Assurance : Christine Lagarde veut faciliter les conditions de résiliation

Christine Lagarde a proposé lundi de mieux informer les assurés sur les possibilités de résiliation des polices d'assurance.
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Christine Lagarde veut favoriser la rotation des contrats d'assurance. La ministre de l'Économie veut donner aux consommateurs plus de facilités pour en changer. Elle s'appuie pour cela sur le rapport de Luc Mayaux, professeur à l'université Lyon III, qui dresse un bilan des dispositions de la loi Chatel du 28 janvier 2005 relative à la tacite reconduction des contrats d'assurance, et qui vient de lui être remis. Selon ce rapport, les difficultés constatées concernent surtout « la date d'envoi d'avis d'échéance et la présentation de celui-ci ». La ministre souhaite donc instituer un délai unique de résiliation des polices d'assurance automobile, deux-roues, multirisques habitation, complémentaires santé souscrites à titre individuel ou vols de téléphone portable. « Tout le monde devra systématiquement être averti vingt jours avant la date anniversaire de son contrat », a-t-elle expliqué au « Parisien ».

Mais Christine Lagarde veut aller encore plus loin. Elle demande que l'assuré soit mieux informé sur les possibilités et les modalités de résiliation des polices d'assurance. Ce qui pourrait aboutir à un taux de rotation des contrats plus élevé. La ministre a décidé de soumettre ce projet au Conseil consultatif du secteur financier (CCSF). La Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) minimise les problèmes soulevés par Christine Lagarde. « Le nombre de plaintes concernant des problèmes de résiliation semble assez limité au regard notamment des 45 millions d'avis d'échéance envoyés par an. De plus, le taux de rotation est déjà non négligeable sur un marché très concurrentiel avec plus de 200 acteurs », y dit-on. Le constat n'est pas faux, puisque, selon le rapport Mayaux, l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) n'a relevé que 300 réclamations environ en cinq ans. Et toujours selon ce même rapport, le taux annuel de résiliation en assurance automobile est de 15,7 %. Il est de 11,8 % en assurance multirisque habitation et de 17 % en assurance santé individuelle.

Mais en favorisant la rotation des contrats d'assurance, Bercy espère aussi limiter la hausse des tarifs, ininterrompue depuis 2010. Une hausse dont les assureurs assurent qu'elle ne peut diminuer étant donné l'envolée du coût des sinistres. Christine Lagarde propose, dans cette optique, de renforcer la qualité des comparateurs d'assurances : « Ils ne doivent pas seulement porter sur les prix, mais aussi sur les niveaux de garantie des contrats. » Certains le font déjà, comme le rappelle l'un d'entre eux : « S'il est vrai que certains comparateurs classent les contrats d'assurance en fonction des prix, d'autres restituent les niveaux de franchise et le contenu des garanties. »

D'autre pays vont beaucoup plus loin dans la fluidification du marché, notamment la Grande-Bretagne qui ne pratique pas la tacite reconduction avec des résultats mitigés pour les assureurs, comme pour les assurés (lire ci-contre). Selon Tanguy Thévenet, directeur général du comparateur Hyperassur, « pour vraiment faciliter les changements de contrats d'assurance, il faudrait permettre à l'assuré de résilier sa police quand il le veut ». C'est d'ailleurs ce que font Amaguiz, la filiale d'assurance directe de Groupama, et L'Olivier Assurances, la filiale de l'assureur britannique Admiral. Tous deux proposent des contrats sans engagement de durée.

 

Les assurés britanniques subissent l'effet boomerang de l'hyperconcurrence

Les consommateurs britanniques subissent aujourd'hui l'effet boomerang de l'hyperconcurrence du marché de l'assurance. À priori, la compétition engendrée par l'absence de reconduction tacite des contrats d'assurance et l'utilisation croissante des comparateurs sur Internet (« aggregators » en anglais) semblaient très favorables aux assurés car elles faisaient baisser les prix. Les consommateurs ne s'y sont pas trompés : 7 % des contrats d'assurance auto passaient par un comparateur sur Internet avant d'être souscrits en 2005, ils étaient plus de 55 % en 2010 et devraient approcher les 60 % en 2014. Cette course au meilleur prix entraînant une importante rotation des portefeuilles des compagnies. Pendant des années, les produits financiers ont compensé la dégradation de l'équilibre technique entre primes et sinistres. La crise financière ajoutée à une augmentation du coût des sinistres dus aux catastrophes naturelles (inondations en particulier) et à l'envolée de la fraude ont plongé le marché dans une situation gravement déficitaire. Ainsi, en assurance auto de particuliers, seulement deux assureurs auto (Sabre et Admiral) affichaient un ratio combiné inférieur à 100 % en 2009 (les sinistres et les frais rapportés aux primes encaissées). Tous les autres avaient un ratio combiné largement supérieur à 100 % (jusqu'à 183 %) c'est-à-dire techniquement très déficitaire. En conséquence, depuis mi-2009, les tarifs sont repartis brutalement à la hausse : 30 % en moyenne annuelle en auto en 2010. La tarification « en temps réel » mise en place avec le développement des comparateurs jouant, cette fois, contre les consommateurs. Avec parfois des effets d'exclusion pour certaines catégories d'assurés jugées « à risques ». La presse britannique s'est ainsi récemment indignée des prix astronomiques demandés à de jeunes conducteurs comme ce nouveau titulaire du permis de conduire de 18 ans, propriétaire d'une Fiat Punto, qui s'est vu proposer une assurance à 83.600 livres (94.600 euros).

 

Les comparateurs d'assurances doivent encore convaincre de leur fiabilité

Les comparateurs d'assurances ont conquis le Royaume-Uni, où ils génèrent plus de la moitié des affaires nouvelles en automobile. Le marché français se montre, lui, nettement plus frileux. D'après un sondage Ifop commandé par Direct Assurance le mois dernier, 34 % des « cyberconsommateurs » français consultent des comparateurs en ligne avant d'acheter une assurance, contre 83 % pour les produits high-tech et 73 % pour les billets d'avion. En effet, 29 % seulement des internautes interrogés déclarent faire confiance aux comparateurs d'assurances de mutuelles ou de banques, contre 55 % pour les autres secteurs. Cette méfiance s'explique par le sentiment que les comparateurs manquent d'exhaustivité dans leur restitution des offres et d'indépendance par rapport aux assureurs.

Test du client mystère

Premier reproche : les liens capitalistiques entre comparateurs et compagnies d'assurances. C'est le cas, notamment, des trois principaux acteurs du marché : Assurland est contrôlé par Covéa, Hyperassur par Aviva et Lelynx par le britannique Admiral. Mais cette situation n'a rien d'exceptionnel. Au Royaume-Uni, les principaux comparateurs sont liés à des assureurs et cela n'a pas freiné leur développement.

En effet, un comparateur qui avantagerait les offres de son actionnaire jouerait un jeu dangereux : « Notre développement dépend de nos bonnes relations avec les assureurs, qui surveillent de près leur position dans les pages de résultat », souligne Tanguy Thévenet, directeur général d'Hyperassur. « Un comparateur qui favorise ses actionnaires, cela se voit », renchérit un spécialiste de l'assurance directe. Conscient des suspicions liées à ce mélange des genres, Stanislas Di Vittorio, fondateur d'Assurland, a l'intention de recouvrer son indépendance sous peu, en introduisant sa société en Bourse, voire en remplaçant Covéa à son tour de table par des fonds d'investissement.

Un autre frein mis en avant par les internautes est le manque d'exhaustivité des comparateurs. « Avec 56 partenaires, nous ne sommes certes pas exhaustifs mais nous disposons du panel le plus complet », se défend Stanislas Di Vittorio, à la tête d'Assurland, qui détient selon lui 80 % de parts de marché. « Nous affichons toutes les offres de nos partenaires assureurs, classées par prix... il n'y a donc pas de place pour la triche », ajoute Martin Coriat, directeur général de Lelynx.fr.

En fait, la fiabilité des comparateurs est vérifiée... par les assureurs eux-mêmes ! Ils testent en effet ces sites de façon régulière, par exemple en ayant recours à la méthode du « client mystère » pour vérifier que leurs offres sont bien restituées et que tel ou tel concurrent n'est pas favorisé. Plus radical, le Danemark a adopté un système dans lequel il n'y a qu'un seul comparateur, sur lequel tous les acteurs du marché doivent figurer.

 

La comparaison d'assurance, un modèle économique en mal de maturité

Les comparateurs se sont imposés en tant que fournisseurs de « prospects qualifiés », notamment pour l'assurance directe, dont ils génèrent de 30 % à 50 % des prospects, contre moins de 10 % pour l'ensemble du marché. Ces intermédiaires sont traditionnellement rémunérés par les assureurs au nombre de « mises en relation » (MER) qu'ils fournissent. La valeur de ces « MER » varie de 8 à 15 euros en habitation et de 12 à 20 euros en auto et en santé. Des prix jugés trop élevés par certains assureurs, à l'image d'Yves Masson, le patron de Direct Assurance, qui dénonçait récemment des « tarifs deux à trois fois plus chers en France qu'ailleurs ». Direct Assurance s'est d'ailleurs retiré l'an dernier d'Assurland, le leader du marché, dont il trouvait les tarifs trop élevés.

Mais au Royaume-Uni, le marché le plus avancé, les comparateurs sont rémunérés aux affaires nouvelles qu'ils génèrent, et non aux prospects fournis. « À l'arrivée, l'affaire nouvelle revient certes plus cher en France, mais elle est aussi plus rentable car un contrat dure six ans en moyenne en auto, contre à peine deux ans au Royaume-Uni », souligne Martin Coriat, directeur général de Lelynx.fr, filiale du leader britannique Confused.com.

Le vrai problème, c'est que les assureurs n'arrivent à convertir en affaires nouvelles que 10 % à 20 % des prospects envoyés par les comparateurs, contre environ la moitié au Royaume-Uni. « Nous souhaitons travailler avec les assureurs pour les aider à améliorer leur taux de transformation », poursuit Martin Coriat, qui fait ce travail avec la plupart de ses partenaires. Parmi les bonnes pratiques à mettre en place : rappeler le prospect dans la demi-heure suivant la recherche en ligne et éviter tout écart entre le tarif affiché par le comparateur et celui proposé in fine. « Plus le marché gagnera en maturité, plus son modèle économique évoluera vers une rémunération à l'affaire nouvelle », avance Martin Coriat.

Mais pour le patron d'Hyperassur, Tanguy Thévenet, il s'agit là d'un faux débat. « Qu'il soit rémunéré à la MER ou à l'affaire nouvelle, la force d'un comparateur, c'est de fournir des prospects qualifiés à un coût inférieur à celui des autres canaux, comme la publicité en ligne ou le marketing direct, ce qui est largement le cas aujourd'hui. » De fait, les assureurs tiennent déjà compte, dans leurs tarifs d'achat des MER, de la qualité des prospects. Cette qualité « varie fortement selon leur provenance, mais l'Internet nous permet de la suivre de très près », explique Yannick Schmitz, directeur marketing et développement du groupe Macif et patron de sa filiale d'assurance directe Idmacif. « Quand nous aurons assez d'historique, soit d'ici à deux ans environ, nous pourrons même suivre la durée moyenne des contrats provenant des différents comparateurs pour évaluer plus précisément la valeur des prospects », poursuit-il. La distinction entre les deux modèles devrait donc s'estomper avec le temps pour laisser place à la seule question qui vaille : la qualité des prospects.

 

Interview de Nicolas Godfroy Responsable du département juridique à l'UFC-Que choisir : « La négociation est une des armes du client »


Le projet Lagarde peut-il accroître la concurrence et finalement faire baisser les tarifs ?

Il est vrai que plus d'informations permettrait aux consommateurs de résilier leur contrat plus souvent et de sélectionner le plus avantageux. Mais, pour l'instant, le projet est assez flou, il vient compléter le dispositif déjà existant de la loi Chatel. Il aidera certainement dans la perspective de mieux négocier les prix avec les assureurs. Mais nous avons, de notre côté, d'autres solutions.

Quelles sont-elles ?

Notamment agir sur le coût de la prime, comme dans l'assurance automobile, un point sur lequel la capacité d'intervention des pouvoirs publics est la plus importante. Il faut mettre fin au monopole des constructeurs sur la fabrication des pièces détachées, ce qui ferait diminuer les prix des pièces et par vase communicant les primes d'assurances. Il faut également faciliter la comparaison des polices par exemple avec des guides de présentation type qui comparent les couvertures. Car le prix n'est pas la seule information déterminante pour l'assuré, les niveaux de franchise et le contenu des garanties sont primordiaux.

Les comparateurs en ligne ne permettent-ils pas déjà cela ?

Nous sommes dubitatifs sur le rôle des comparateurs. Ils vous présentent un prix qu'il est compliqué de négocier. Nous conseillons à tous les consommateurs de négocier, y compris avec leur propre assureur car la négociation est une des principales armes du client. En outre, nous avons testé un même profil d'assuré chez plusieurs comparateurs et nous avons constaté qu'un même assureur pouvait offrir des prix différents selon le site interrogé.

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