La convergence fiscale franco-allemande est pavée d'obstacles

Souhaitée par l'Élysée, l'harmonisation de la fiscalité des entreprises, voire des particuliers, entre les deux rives du Rhin intéresse peu l'Allemagne. Les sommes en jeu sont colossales.
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La convergence des systèmes fiscaux français et allemand suscite peu d'enthousiasme au sein du gouvernement allemand d'Angela Merkel, bien qu'elle ait été qualifiée dès juillet 2010 par le président Nicolas Sarkozy « d'élément essentiel de notre intégration économique et de l'approfondissement du marché intérieur en Europe ». Le projet d'une harmonisation de l'assiette fiscale de l'impôt sur les sociétés en Europe (lire « La Tribune » du 3 décembre 2010) apparaît plutôt comme un compromis sur le plus petit dénominateur commun entre Paris et Berlin sur ces questions.

Scepticisme

« Les Allemands n'ont pas attendu ce qui se passe en France pour agir et n'ont pas tellement envie de se rapprocher du système français. Ils jouent quand même le jeu, se disant ?pourquoi pas ?? si les Français veulent converger vers notre système fiscal. Ils sont sceptiques mais ouverts », estime une source proche du dossier.

Et même harmoniser la base d'imposition des sociétés entre les deux pays et, au-delà, dans neuf pays de l'Union européenne (UE) sous forme d'une « coopération renforcée », sorte d'accord Schengen sur la fiscalité des entreprises, se heurte à de sérieux obstacles. « L'harmonisation de la base d'imposition représente un énorme travail, susceptible de susciter de grosses difficultés financières, les sommes de recettes fiscales en jeu étant très importantes », explique cette source, rappelant que le projet en ce sens de l'UE (voir ci-dessous), « patauge depuis pratiquement 10 ans ».

Un autre expert, Luc Julien-Saint-Amand, avocat associé chez Ernst & Young, explique à « La Tribune » que « si demain, la France, pour se rapprocher de la base d'imposition des sociétés pratiquée en Allemagne, décidait de permettre aux sociétés d'amortir fiscalement le goodwill généré [Ndlr : survaleur] lors d'une acquisition [d'une entreprise], comme c'est le cas en Allemagne, elle devrait renoncer à 4 à 5 milliards d'euros de recettes fiscales... » De plus, Berlin refusant de modifier sa fiscalité sur les successions, la fortune et la taxe foncière, la seule possibilité de « convergence » pour Paris serait d'aligner sa fiscalité des particuliers, notamment l'impôt sur le revenu, sur celle pratiquée en Allemagne. Ce serait une véritable révolution fiscale.

Le serpent de mer de l'harmonisation européenne de l'impôt sur les sociétés

La décision annoncée jeudi par Berlin et Paris d'avancer sur l'harmonisation de l'impôt sur les sociétés (IS) pour mettre un terme à une concurrence des impôts dommageable dans l'Union europénne (UE) n'est pas un nouveau projet, même si ces deux pays en sont à l'origine. Depuis 2001, les experts de la Commission européenne planchent sur le sujet mais les avancées butent sur la nécessité d'adopter à l'unanimité un tel projet politique. Or, certains Etats membres, comme la Grande-Bretagne et l'Irlande ? on a vu la semaine dernière Dublin, même acculée, ne rien céder sur son IS à 12,5 % ? , entendent conserver leur marge de manoeuvre, tant la fiscalité relève à leurs yeux de la seule souveraineté des Etats.

Au sein de la Commission européenne, les groupes travaillent selon deux axes : le premier est celui de l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS). Ecartant la délicate question du taux, il étudie d'un point de vue technique la définition d'une assiette commune consolidée pour les sociétés opérant dans l'UE, en examinant les principes fiscaux de base.

Un « système pilote »

Deuxième piste : la mise en place d'un « système pilote d'imposition selon les règles de l'Etat de résidence » applicable aux petites et moyennes entreprises. Une PME ayant établi une filiale dans un autre Etat membre aurait la possibilité de calculer ses bénéfices imposables selon les règles fiscales de l'État de résidence de sa société mère ou de son siège social.

Pour Bruxelles, ces mesures visent à ôter les entraves des frontières pour les entreprises européennes, en permettant de développer ce « marché unique », un des points forts de l'agenda 2020 de la Commission européenne pour améliorer la compétitivité de l'UE.

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