Bras de fer autour du prix des matières premières

Le président français, Nicolas Sarkozy, n'a pas apprécié que Bruxelles s'apprête à publier un rapport qui conteste que la volatilité des prix des matières premières est liée à la spéculation. Il a fait de la lutte contre cette spéculation une priorité de « son » G20.
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Alors que la France déteste que Bruxelles joue les « maîtresses d'école », elle ne se prive pas, elle, d'exiger de la Commission, et sans ménagement, qu'elle revoie sa copie quand elle la juge hors sujet. L'exécutif européen avait en effet prévu de présenter ce mercredi un rapport sur les marchés des matières premières. Sous la pression de Paris, il a finalement décidé de reporter la conférence de presse car « le texte n'est pas mûr, nous devons encore y travailler », de l'aveu timide d'un responsable de la Commission.

Ce document, obtenu par « La Tribune », souligne en effet que, « tandis qu'il y a une forte corrélation entre les marchés des dérivés et les prix au comptant, il n'y a aucun élément probant qui atteste d'un lien de causalité entre les marchés des dérivés et la volatilité excessive et la hausse des prix sur les marchés physiques ». Cette phrase a fait bondir Nicolas Sarkozy qui a fait de la lutte contre la spéculation sur les matières premières l'une des priorités de sa présidence du G20. Lundi, en présentant ses objectifs, il n'a pas caché son agacement face aux réticences de la Commission à lier formellement spéculation et volatilité des prix. Cette étude « montrant que la spéculation ne conduit pas à l'augmentation du prix des matières premières au niveau mondial, je recommanderais une date pour la publier : le 1er avril », s'est moqué le président de la République. Dans la foulée, Bruno Le Maire s'est dit « stupéfait » par l'approche de la Commission. « Il me paraît évident, ou alors nous ne vivons pas dans le même monde que la Commission, que cette volatilité est accrue par la spéculation financière », a expliqué le ministre de l'Agriculture, refusant de croire qu'il s'agisse de « conclusions définitives ».

Face à ces attaques, la Commission a préféré reporter la présentation du rapport, qui sera publié « avant le 1er avril », sourit un porte-parole. Si la Commission retravaille souvent ses communications, il est rare qu'un État membre manifeste aussi clairement son intervention. « La phrase a déjà été changée », assure-t-on du côté du Berlaymont. « C'était une phrase provisoire dans un document technique sans validation politique », assure-t-on dans l'entourage de Michel Barnier, l'un des commissaires en charge du rapport, qui a récemment jugé « l'hyperspéculation scandaleuse dans les matières premières agricoles ».

La PAC comme enjeu

Il n'est pas sûr toutefois que le changement soit radical. « Nous n'avons aucun doute qu'il y a des liens entre les marchés physiques et les marchés financiers », explique un porte-parole, mais il manque des « preuves » quant à l'influence de la spéculation sur les marchés des matières premières.

La Commission a aussi souhaité rappeler à la France qu'elle a « la responsabilité de faire des propositions pour l'Union dans son ensemble. Certains pays ont des positions claires, d'autres moins ». Derrière ce bras de fer, on retrouve la crainte de Paris de voir revenir l'option libérale qui a habité la Commission durant des années et qui pourrait mener à un démantèlement de la politique agricole commune (PAC), premier budget de l'Union européenne et dont le premier bénéficiaire est... la France.

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