'est pas lorsqu'il s'agit d'émigration, laissant les rumeurs se développer. À sa décharge, les informations ne sont pas toujours précises et les personnes concernées parfois en « échange », en « essai »... Si les exilés fiscaux ne sont pas nombreux (mais leurs actifs sont importants), la croissance des Français établis à l'étranger (de 1,5 à 2 millions de personnes) est de 3 à 4 % par an pour une population en croissance nationale de 0,5 % (2007 à 2012).

Beaucoup de jeunes diplômés tentent leur chance. Londres, la Silicon Valley, l'Australie, comme Israël - la « start-up nation » (1,5 milliard d'euros introduits en Bourse ou vendus en 2014 - attirent. Le baromètre « juif » indique la montée de l'antisémitisme mais aussi le manque de perspective. De ces deux indicateurs, La France aucun des deux. Le baromètre « juif » est un signal faible pour le pays dans son ensemble.

Je repars en plongée.

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L'ouvrage le plus récent de Philippe Cahen :
Les Secrets de la prospective par les signaux faibles, Éditions Kawa, 2013.