Le nouveau mur de Berlin

Le plus fort de la crise économique et financière n'est probablement pas derrière nous contrairement aux récentes déclarations de François Hollande mais la situation s'est indéniablement beaucoup apaisée depuis la résolution de la crise de la dette à Chypre. Les marchés financiers accumulent les plus hauts et les devises à risque connaissent de bonnes performances depuis plusieurs semaines. Tout cela, malgré les craintes de ralentissement économique outre-Atlantique et les chiffres décevants pour le Vieux-Continent, et notamment la France.

Il serait présomptueux de croire que le retour à la croissance est pour demain. Comme l'a affirmé le stratégiste en chef de la Bank of America, Michael Harnett, l'accalmie actuelle cache en fait la formation d'un "nouveau mur de Berlin" non seulement en Europe mais aussi aux Etats-Unis.

Dans une démonstration assez peu conventionnelle, il a mis en lumière le grand écart qui prend forme et qui risque durablement de changer le monde économique et financier.

Dans une note de recherche, graphiques à l'appui, Michael Harnett a mis en lumière que les actifs allemands (essentiellement les obligations et les actions de la bourse de Francfort) n'ont jamais connu d'aussi bonnes performances depuis que le taux de chômage des jeunes dans les pays périphériques a atteint des sommets. La comparaison est certes hasardeuse: le rendement des actifs financiers est difficilement comparable au taux de chômage des moins de 25 ans.

Toutefois, on peut constater une certaine corrélation qui s'explique en finance par ce qu'on appelle la fuite vers la qualité. Le taux de chômage inquiétant des jeunes dans les pays périphériques est révélateur d'une situation économique qui s'empire. A l'inverse, l'Allemagne, malgré ses défis structurels, peut se targuer d'une économie parmi les plus saines de l'Europe. De fait, les investisseurs placent leur argent en lieu sûr, sur les actifs allemands, ce qui constitue une fuite vers la qualité, même lorsque le taux de rendement peut s'avérer plus faible que sur d'autres actifs, comme c'est le cas avec les obligations étatiques outre-Rhin.

Un phénomène similaire est observable outre-Atlantique: alors que le taux de chômage de Main Street reste à des niveaux élevés, Wall Street affiche des plus hauts historiques, avec notamment d'excellentes performances pour les actions. Ce mouvement ne peut pas être expliqué par la fuite vers la qualité mais certainement plus par les mesures conventionnelles de la banque centrale américaine qui, avant d'avoir un effet positif sur l'économie réelle, sont centrées sur les marchés financiers. L'abondance de liquidités de la part de la FED et la croyance parmi les investisseurs que la banque centrale va maintenir sa politique accommodante pendant encore de longues années, avec notamment un taux proche de zéro, ont permis au Nasdaq, au Dow Jones et aux autres indices américains de connaître une véritable période d'embellie.

Ce nouveau mur de Berlin a de grandes chances malheureusement de perdurer longtemps avec, d'un côté, une dichotomie croissante entre la sphère réelle et la sphère financière, en dépit des engagements pris par les responsables politiques depuis 2008, et de l'autre la fracture de l'Europe entre une économie en bonne santé et de plus en plus hégémonique, l'Allemagne, et les autres qui risque d'entraver la construction européenne dans les années à venir.
 

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