Retraite : 8 questions à poser pour définir une stratégie pour son client

La Tribune a demandé à ses experts de décortiquer plusieurs cas de figure qui surviennent parfois dans la carrière professionnelle.

La Tribune a demandé à ses experts de décortiquer plusieurs cas de figure qui surviennent parfois dans la carrière professionnelle.

1. Quelles sont les conséquences d'une période de chômage sur la retraite ?

Philippe Caré, consultant retraite chez Mercer :

"En cas de chômage indemnisé par Pôle Emploi, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) ne fait pas de distinguo et retient la période d'indemnisation dans le décompte du nombre de trimestres validés en vue de la retraite. Cela permet de limiter les risques de « trou » dans sa carrière.

Un seul petit bémol toutefois : les revenus perçus pendant la période de chômage n'entrent pas dans le calcul des 25 meilleures années, utilisé pour déterminer le niveau de la pension de retraite versée par la Sécu. L'enjeu financier reste anecdotique puisqu'il représente en moyenne moins de 10 euros par mois une fois à la retraite.

En matière de retraite complémentaire, qui constitue souvent plus de 50 % de la pension totale d'un cadre, la situation est encore plus « favorable ». En effet, des points de retraite (Arrco et Agirc pour les salariés) sont accordés durant la période d'indemnisation. Ils sont déterminés en fonction du salaire mensuel perçu au cours des 12 derniers mois précédant la rupture du contrat de travail (le salaire mensuel est toutefois plafonné à 11.500 euros), et non sur la base de l'indemnité versée par Pôle emploi. L'avantage retraite est donc préservé, sans perte de points par rapport à la période où la personne était salariée.

Attention à ne pas tomber dans le piège suivant : en cas de reprise d'activité d'une durée cumulée supérieure à 4 mois, la réadmission qui s'ensuit auprès de Pôle emploi fait tomber cet avantage. Dans ce cas, les points de retraite complémentaire ne sont plus attribués sur la base du salaire ayant donné lieu à l'inscription initiale, mais en fonction de la dernière activité reprise."

2. Retraite des expatriés : faut-il cotiser à la Caisse des Français à l'Etranger ?

Dominique Prévert, associé chez Optimaretraite :

Les expatriés doivent se poser la question de l'impact de leur situation professionnelle sur leurs droits à la retraite en France. Il diffère selon que le pays étranger possède ou non une convention de Sécurité sociale avec notre pays. Si tel est le cas, les périodes travaillées seront comptabilisées dans la carrière. Dans le cas contraire, reste la possibilité de cotiser à la Caisse des français de l'étranger (CFE) afin de générer les mêmes droits à la retraite que s'ils avaient cotisé à la Cnav, en France. Quel risque prend-on à cotiser à la CFE ? Tout dépendra des prochaines réformes. Le risque financier est évidemment plus faible lorsqu'on est proche de sa retraite.

L'alternative est de racheter plus tard les périodes passées à l'étranger. Cette opération procure le même gain que la cotisation à la CFE, mais peut être réalisée au dernier moment, ce qui élimine les aléas liés aux changements de législation. Ceux qui sont proches de la retraite doivent étudier cette possibilité au plus vite car, financièrement, l'opération sera bientôt moins rentable qu'auparavant : le barème de ce type de rachat va être aligné sur celui des versements pour la retraite (dit rachats de trimestres) et le coût pourra ainsi être multiplié par 5, voire plus selon les périodes à l'étranger. Si l'expatrié opte pour cette solution, plus chère mais plus sécurisante, il doit épargner chaque année sur un produit financier afin de pouvoir récupérer son capital au dernier moment, qui lui servira à racheter ses cotisations. Ainsi, une personne qui placerait 5.505 euros par an (cotisation CFE maximale en 2010) pendant 30 ans, disposerait, à 4 % net par an, d'un capital de 320.000 euros. De quoi racheter quelques années de cotisations... »

3. Comment tenir compte des avantages pour la retraite lors d'un divorce ?

Philippe Carré, consultant « retraite » chez Mercer :

Le projet de réforme des retraites fait couler beaucoup d'encre. Les Français se soucient de leur future pension. Pourtant, s'il y a bien un moment où l'on ne porte guère attention à sa future retraite, c'est bien au moment d'un divorce. Parmi les quelques 140.000 divorces prononcés chaque année en France, très peu de personnes demandent une évaluation des avantages différés, notamment en matière de retraite. Pourtant, l'enjeu est de taille, en particulier lorsque la situation financière des deux époux est déséquilibrée.

Dans ce cas, la personne qui perçoit le revenu le moins élevé a tout intérêt à demander un inventaire des droits à retraite (et autres avantages différés) de son conjoint.
En effet, l'article 255 du Code civil prévoit expressément cette disposition, qui permet au juge de « désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ».

Le projet de réforme des retraites et les travaux du COR pointent les inégalités qui existent entre hommes et femmes en matière de retraite. Parce que les carrières ont été inégales, c'est un fait.
Pour autant, en cas de divorce, le déséquilibre devient définitif, et ce par la force du jugement. Le conjoint le plus défavorisé financièrement doit donc demander au juge une expertise sur les droits à retraite futurs des époux afin d'envisager d'éventuelles compensations. Cette démarche permettra au juge, dans certains cas, de tenir compte d'une cessation d'activité d'un conjoint pour élever les enfants, ou d'une carrière abandonnée pour suivre le conjoint muté en France ou à l'étranger.

4. Comment optimiser ses régimes obligatoires ?

Marc Darnault, associé chez Optimaretraite:

Aussi surprenant que cela puisse paraître, et même si les marges de manoeuvre sont réduites, il est possible de ne pas subir ses régimes obligatoires.

En fait, notre système de retraite est si complexe qu'il existe, certes des menaces, mais aussi des opportunités qui se présentent à différentes étapes d'une carrière. Il faut donc savoir repérer les situations qui auront un impact sur les droits à la retraite et qui demandent une analyse.

La première chose à faire est de vérifier régulièrement les informations recueillies auprès des organismes de retraite. Si cette action ne génère aucun gain de pension au moment du départ à la retraite, elle évitera de subir des pertes.
Ensuite, chaque changement dans la carrière doit entraîner une réflexion. En cas de travail à temps partiel, il faut se demander s'il ne vaut pas mieux demander à son employeur de cotiser sur la base d'un temps plein par exemple. De même, un départ à l'étranger peut, ou pas, nécessiter une cotisation volontaire aux régimes français (base et/ou complémentaires). La création d'une société n'est pas neutre non plus : la forme juridique peut déterminer le statut social du créateur, et donc son régime d'affiliation, ses charges sociales, ses prestations, etc.

Certains régimes de retraite proposent eux-mêmes quelques possibilités parfois judicieuses comme être exonéré de cotisations ou, au contraire, sur-cotiser, racheter des trimestres, des points, des cotisations passées...
Enfin, choisissez judicieusement la date de départ en retraite, ou plutôt « les » dates de départs puisque chaque régime peut être liquidé séparément. Elles auront un impact immédiat sur vos futures pensions. Il peut être préférable de liquider ses droits et de bénéficier du dispositif « cumul emploi-retraite ».

5. Comment aider financièrement ses enfants en préparant sa retraite ?

Alexandre Claudet, directeur général délégué de Perial Placements :

Il existe une solution pour donner un coup de pouce à ses enfants tout en anticipant la baisse des revenus une fois à la retraite : le démembrement temporaire d'un bien immobilier. Cela consiste à séparer, pour une période convenue à l'avance, la nue-propriété de l'usufruit. Concrètement, l'usufruitier perçoit les revenus locatifs pendant une durée déterminée. À l'inverse, le nu-propriétaire détient les murs sans en toucher les revenus. À l'échéance du contrat, le nu-propriétaire retrouve la pleine propriété du bien.

Si vous ne souhaitez pas vous encombrer avec la gestion d'un appartement, sachez que ce mécanisme est possible à travers des parts de SCPI. Cette opération peut être réalisée à tout moment, pour n'importe quelle SCPI de rendement : il suffit de mettre en place une convention de démembrement fixant les conditions de l'opération. Toute la durée du démembrement (5 ou 10 ans, par exemple), le nu-propriétaire ne percevra pas les revenus de la SCPI et ne paiera donc pas d'impôts. De plus, il aura acheté ses parts de SCPI moins chères, entre 64 % à 78 % du prix de la pleine propriété. Cerise sur le gâteau, les parts détenues en nue-propriété sont exonérées d'ISF.

Pour peu que les enfants soient détachés du foyer fiscal, le démembrement temporaire permettra aux parents de leur allouer un revenu régulier peu ou pas fiscalisé, de ne pas payer d'impôt sur les revenus de la SCPI et de déduire une pension.
Vous n'avez pas d'enfant, ou ils n'ont pas besoin d'aide financière ? L'usufruit peut intéresser des personnes cherchant à optimiser fiscalement un déficit foncier important. La société commercialisant la SCPI peut trouver de telles personnes à votre place, à condition de lui confier un mandat de recherche.

6. Comment tirer parti du cumul emploi retraite ?

Marc Darnault, associé chez Optimaretraite:

Les récentes modifications apportées aux conditions auxquelles un assuré peut reprendre ou maintenir une activité professionnelle après son départ à la retraite assouplissent considérablement les règles du cumul emploi retraite.
En effet, les contraintes de délais (6 mois d'inactivité avant de reprendre chez le même employeur) et de rémunération (l'addition du nouveau salaire et de la retraite ne devait pas dépasser le niveau du dernier salaire) ont été purement et simplement supprimées.

Désormais, un salarié de 60 ans, qui a son taux plein et qui liquide l'ensemble de ses droits, peut donc partir à la retraite, continuer à travailler chez l'employeur de son choix dès le lendemain et percevoir une rémunération non plafonnée.

Toutefois deux inconvénients majeurs subsistent. D'abord, le cumul emploi retraite procède d'une reprise d'activité, ce qui implique la rupture préalable du contrat de travail, ne serait ce qu'une journée, avec les risques que cela représente. Ensuite, les nouvelles cotisations payées sur le nouveau salaire ne génèreront pas de nouveaux droits à la retraite puisque ceux-ci ont déjà été liquidés auprès de la même caisse.

L'astuce pour échapper à ce dernier inconvénient ? Changer de statut. Le salarié peut tout à fait négocier avec son ancien employeur la facturation de son budget de rémunération sous un nouveau statut de travailleur non salarié, en tant que consultant par exemple. En cotisant à une caisse de retraite différente de celle des salariés qu'il vient de liquider. Comme par exemple la CIPAV, la caisse de retraite des consultants. Le nouveau retraité génèrera alors de nouveaux droits dans une nouvelle caisse qu'il liquidera au moment de son « second » départ à la retraite.

7. Avantages familiaux : les mères ont-elles intérêt à donner des trimestres de retraite aux pères?

Dominique Prévert, associé chez Optimaretraite:

A en croire Xavier Darcos l'avantage de huit trimestres de retraite pour les mères de familles est préservé: à compter du 1er janvier prochain, elles bénéficierait automatiquement de 4 trimestres pour la naissance ou l'adoption d'un enfant. Les 4 autres lui seraient attribués par défaut, sauf si d'un commun accord, le couple préfére les donner au père.

Admettons que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale soit voté, que les tribunaux et la HALDE ne trouvent rien à redire, et que les textes soient conformes au droit européen. Une question se pose malgré tout: dans le meilleur des mondes où le divorce n'existerait pas, qui doit récupérer ces trimestres? L'homme ou la femme ?
D'un point de vue purement financier, mieux vaudra les attribuer à celui des deux qui aura la meilleure carrière, donc potentiellement la meilleure retraite (mieux vaut gagner 5% de 1.000 euros que 5% de 100 euros!). Et donc souvent le père si l'on se réfère aux statistiques!

L'enjeu est loin d'être négligeable: les 8 trimestres de majoration «à répartir» pour une femme ayant deux enfants, et qui bénéficie à sa retraite du minimum contributif peuvent, par exemple, représenter un gain mensuel de 29 euros. Si son conjoint est cadre et que l'attribution de cette majoration lui permet d'obtenir le taux plein, le gain sera dix fois supérieur.

Comme toujours en matière de retraite, les exceptions sont légion. Par exemple, ce bonus n'apportera rien à celui qui bénéficie déjà de tous ses trimestres à 60 ans.

Paradoxalement, dans la majorité des cas, le couple aura donc intérêt à attribuer les trimestres à l'homme plutôt qu'à la femme. Un comble pour une majoration destinée à compenser les faibles carrières des femmes.

8. Peut-on valider des trimestres... sans travailler ?

Dominique Prévert, associé chez Optimaretraite:

La question a de quoi surprendre car, normalement, la validation de trimestres pour les salariés est subordonnée au paiement de cotisations calculées sur la rémunération perçue.

Un salaire annuel brut représentant 200 smic horaires, soit 1.742 euros, permet de valider 1 trimestre. Avec 800 smic horaires perçus, soit 6.958 euros, quatre trimestres sont donc validés. Contrairement à une idée reçue, la validation de trimestres, assise sur la rémunération perçue, est donc déconnectée du temps travaillé sur une année.
En réalité, cette règle intègre une notion de salaire mensuel plafonné (2.859 euros pour 2009). Il est donc nécessaire d'étaler sa rémunération sur au moins 2 mois et demi (6.958 euros divisé par 2.859 euros, soit 2,43 mois) pour valider le maximum de trimestres sur une année, c'est-à-dire 4. En revanche, il est bien entendu impossible, quel que soit son salaire, de valider plus de 4 trimestre par an...

Il existe toutefois des exceptions à cette règle. Le chômage indemnisé (Assedic), les périodes de maladie, le service national, les enfants élevés (seulement pour les femmes, pour l'instant), ou encore le congé parental permettent de valider des trimestres sans payer la moindre cotisation.

Quant à l'année sabbatique, excluant toute rémunération et toute cotisation, elle ne fait pas exception à la règle et ne permet pas une validation de droits. Une astuce pour contourner l'obstacle: partir à cheval sur deux années, au mois de juin par exemple. Avec un salaire annuel brut pour chacune des deux années d'au moins 6.958 euros, réparti sur une période d'au moins 2 mois et demi, 4 trimestres par an pourront ainsi être validés.

L'arrêt d'activité n'aura pas été préjudiciable sur la retraite car les trimestres auront bien tous été validés. En revanche, le salarié n'accumulera pas, pour cette période, des points sur ses régimes complémentaires.
 

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