L'instrument d'une meilleure gouvernance économique ?

Jacques Mistral, directeur des études économiques, à l'Institut français des relations internationales (Ifri)
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Face à la crise la plus grave depuis 1929, les gouvernements ont bien retenu les leçons de l'entre-deux-guerres. Le plus important est le climat de coopération internationale qui a présidé à la définition de politiques coordonnées et à la constitution d'un nouveau forum pour traiter des affaires du monde, le G20. De Washington en novembre 2008 à Séoul en 2010, ces sommets ont permis d'éviter la répétition de la Grande Dépression. Mais beaucoup reste à faire. Le G20 a été créé comme un instrument de gestion de crise, peut-il devenir un véritable comité de gouvernance mondiale ?

 

Les problèmes globaux ont-ils des solutions mondiales ?

Il ne faut certes pas accuser la mondialisation d'être la source de tous les maux, mais le sentiment s'est répandu qu'il fallait la rendre plus juste, plus efficace, plus démocratique. Des solutions radicales semblent s'imposer puisque « des problèmes mondiaux par leur nature ne peuvent avoir de solutions que mondiales ». Il peut alors être tentant d'amalgamer toutes les questions, l'emploi, le transfert de technologie, la finance, le climat, etc., et de les soumettre à un accord politique mondial. Les accords de Bretton Woods en 1944 ou de Marrakech en 1994 ont constitué de tels pas en avant ambitieux. Si l'on adopte une vision plus « réaliste » de la mondialisation, on ne voit malheureusement pas l'amorce d'une société politique mondiale, mais plutôt le retour des États, leurs crispations politiques, la pression des intérêts nationaux. Comme le dit un dicton américain : « Toute politique est locale. » C'est vrai aux États-Unis mais aussi en Europe et même en Chine. Et un monde multipolaire, c'est un monde plus instable car la voie d'une « meilleure gouvernance mondiale » est semée d'embûches et ses résultats sans doute limités à brève échéance.

 

Comment « gouverner » quand il n'y a pas de société politique ?

Dans ce contexte, le G20 a été une initiative audacieuse que certains ont moquée à tort. Mais depuis le sommet de Londres, il donne l'impression de piétiner. La réaction initiale était assez facile ; elle consistait, grosso modo, à ouvrir les vannes. Depuis, les choses sont devenues sensiblement plus compliquées. La crise des dettes souveraines marque une nouvelle étape de la crise financière, celle où les États sont en première ligne. Désormais, il est plus difficile de définir ce que sont les « bonnes » réponses à la crise : toute la gradation de choix politiques incompatibles a refait surface.

La présidence française du G20 a fait dès 2010 le pari qu'il était possible de « mieux gouverner la mondialisation » et elle a annoncé ses objectifs : la mise en oeuvre résolue des programmes précédemment décidés - la réforme financière, les paradis fiscaux, le développement - et le lancement de nouveaux chantiers ambitieux, la réforme du Système monétaire international, la régularisation des marchés de produits agricoles et de matières premières, un fonctionnement plus efficace et plus légitime de la procédure G20. La présidence française a agi avec adresse, par exemple en matière monétaire internationale, où une diplomatie économique très active, depuis l'été 2010, a permis certaines avancées. Reste maintenant la part de l'imprévu. Il y a un an, le sommet de Séoul, soigneusement préparé par les Coréens, avait failli dérailler avec fracas parce que le changement de politique monétaire américaine, le QE II, avait été perçu par beaucoup comme l'ouverture de la « guerre des monnaies ». Aujourd'hui, malgré tous les préparatifs français, le climat économique et financier est dominé par deux interrogations : les Européens sont-ils en mesure de remettre de l'ordre dans leurs affaires ? Que faire pour redonner du tonus à une croissance qui semble avoir perdu toute vigueur depuis le printemps 2011 ? C'est à ces deux questions qu'il faut répondre d'urgence pour que le sommet du G20 puisse également, dans une perspective de moyen terme, progresser dans la direction d'une « meilleure gouvernance économique mondiale ».

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