Le facteur humain, clé d'une restructuration réussie

Chaque semaine, découvrez les chroniques sur la vie au bureau réalisée par Sophie Peters. Anecdotes, conseils, expériences : pour sourire mais aussi mieux se sentir dans son job.

 

À la bonne heure » disait mon grand-père quand quelque chose de positif finissait par arriver. Voilà l'expression qui m'est venue à la lecture d'un rapport émanant d'un comité d'experts (le Hires) de la DG Emploi de la Commission européenne, intitulé « La santé dans les restructurations?: approches innovantes et recommandations de principe ». Oui, à la bonne heure?! Parce qu'au moment où nous devons reconsidérer nos modèles de croissance, au moment où la mort frappe l'entreprise, ce document, élaboré cet été, vient éclairer d'un jour nouveau les changements organisationnels incessants de ces dernières années. Que vingt-cinq scientifiques aient étudié l'impact des décisions prises en comité de direction sur des bataillons entiers de salariés, impacts physique et psychologique, voilà qui est totalement inédit. Leurs conclusions sont édifiantes. On s'en doutait, mais on ne l'avait pas encore vu écrit noir sur blanc par d'éminents spécialistes. 60 % à 75 % des restructurations se traduisent par un échec imputable non pas à la stratégie, mais à la dimension humaine. Ne pas comprendre que chaque salarié montre des réactions différentes vis-à-vis du changement est une grave erreur. En période de restructuration, le processus tourne vite à la guerre sociale. Chacun élabore une stratégie, construit des alliances de pouvoir, prépare des tactiques, trouve des boucs émissaires? C'est une lutte, avec « ses commandants et ses soldats qui savent rarement pour qui et avec qui ils luttent. Parfois ils ne sont pas conscients de la guerre dans laquelle ils sont impliqués ». Et ces experts de regretter que ces phénomènes ne soient guère pris en compte « alors qu'ils jouent un rôle essentiel » et pénalisent le bon fonctionnement de l'entreprise aussi sûrement qu'ils détruisent l'estime de soi des salariés et perturbent leur stabilité émotionnelle. Car si les « congédiés » développent souvent des maladies après leur départ, les « rescapés » présentent aussi souvent le syndrome du survivant, bien connu des psys. Au Royaume-Uni, une étude révèle que 70 % des cadres supérieurs restés dans les entreprises touchées disent avoir ressenti une baisse de moral et de confiance. Il est aussi fait état d'abus de psychotropes et de problèmes cardio-vasculaires. Sans compter les effets désastreux sur la santé de l'encadrement intermédiaire chargé d'annoncer les mauvaises nouvelles.

 

 

 

 

place aux débats

 

 

 

 

Résultat?: anticiper les dommages psychosociaux et savoir ce qu'ils impliquent facilitent les processus de transition. Ces changements nécessaires à la compétitivité de l'entreprise doivent aussi être « supportés par la société tout entière [?] et non pas imputés aux individus personnellement touchés par ces changements », indique le rapport. « Il ne faut pas les considérer comme des victimes, mais comme des individus actifs capables de prendre leur avenir et leur situation en main. Sinon, ils ne se sentiront pas suffisamment encouragés pour saisir les opportunités qui s'offrent à eux. » Aux Pays-Bas, on a pu étudier que l'autonomie et un climat d'innovation atténuent l'épuisement émotionnel ressenti lors des restructurations. D'autres travaux prouvent à quel point les gens réagissent mieux, et même positivement, lorsque les décisions et les processus guidant les changements leur semblent équitables et que la direction adopte une attitude ouverte et honnête. Le manque de clarté augmentant la défiance et l'insécurité du personnel. Adieu donc à la langue de bois, mère de toutes les angoisses. Bienvenue à la transparence et au parler vrai. « Il faut toucher les salariés aussi bien sur le plan affectif qu'intellectuel et leur présenter des arguments convaincants qui les incitent à apporter leur adhésion au changement. Ainsi l'on aide les salariés à se concentrer sur le futur plutôt que sur ce qui est perdu. » Adieu aussi aux discours fleuves et galvanisants. Place aux débats, à la réciprocité. Et ces experts, décidément très inspirés, de préconiser au sein des entreprises des lieux et des moments d'échanges, quand bien même on en viendrait à se dire des choses désagréables. La vraie vie quoi.

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