L'édito de La Tribune : madame Michu et la Bourse

Par François Lenglet  |   |  363  mots
Par François Lenglet, rédacteur en chef de La Tribune.

Madame Michu, inlassable commentatrice de l'actualité et experte en lieux communs, s'intéresse désormais à la finance. General Motors au plus bas depuis 70 ans ? La bourse est folle. Le cours de Citibank divisé par dix en quinze mois ? Les marchés financiers ont perdu la tête. Le Cac qui craque le matin pour s'enfiévrer l'après-midi ? Le Dow qui ziguezague, le Nasdaq qui bat la breloque ? Les boursiers, vous dis-je. Voici bien la preuve qu'ils ne sont plus déterminés par la réalité des entreprises, mais par leurs propres démons. Nombre de politiques et de chefs d'entreprise tiennent aujourd'hui ce discours, inspirés par notre ménagère intarissable. Les mêmes célébraient hier la clairvoyance des marchés, lorsque les indices et leur stock-options s'orientaient invariablement à la hausse. Les jugements sur la bourse sont aussi volatils que le cours d'une banque en déconfiture financière.

L'extraordinaire volatilité des marchés ne s'explique évidemment pas par un accès de démence collective. Elle tient à l'impossibilité de faire un prix dans un environnement aussi turbulent que le nôtre. Quelle est la valeur d'un constructeur automobile lorsque ses ventes chutent de 40%, qu'une récession inhabituelle et une crise du crédit menacent ? Pas un comptable, pas un économiste, pas un industriel ne peut répondre à cette question. Seules deux institutions ont toujours un avis sur tout, la bourse et madame Michu. La première répond de façon confuse ou contradictoire. Mais, si la seconde est plus tranchée, elle n'est pas pour autant plus fiable.

Les marchés ne font jamais que refléter, par leur comportement imprévisible, nos errances intellectuelles face à cette crise financière sans précédent de mémoire d'homme. Comment leur demander d'être constants alors que les spécialistes de l'économie, les patrons, les hommes politiques, les journalistes, se contredisent eux-mêmes, à la recherche qu'ils sont de clés pour comprendre ? « Quand les faits changent, je change d'avis » avait coutume de dire John Maynard Keynes. N'en voulons pas à la bourse d'être keynésienne, surtout en ces temps où l'économiste britannique revient à la mode.