Publicité : la télévision a-t-elle encore un avenir ?

La télévision pensait avoir géré sa transition vers le web. Mais pour conserver son marché publicitaire, et donc ses principaux revenus, elle devra peut-être devenir... payante. Explications d'Etienne Gaillard, de l'agence marketing 1min30.
La télévision devrait bientôt prendre un congé sans solde. | REUTERS

La révolution annoncée tant de fois aura bien lieu : le château-fort "télévision" est à l'aube d'une nouvelle ère.  Ses remparts ont tenu bon mais la bataille s'est déplacée ailleurs. Les défenses vaillantes de cette industrie pourraient rapidement tomber en désuétude.

Les acteurs de cette industrie pensaient avoir mieux géré la transition "internet" en veillant à éviter toute spoliation contrairement à d'autres industries avant elle. Les acteurs du monde de la télévision ont même écouté les sirènes des technologues, promettant des « disruptions majeures » à coup d'acronymes plus barbares les uns que les autres. Or la technologie n'est rien à l'échelle des changements qui s'annoncent : comme un exode, les usages ont si fondamentalement changé que les protagonistes se sont déplacés ailleurs, changeant l'équilibre de tout le système. 

 

Migrer vers des terres plus fertiles

Bien sûr, tous les acteurs de la télévision ne sont pas touchés de la même façon. Certains se retrouvent renforcés : la question pour eux est de tirer parti de cette migration et faire face à une nouvelle concurrence. D'autres au contraire doivent abandonner leurs châteaux forts pour conquérir des terres plus fertiles ...et convoitées. 

Le nerf de la guerre c'est évidemment le financement de l'industrie, et Internet a fini par l'affecter d'une façon assez inattendue, beaucoup moins directe qu'on l'avait imaginé. En simplifiant, il existe deux modèles de financement de la télévision : la télévision dite « gratuite », c'est à dire financée par la pub, et la télévision dite « payante », c'est à dire financée par des revenus directement collectés auprès des abonnés (TF1 et Canal+...).

 

Augmenter la valeur de leur monnaie d'échange

Le schéma économique de ces deux modèles repose sur deux notions fondamentales :

  • Côté télévision gratuite, les vrais clients sont les annonceurs qui cherchent de façon ultime à vendre des biens et services. La télévision gratuite leur fournit un « support » pour relayer leur message. Leur message est d'autant plus efficace qu'il est entendu par le plus grand nombre, soit par l'audience la plus large possible (la notion de cible importe également). Ce qui importe pour les acteurs de la télévision gratuite c'est donc d'agréger des audiences susceptibles d'attirer de multiples annonceurs de façons à créer une concurrence entre ces annonceurs pour augmenter la valeur de leur monnaie d'échange : le fameux « temps de cerveau disponible ».
  • Côté télévision payante, dans la mesure ou la matière audiovisuelle est ce qui est directement payé par le consommateur, la notion fondamentale c'est la « valeur perçue » : faire en sorte qu'un abonné « en ait eu pour son argent » à chaque échéance de paiement. C'est une notion très composite : un film, une série, ou un match de mon équipe favorite peut affecter cette valeur perçue. La façon dont je délivre les contenus peut également affecter cette valeur perçue : même  si je suis frustré de ne pas voir tous les épisodes d'une série d'un seul trait, ma frustration d'origine fait partie du plaisir final lorsqu'enfin le diffuseur programme un nouvel épisode. La gestion de cette notion, des mécanismes de « privation » puis de «  délivrance » c'est le principe même de la gestion d'une offre payante (pervers, mais très efficace : demandez à Manuel Alduy) - ceci d'autant plus quand votre préoccupation est la stricte optimisation du rapport entre investissement dans les contenus et valeur perçue.

 

Certain argumenteront que la télévision « payée par les contribuables » est un autre modèle, mais je la considérerai ici comme un cas particulier de télévision gratuite (car il semble que ce soit bien les standards qui lui sont appliqués). 

Or, ces deux modèles sont affectés par une notion fondamentale qui n'a réellement émergé que récemment : la connectivité. La « voie de retour ». Au delà des moyens techniques, c'est une veritable nouvelle donne pour l'industrie. 

 

Un changement bénéfique à la télé payante ?

Commençons par la télévision payante. A priori c'est un phénomène positif pour elle, pour autant qu'elle sache en tirer parti et qu'elle s'adapte à la vitesse nécessaire. Pour elle, tous les moyens techniques qui permettent d'une part d'en savoir plus sur les consommations unitaires (qui permet de connaître intimement les raisons pour lesquelles vous payez un abonnement), et d'autre part l'amélioration de l'accessibilité aux contenus en eux-même sont des facteurs a priori positifs sur la manipulation de la « valeur perçue »...

A priori seulement, car en même temps les usages et les comportements d'appréciation de valeur évoluent aussi : il est bien plus difficile de satisfaire des enfants gâtés comme chacun le sait. Pour contrebalancer cela, la déroute de la télévision dite « gratuite » précipite les détenteurs de contenu du coté des télévisions payantes, créant une spirale globalement positive. Enfin, les contenus de la télévision payante se vendent « pour eux-mêmes », et sont donc l'objet de la transaction entre opérateur et abonné... Et la connectivité renforce - pour ceux qui savent en tirer parti - la nature transactionnelle des offres de télévision à péage. 

Pour la télévision gratuite c'est beaucoup moins trivial. Car la connectivité porte avec elle une évolution bien plus fondamentale qui va totalement changer notre paysage audiovisuel. 


Conduire à la transaction

Cette révolution, c'est un retour aux sources des besoins de ceux qui payent : les annonceurs. Un besoin trivial et direct : vendre. Or la connectivité apporte une notion fondamentale : on peut savoir quand une transaction a eu lieu ou non. Si la télévision gratuite s'est développée sans ce souci, c'est qu'elle s'était extraite de ce rapport direct du fait de ses limitations initiales. Dans le « parcours client type », décrit en marketing comme le modèle « A.I.D.A » (Awareness, Interest, Desire, Action), la télévision s'était arrogé la part du lion de « Awareness » : le moyen « faire connaître une offre ».

D'autres canaux devaient supporter les autres interactions, pour conduire à la transaction ultime - ceci ne voulant pas dire que la valorisation de la transaction n'était pas reliée à la télé, mais qu'elle l'était d'une façon distante... Mais les annonceurs attendent désormais un accompagnement des medias qui les supportent vers le graal ultime : l'action, la transaction en elle même - après tout elles ont elles-mêmes la capacité d'exposer seules leurs offres (cf articles Red bull suivants). La clé ce n'est plus l'Awareness seule, mais le parcours dans son ensemble, jusqu'à la transaction.


La fin du clivage payant - gratuit ?

Parce que, si vous êtes un éditeur de télévision aujourd'hui vous ne pouvez plus être une simple vitrine. Ce qui crée de la valeur pour les annonceurs c'est d'être une boutique. Or si votre objectif change, la nature de votre offre peut-elle rester la même ? La télévision gratuite et la télévision payante vont changer, et leur proximité va probablement s'amenuiser : 

  •  La télévision payante est par nature transactionnelle : ce quelle vend c'est bien le contenu en lui même. Ce qui crée la valeur c'est l'histoire, la qualité de l'émotion, et au final l'envie d'en voir plus. 
  • Pour la télévision gratuite, « l'histoire » n'était là que pour sous-tendre une interruption.  

Or cette « suspension », ce principe fondamental qui a fait la télévision gratuite, est devenu le problème. Le problème c'est que lorsque que vous regardez la TV, vous êtes engagés avec la narration, avec l'histoire qui vous est raconté. Cette manipulation intellectuelle a été la garantie pendant des années que vous resteriez devant les écrans de pubs : engagés avec l'histoire, et ne sachant pas combien de temps allait durer la suspension, vous étiez « disponibles ». Mais cette formidable arme a un revers : c'est avec l'histoire que vous êtes « engagé » lorsque vous regardez la télévision, et non avec la marque qui vous propose son produit. Ainsi, votre attention vis a vis des marques est passive. 30 ans de « télévision interactive » l'ont prouvé : vous êtes engagés avec la narration  et non avec l'annonceur...C'est ce principe qui va voler en éclat dans les années à venir, transformant drastiquement la télévision gratuite. 

 

Des formats en mutation 

Le mandat des télévisions gratuites changeant, elles devront s'adapter : devenir payantes, ou devenir des machines à vendre. Or pour devenir des machines à vendre, elle doivent réévaluer le potentiel de leur programmation : quels sont les programmes qui recèlent le plus de « capacité à convertir » ? Quels sont les formats à mettre au point pour permettre ces transactions ? 

Voici trois prédictions (amusantes) :

  • Le premier enjeu sera de permettre aux téléspectateurs d'interagir avec les propositions de l'annonceur : pour cela il faudra « de-stresser » le téléspectateur de la « peur » de rater la reprise du programme. Des moyens techniques pourront le permettre, tels que la mise à disposition des programmes à la demande ( à condition d'être beaucoup mieux intégré qu'aujourd'hui), mais aussi des logiques de formats, telle que la multiplication des interruptions de durées connues : partitionner un match de foot en quatre au lieu de deux parties offrirait bien plus de potentiel qu'une seule interruption d'un quart d'heure ;
  • Le second enjeu sera de multiplier les sollicitations, et surtout se poser la question du pouvoir transactionnel des programmes eux-mêmes. Verrons-nous un inversement de la pyramide de valeur des programmes ? Sous l'angle de la capacité à générer des transactions le cinéma est limité (du fait d'un engagement premier avec la narration en elle même), le sport moins, mais les documentaires, magazines et canaux d'info - aujourd'hui parents pauvres de la télévision - seront-ils les formats ultime de la télévison gratuite du future ? De façon incroyable, probablement ! (voir l'ambition de Twitter a ce sujet)
  •  Le dernier enjeu est réglementaire, mais il ne s'applique qu'à ceux qui luttent dans leurs châteaux forts depuis leurs remparts... Les plaines sont vierges, elles.


... A quelle échéance ? 

Il suffit de voir les débats de l'industrie des agences de communication (voir le canal youtube de Cannes Lions), l'appétit des Google et Twitter, l'ambition des Bolloré... et surtout les usages se déplacer : cette révolution est différente. C'est un tsunami.

 

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Commentaires 15
à écrit le 19/07/2014 à 15:30
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C'est juste moi ou on paye déjà de manière globale et obligatoire pour une TV "gratuite" blindée de pub où on nous impose en plus des propagandes socio-politico-economique ? (Sous le prétexte qu'on dispose d'un écran (potentiellement seulement relié ...

à écrit le 11/07/2014 à 19:27
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Ils ont juste a investir dans la diffusion de films récents. Attendre plus de 4 ans pour les voir, ils sont dépassé. Si les chaînes investissait, les citoyens regarderais plus leur TV et les pub se battraient pour diffusées du coup ils pourraient aug...

à écrit le 11/07/2014 à 14:28
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Trop de chaînes TNT nulles. Les réduire permettrait de regrouper la pub pour des chaînes de meilleure qualité avec un cahier des charges strict. Par exemple BFM TV et I TELE ne sont pas des châines d'info mais de sport et sont nulles en matière d'inf...

à écrit le 11/07/2014 à 5:49
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Reponse : non Pourquoi ? Très simple ... Regardez les jeunes , ils s en fichent de la television aujourd hui Et quand ils regardent la tele c est pour voir des debilla ou des chanteurs fabriques tout en envoyant des textos et en regardant leur Fa...

le 11/07/2014 à 11:53
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C'est bien vu en effet.

à écrit le 10/07/2014 à 12:27
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Pas la télé mais le Minitel a encore des beaux jours devant lui. C'est la France qui gagne !

à écrit le 10/07/2014 à 0:18
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Un programme de pubs non sollicité ne présente aucun intérêt pour celui qui la reçoit.

à écrit le 09/07/2014 à 15:17
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Texte et raisonnements artificieux, fabriqués. Peu de culture des médias et des cibles. Passons notre chemin.

à écrit le 09/07/2014 à 15:04
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Grâce à ce petit appareil ingénieux, ça fait plus de 10 ans que je n'ai pas vu ni entendu une pub en entier ! Essayez, c'est magique !

à écrit le 09/07/2014 à 14:58
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Marre de la pub à répétition toutes les dix minutes plus de pub que de film

à écrit le 09/07/2014 à 14:49
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on peut effectivement se poser des questions sur le contenu du document compte tenu de sa forme et douter du sérieux du contenu... il y a "à boire et à manger " dans ce document, comme toujours. les système internet est une révolution qui apporte du...

à écrit le 09/07/2014 à 14:42
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se prendre 6 à 8 min de pub c'est insupportable à longueur de journée si vous regarder des serie televisée quand il diffuse 3 episode on a droit à 6 coupure de 6,5 min soit 39m pour une durée des episode de seulement 2h . De plus on paye une redevan...

le 16/07/2014 à 4:42
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La loi pour toutes les chaines limite la pub a 12 min par heure. Ce que vous mentionnez est impossible sur les chaines francaises. Ou une impression personnelle, fondée sur aucune realité mesurée...

à écrit le 09/07/2014 à 10:14
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Que de fautes d'orthographes !!! et ça se dit journaliste ! Ca décrédibilise complètement le contenu de l'article et qu'est ce que ça fait mal aux yeux !!!

à écrit le 09/07/2014 à 9:08
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Pas la peine de produire un argumentaire de 12 pages : la réponse est NON !

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