Fillon choisit la rigueur comme levier des réformes d'ici à 2012

Le chef du gouvernement a obtenu sans surprise la confiance de sa majorité à l'Assemblée pour « tenir le cap » de la fin du quinquennat.
Copyright Reuters

Contre vents et marées, dans le calme et la tempête, contre les conservatismes et pour vaincre les peurs, l'élan de la réforme est intact. » Pour son deuxième discours de politique générale à l'Assemblée nationale, François Fillon a eu droit à une longue ovation debout des députés UMP. Contrairement à son baptême dans cet exercice, le 3 juillet 2007, le Premier ministre a évité cette fois l'écueil du long catalogue de mesures. Sans doute parce que Nicolas Sarkozy a donné sa feuille de route la semaine dernière.

Reconduit à Matignon il y a dix jours, c'est un Premier ministre pugnace sur la forme qui a affiché sa volonté de « tenir le cap » des réformes jusqu'à la fin du quinquennat. « Quand on sert l'intérêt général, on ne s'excuse pas de son courage, quand on sert l'intérêt général, l'impopularité d'un jour peut devenir l'estime du lendemain », a-t-il dit, en réponse au vent mauvais des sondages qui souffle sur le couple exécutif.

Conforté par le chef de l'État à la tête d'un « gouvernement d'action », François Fillon s'en est pris avec virulence à la gauche, et notamment au Parti socialiste, qui a entrepris la préparation de son projet pour la présidentielle de 2012. « J'invite l'opposition à méditer l'avertissement de Charles Péguy : ?Le triomphe de la démagogie est passager mais les ruines sont éternelles? », a lancé le Premier ministre.

Un message d'optimisme

S'il est souvent décrit comme un « père la rigueur » - il a d'ailleurs affirmé faire de la « vertu budgétaire » l'axe de sa politique-, François Fillon a aussi voulu délivrer un message d'optimisme économique pour les dix-huit mois qui séparent le chef de l'État et sa majorité de la prochaine élection présidentielle. « La bataille de la croissance commence, la reprise est amorcée », a-t-il martelé, replaçant l'action du gouvernement dans un cadre mondial : la France qui préside le G20 devra convaincre ses partenaires de la nécessité d'un monde mieux équilibré et mieux régulé.

« Notre première priorité, c'est la croissance au service de l'emploi », a poursuivi François Fillon, rappelant qu'il s'appuyait sur un renforcement de la compétitivité. Car, a-t-il souligné, « il n'y aura plus de dépenses publiques supplémentaires pour relancer la croissance ». Il a ajouté vouloir répondre à « la peur » de la jeunesse par un allégement du fardeau de la dette et par des mesures de lutte contre le chômage des jeunes. Le Premier ministre a aussi confirmé que seront menés les chantiers de la réforme fiscale, de la dépendance, de l'équilibre des comptes sociaux. Il a aussi parlé sécurité, réforme de la justice. « Depuis 2007, nous modernisons le modèle français. Je refuse toute idée d'usure ou de pause. (...) Renoncer, douter serait se parjurer devant l'histoire. Notre marche n'est pas finie », a conclu François Fillon. La « standing ovation » s'est traduite dans le vote. Les députés ont accordé leur confiance au gouvernement par 356 voix pour, et 226 voix contre.

 

Réformes:

Une priorité : se « libérer » des déficits

Il continue de soigner son image de champion de la rigueur budgétaire. Et « l'assume » totalement. François Fillon a réaffirmé mercredi devant l'Assemblée nationale son attachement à réduire les déficits publics. « Il faut nous libérer des déficits pour maintenir les taux d'intérêt à un niveau aussi bas que possible et retrouver des marges de manoeuvre », a déclaré le Premier ministre, réaffirmant ses espoirs en une croissance supérieure à 1,5 % en 2010, avec l'objectif d'atteindre les 2 % en 2011. « Avec une dette de 1.600 milliards d'euros, la France ne dispose pas de trésor caché pour se dispenser des efforts qu'elle doit encore accomplir pour maintenir son mode de vie », estime François Fillon. Elle doit par ailleurs avoir une « crédibilité économique et financière [...] aussi solide que celle de nos voisins qui ont pris dix années d'avance sur nous en termes de réformes ». D'où la nécessité de bâtir une politique économique qui tienne « l'équilibre » entre investissements en faveur des secteurs «stratégiques» et d'avenir et rigueur budgétaire.

Conséquence : « Nous ne devons pas nous payer de mots : il n'y aura plus de dépenses publiques supplémentaires pour relancer la croissance », a affirmé François Fillon, appelant État, régimes sociaux et collectivités territoriales à s'inscrire dans une « trajectoire vertueuse ». L'administration est-elle « la plus importante d'Europe » ? Il faut « gagner en qualité et en productivité », a lancé le Premier ministre.

L'effort de redressement des comptes publics est déjà tracé par la loi de programmation des finances publiques : 7,7 % du PIB en 2010, 6 % en 2011, 4,6 % en 2012, 3 % en 2013 et 2 % en 2014. Le Premier ministre a rappelé à cet égard l'intention du gouvernement d'inscrire dans la Constitution des « principes garantissant la maîtrise des finances publiques ». Et il a annoncé à cette occasion qu'il saisirait « prochainement » les groupes politiques d'un « document d'orientation, afin de voir si un consensus peut être atteint sur cette question ».


Impôts : à Fillon le rappel des principes, à Sarkozy les annonces

L'annonce est venue de là... où on ne l'attendait pas. Nicolas Sarkozy a exclu mercredi, devant des sénateurs UMP, la création d'une nouvelle tranche d'impôt sur les hauts revenus... alors même que, pendant ce temps, François Fillon se bornait à énumérer les grands principes de la réforme de la fiscalité du patrimoine et à confirmer qu'elle serait calée « avant l'été 2011 ». Les deux têtes de l'exécutif ne sont certes pas en contradiction : « Il n'y aura pas de hausse d'impôt », a déclaré le Premier ministre, suscitant les applaudissements nourris de sa majorité. La création d'une cinquième tranche de l'impôt sur le revenu aurait sans doute été interprétée en ce sens. Cette piste est pourtant défendue depuis longtemps par les sénateurs Jean Arthuis et Philippe Marini, mais aussi par le rapporteur général du Budget à l'Assemblée, l'UMP Gilles Carrez.

Mais en l'excluant, le gouvernement se retrouve privé d'une marge de manoeuvre appréciable pour sa réforme. Car François Fillon l'a répété mercredi : celle-ci doit se faire « à produit constant ». S'il supprime le paquet à 3 milliards d'euros « bouclier fiscal + ISF », le gouvernement devra trouver ailleurs des recettes fiscales de ce montant. Sauf si, finalement, il ne fait que relever le seuil d'imposition à l'ISF, une piste évoquée par François Baroin, le week-end dernier...

Pour le reste, la réforme devra « servir la compétitivité », « rechercher la justice » et « être lisible ». Et pour « renforcer la compétitivité » des entreprises, François Fillon a par ailleurs annoncé la création de deux fonds européens : l'un « de capital-risque en faveur des entreprises innovantes » et l'autre « des brevets pour valoriser les résultats de la recherche ».


Réformer la garde à vue

La réforme de la garde à vue, sujet sensible dans le monde patronal, reste une priorité du gouvernement. « La justice n'échappe pas aux mouvements du temps. Parmi ceux-ci, une conception toujours plus exigeante des droits de la défense qui amènera à revoir les conditions de la garde à vue », a déclaré François Fillon. Le Premier ministre a souligné la nécessité de faire de l'assistance de l'avocat un principe, tout en ménageant les nécessités de la justice.

Le projet de loi devrait être débattu le 15 décembre 2010 au Parlement pour une réforme applicable au 1er juillet 2011, comme l'a demandé le Conseil constitutionnel. Le Premier ministre a toutefois omis d'indiquer que ce texte nécessitera des modifications.

Dans un arrêt du 23 novembre 2010, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a estimé que, en raison de son lien hiérarchique avec le pouvoir exécutif, le parquet français n'est pas une autorité judiciaire indépendante. Par conséquent, un procureur ne peut pas contrôler une garde à vue comme le prévoit le projet de loi. Même si la chancellerie a fait appel de la décision de la CEDH, des amendements paraissent inéluctables.


L'agenda social sera élaboré début 2011

S'inscrivant dans les pas du chef de l'État, le Premier ministre a rappelé devant les députés que la « première priorité, c'est la croissance au service de l'emploi ». Se félicitant tout d'abord que les mesures mises en place pendant la crise aient porté leurs fruits, il entend relancer les politiques de l'emploi. Les objectifs sont connus : doubler le nombre de jeunes en alternance (il est actuellement de 60.000), assurer une meilleure protection contre les ruptures de parcours, notamment en cas de licenciement économique, en harmonisant la convention de reclassement personnalisée (CRP) et le contrat de transition professionnelle (CTP). Ou encore veiller à la bonne mise en oeuvre des accords d'entreprise ou de branche ou des plans d'action en direction des seniors.

Le Premier ministre a également pris bonne note des initiatives des partenaires sociaux, notamment sur l'emploi des jeunes. Avant d'ajouter : « Ils doivent également négocier une nouvelle convention d'assurance chômage. Je leur fais confiance pour proposer de nouveaux outils : la balle est dans leur camp. »

Il propose aussi d'élaborer, début 2011, le contenu de l'agenda social des prochains mois avec les syndicats et le patronat. « Il nous revient d'en fixer les objectifs, le calendrier et la méthode, mais je veux dire que c'est aux partenaires sociaux d'en proposer et d'en définir les modalités et les outils », a-t-il précisé.


Une concertation nationale sur la protection sociale

Après la réforme des retraites, le Premier ministre a annoncé le lancement d'une « concertation nationale sur la protection sociale qui associera tous les acteurs : partenaires sociaux, professionnels de santé, mutuelles, assurances, collectivités territoriales, au premier rang desquels les conseils généraux ».

Contrairement à ce que le chef de l'État avait indiqué il y a une semaine lors de son intervention télévisée, cette concertation ne sera pas uniquement centrée sur la dépendance des personnes âgées, mais portera également sur la santé. Elle devra en effet « examiner les voies et moyens de réguler les dépenses de santé, de fixer la part des régimes obligatoires et complémentaires et de diversifier les modes de financement », a précisé François Fillon.

C'est à Xavier Bertrand, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Santé, et Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, que reviendra le soin d'organiser cette fameuse concertation.

Y sera traitée en priorité la question de la dépendance, « dont le coût est estimé à 22 milliards d'euros » et « devrait atteindre les 30 milliards dans les prochaines années », a précisé le Premier ministre. Une fois les besoins des personnes dépendantes répertoriés et les moyens du maintien à domicile le plus longtemps possible déterminés, la concertation devra « sérier les pistes de financement : assurance obligatoire ou facultative, collective ou individuelle ». Et surtout répondre à ces questions « sans a priori, ni préjugé ».

Ce dont doute la CFE-CGC : « Cet aveu d'enterrement des principes fondateurs de la Sécurité sociale de 1945 marque une régression », indique son président, Bernard Van Craeynest, dans un communiqué.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.