Taxer les riches : une idée qui fait son chemin

Après la Grande-Bretagne, l'Italie vient d'augmenter la taxation des plus hauts revenus. Aux États-Unis, le débat fait rage. En France, plusieurs patrons se prononcent en faveur d'une imposition plus forte.
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Voilà quelques années, voire quelques mois, le propos eut été jugé démentiel, de la part du président de l'Afep, le discret lobby des grandes entreprises en France : Maurice Lévy n'hésite pas à appeler de ses voeux une « contribution exceptionnelle des plus riches, des plus favorisés, des nantis », comme il vient de le déclarer au « Monde ». Et il n'est pas le seul (voir ci contre), parmi les riches. Plusieurs parlementaires UMP réclament une majoration d'impôt frappant les revenus supérieurs à 1 million d'euros. La preuve que l'idée avance, même si Nicolas Sarkozy s'en tient à son dogme de la non-augmentation des impôts - à l'exception notable de la remise en cause de niches fiscales.

Ailleurs, les gouvernements n'ont pas ce genre de pudeur. La récession de 2008-2009 a brisé ce tabou de l'imposition des riches, dont la seule perspective paraissait auparavant exclue, au nom de la concurrence fiscale et du risque de fuite des talents. Cela a été le cas d'abord en Grande-Bretagne. Le taux maximum d'impôt sur le revenu y est passé de 40 à 50 %, pour les revenus au-delà de 150.000 livres sterling. Les dividendes bénéficient d'un taux réduit, mais qui atteint tout de même 42,5 %. L'Italie vient d'emprunter cette voie. Silvio Berlusconi prévoit « une contribution de solidarité » de 5 % pour la part des revenus annuels dépassant le plafond de 90.000 euros, et de 10 % au-delà de 150.000 euros. Cette contribution devrait générer quelque 3,8 milliards d'euros en trois ans.

Aux États-Unis, le pas n'a pas été franchi, faute de majorité pour une telle décision. Mais le débat y fait également rage. Le milliardaire Warren Buffett suggère d'augmenter les impôts des Américains dont les revenus dépassent 1 million de dollars. Barack Obama, en tournée dans le Midwest, a salué sa proposition. Il milite pour l'annulation des baisses d'impôts votées sous la présidence de George W. Bush pour les ménages dont les revenus annuels dépassent 250.000 dollars. Les propositions de Buffett comme d'Obama sont conspuées par les candidats à l'investiture républicaine pour la présidentielle de 2012 qui refusent toute hausse de la pression fiscale. La question est d'autant plus cruciale que « la minorité la plus aisée, soit les 1 % d'Américains aux plus hauts revenus, a accaparé 90 % des fruits de la croissance sur les vingt dernières années », souligne l'économiste Christian Saint-Etienne.

On n'en est pas là en France, même si cette petite minorité a vu des revenus progresser beaucoup plus que la moyenne depuis la fin des années 1990. Surtout, « c'est en supprimant les très nombreuses niches fiscales, grâce auxquelles les riches paient peu d'impôt - la France s'en est fait une spécialité - qu'on accroîtra le plus sûrement leur taxation », estime Christian Saint-Etienne. C'est bien la voie que veulent emprunter la droite et la gauche. L'ampleur de la réforme sépare les deux camps : la gauche veut aller beaucoup plus loin, dans l'extinction des systèmes d'optimisation fiscale. Ainsi, elle veut remettre en cause l'imposition forfaitaire des dividendes au taux favorable de 18 % (plus 12,3 % de prélèvements sociaux).

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