De dangereux virages à négocier pour l'industrie financière

Par Guénaëlle Le Solleu  |   |  873  mots
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Après l'explosion des nouvelles technologies et celle de la bulle financière, banques et compagnies d'assurances sont confrontées à un tour de vis réglementaire qui va engendrer une réorganisation en profondeur.

La crise a clos une décennie de bouleversements dans l'industrie financière. Le poids croissant de la réglementation et la découverte des capacités gigantesques désormais permises par les nouvelles technologies ont accompagné une période de prospérité fabuleuse pour ce secteur.

Les innovations produits dans la banque de détail, dans la banque de financement et d'investissement et dans l'assurance, ont généré des niveaux de bénéfices suffisants pour satisfaire les actionnaires et procéder à des acquisitions majeures. La crise financière a certes rebattu les cartes, et les Chinois ou les Brésiliens ont damé le pion aux Anglo-Saxons en termes de capitalisations boursières. Mais les champions nationaux de l'Hexagone n'ont que relativement tiré leur épingle du jeu dans le concert mondial. En août 2010, BNP Paribas ne se classait qu'à la 12e place dans l'indice Bloomberg mondial des capitalisations des institutions financières, tandis qu'Axa se positionnait au 47e rang.

La décennie qui s'ouvre n'offre pas de perspectives euphoriques. Banques et assurances vont devoir avancer dans un contexte extrêmement contraint et concurrentiel. Du point de vue de l'environnement d'abord. La faible croissance attendue en Europe dans les années à venir constitue un puissant facteur de renouvellement de l'organisation des banques. Depuis la crise, le désamour affiché par les clients vis-à-vis de leur banquier, qui se manifeste notamment par une multibancarisation et donc la difficulté à générer des revenus réguliers avec les clients, oblige les banques à revoir leur relation et le sens qu'elles lui donnent. D'ailleurs, note Christophe Angoulvant, directeur associé senior chez Roland Berger, « ce désamour vis-à-vis de la banque favorise le développement de modèles spécialisés par produit. Par exemple, les courtiers en crédit immobilier représentaient 25 % de part de marché en 2009 contre 7 % en 2001 ».

Certes, la pyramide des âges dans les établissements (les plus de 55 ans représentaient 8,7 % des effectifs bancaires en 2001 et 17,9 % l'an dernier) rend plus complexes les changements à court terme. Mais ces éléments ne sont finalement rien au regard des deux chantiers pharaoniques qui guettent banques et assurances, dès les prochains mois. La réglementation et les nouvelles technologies apparaissent comme deux pivots qui pourraient faire basculer certains établissements.

Qu'elles s'appellent Sepa (Single Euro Payments Area), Solvabilité II pour les assurances, Bâle III pour les banques, ces réglementations « vont rebattre les cartes de l'industrie financière », prédit Christophe Angoulvant. D'une part, parce que tant Bâle III que Solvabilité II ont pour effet premier d'accroître les besoins de fonds propres des établissements. Cela pèsera sur leur rentabilité future et les contraindra à faire des choix stratégiques, pour décider d'abandonner certaines activités ou pour se rapprocher d'un concurrent.

Ainsi, certains imaginent déjà que des bancassureurs pourraient être contraints de se séparer de leur activité d'assurance, tandis que d'autres plaident pour un allégement des métiers de banque d'investissement. Quant aux mutuelles d'assurance, elles ont, en France, déjà anticipé le mouvement en se rapprochant pour renforcer leur solvabilité (voir l'encadré ci-contre).

Le deuxième grand challenge pour l'industrie financière est celui des nouvelles technologies. La vague d'investissements depuis une dizaine d'années a permis de rendre accessible la banque sur Internet. Ces moyens nouveaux dans la banque en ligne ont été réalisés parallèlement à ceux dédiés au développement du réseau physique. Et ont permis au client de se faire une culture financière et donc une première expérience de la consommation à distance. Aujourd'hui, les établissements estiment nécessaire de tirer les fruits de ces investissements massifs. Et surtout, dans un contexte de croissance molle et de concurrence forte, ?ils ont compris l'urgence de réduire les coûts.

L'industrialisation des processus est en route. Elle suppose la mobilisation de centaines de millions d'euros par établissement, dont l'amortissement ne pourra se faire qu'à moyen terme.

Mais à plus court terme, ils devraient permettre de créer une nouvelle relation avec le client, avec plus de proximité, voire du sur-mesure, un atout générateur de revenus. Comme le note Christophe Angoulvant, « la réglementation et la technologie vont nourrir le découplage entre la production et la distribution : la première misera sur les effets d'échelle tandis que la seconde profitera de l'effet d'expérience ».

Consolidation dans l'assurance
En assurance dommages de particuliers, le groupe Covéa a été le pionnier en 2003 à constituer une Société de groupe d'assurance mutuelle (Sgam) réunissant plusieurs mutuelles majeures : Maaf, MMA et GMF qui couvrent plus de 10 millions de Français. Il a été imité en fin d'année dernière par de la Macif, la Maif et la Matmut qui ont créé une Sgam baptisée Sferen. Dans le domaine des assurances de professionnels, les trois mutuelles des professionnels du BTP (SMABTP, l'Auxiliaire et la CAM) partagent elles aussi depuis 2007 des liens de solidarité financière au sein d'une Sgam. Le mouvement de consolidation traverse également le secteur des assurances de personnes avec l'émergence d'un nouveau modèle de groupe rassemblant institutions de prévoyance, mutuelles santé et mutuelle d'assurance-vie comme dans le cas d'AG2R La Mondiale.