63 ans en 2027, 64 ans en 2032 : Ciotti fixe les conditions du soutien de LR à une réforme « juste » des retraites

Par latribune.fr  |   |  1416  mots
(Crédits : SARAH MEYSSONNIER)
Le patron de LR a fixé dans un entretien au Journal du Dimanche le cadre d'un accord entre la droite et les députés Renaissance pour voter la réforme des retraites. Le gouvernement est ouvert à ce compromis qui atténue la dureté du report de l'âge, limité à 64 ans en 2032 avec une étape intermédiaire à 63 ans en 2027. La question de l'application aux retraités actuels du minimum de pension à 1200 euros est aussi au coeur de l'acceptation de la réforme, toujours contestée par les syndicats unanimes.

Alors que Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, continue de refuser tout report de l'âge du départ à la retraite dans la réforme qui sera annoncé mardi 10 janvier par Elisabeth Borne, évoquant la crainte d'un « embrasement social », la droite est prête à soutenir le gouvernement. « Question de cohérence », explique le nouveau patron des LR, Eric Ciotti, dans un entretien au JDD ce dimanche. Mais son groupe de députés, indispensable pour éviter de faire passer la réforme par le 49-3, monnaye déjà son accord. L'affaire semble même conclu et donne par anticipation l'équilibre général du projet de loi qui sera examiné à l'Assemblée nationale puis au Sénat pour une application dés le début de l'été : un report oui, mais à un rythme plus lent que voulu par le chef de l'Etat.

Adieu les 65 ans ?

Adieu donc les 65 ans, la droite veut que le décalage de l'âge de départ permette d'attendre 63 ans en 2027, à raison donc d'un trimestre de plus par an, puis de continuer pour parvenir à 64 ans en 2032, sans aller donc aux 65 ans sur lesquels le candidat Emmanuel Macron s'était engagé pendant la campagne présidentielle de 2022. En parallèle, la durée de cotisation prévue par la réforme Touraine passera de 42 à 43 ans sans aller au-delà.

Eric Ciotti justifie ce choix par la nécessité d'une « réforme juste » et étalée dans le temps : il demande aussi une prise en compte des carrières longues et pénibles et réclame que la retraite minimale passe à 1200 euros pour tous les retraités, futurs et actuels, sans dire si ce dernier point est financé par le projet de la droite. Dans le JDD, le ministre du budget et des comptes publics, Gabriel Attal, lui répond favorablement, invitant les LR à « accompagner » la réforme de retraite qu'ils veulent. Tout en exigeant que la généralisation du minimum à 1200 euros soit financé.

« Je salue la responsabilité de toutes celles et de tous ceux qui d'abord sont prêts à chercher une solution pour permettre à notre système de retraites de perdurer », a déclaré Gabriel Attal sur  France 3. « Et ensuite je salue la responsabilité de celles et ceux qui sont cohérents avec les engagements qu'ils ont pris devant les Français », a-t-il ajouté, soulignant que « les Républicains, durant la campagne présidentielle, ont dit qu'il fallait une réforme des retraites avec un recul de l'âge légal ». Gabriel Attal a assuré que la majorité présidentielle n'avait conclu aucun accord avec les Républicains, dont le soutien est nécessaire pour adopter la réforme à l'Assemblée nationale sans l'arme constitutionnelle du 49.3. « On a toujours montré qu'on était ouvert au compromis, a assuré Gabriel Attal en réponse, « qu'on était prêt à travailler, qu'on était prêt à présenter une réforme dès lors qu'elle garantit l'équilibre de notre système ». « On a annoncé un recul de l'âge légal sur une dizaine d'années », a-t-il poursuivi, e« nsuite on peut adapter les choses : on a toujours dit que ça se ferait de manière progressive, à horizon 2031 ».

Au Sénat, la droite vote chaque année le report de l'âge de la retraite et l'allongement de la durée de cotisation. Eric Ciotti tente cependant de donner aux députés LR le beau rôle, si l'on peut dire, celui d'atténuer la dureté d'une réforme qui risque de mettre beaucoup de Français dans la rue, et d'apparaître ainsi comme le parti d'un « juste milieu », combinant le sérieux budgétaire et une plus grande modération que les « jusqu'au-boutistes » de l'Elysée, Emmanuel Macron en tête.

1200 euros minimum pour tous les retraités ?

La question de l'application aux retraités actuels du minimum contributif à 1200 euros est un point important de la réforme car jusqu'ici, il n'a pas été démontré que le projet du gouvernement, même avec un report à 65 ans dès 2027, le finançait. C'est toute la difficulté d'une réforme paramétrique, qui vise à la fois à sauver le système par répartition face aux déséquilibres démographiques qui l'endettent, et « en même temps » à proposer des dépenses de solidarité nouvelles. Sachant en outre que les retraités actuels ont fini de cotiser et donc ne contribueraient pas, à la différence des retraités futurs, au financement de ce relèvement du minimum. Le débat sur la justice sociale du système de retraite est donc au coeur de l'examen à venir du texte au Parlement, tout autant que l'ampleur des mesures de solidarité avec les carrières longues et la pénibilité, encore très imprécises même si la Première ministre devrait en dire plus mardi prochain.

Unité syndicale pour la première fois depuis douze ans

Avec l'entrée de la droite en scène, assurant au gouvernement une majorité pour voter le texte, la réforme des retraites semble donc en bonne voie pour passer l'étape du parlement. Ce sera toute autre chose en revanche dans la rue. Les syndicats continuent unanimes à refuser que le tabou de l'âge soit atteint. Le patron de la CGT Philippe Martinez ironise sur l'"exploit" de l'exécutif qui unit les syndicats dans l'action pour la première fois depuis douze ans. « Si Emmanuel Macron veut en faire sa mère des réformes (...) pour nous ce sera la mère des batailles », prévient le patron de FO Frédéric Souillot.

Lors d'une conférence de presse qui sera l'un des actes majeurs de ce début de quinquennat, en présence de plusieurs ministres, Elisabeth Borne pourrait, selon plusieurs de ses interlocuteurs, proposer mardi un report de l'âge légal de départ à 64 ans, au lieu de 62 actuellement, après avoir envisagé 65 ans. Ce report serait associé à une accélération de de l'allongement de la durée de cotisation, qui passerait à 43 ans avant l'horizon 2035 fixé par la réforme Touraine.

Le gouvernement serait par ailleurs prêt à relever, lors du débat parlementaire, le minimum retraite à 1.200 euros pour l'ensemble des retraités et non seulement pour les nouveaux entrants. Sur l'emploi des seniors, un "index" serait mis en place sur le modèle de l'égalité femme-homme, avec l'obligation de négocier un accord en cas "d'absence de communication" sur cet index.

Sur la pénibilité, le ministre du Travail Olivier Dussopt assure avoir "répondu" aux syndicats réformistes, évoquant "un suivi médical renforcé" pour les "risques ergonomiques ». Aurore Bergé, présidente des députés macronistes Renaissance, appelle aussi dans Le Parisien à la prise en compte des "trimestres d'apprentissage" entre 16 et 18 ans pour "un départ anticipé ».

Deux tiers des Français opposés au report à 64 ans

La pierre d'achoppement reste la mesure d'âge. Plus de deux tiers des Français (68%) sont défavorables au report à 64 ans, selon un sondage Ifop-Fiducial. « Il n'y aura pas de deal avec la CFDT » en cas de report de l'âge légal et « on fera tout pour que le gouvernement recule », avertit son leader Laurent Berger.

Le gouvernement reste toutefois déterminé. « Ce n'est pas parce qu'une réforme est impopulaire qu'il ne faut pas la faire », assure son porte-parole Olivier Véran, faisant appel à « l'esprit de responsabilité ». Il reconnaît des désaccords sur les solutions. La CFDT a des propositions pour relever le taux d'emploi des seniors qui permettra de combler le déficit. Tous les syndicats défendent une hausse des cotisations patronales, piste aussi évoquée par le Haut-commissaire au Plan François Bayrou, mais écartée par l'exécutif.

L'ancienne ministre du Travail (2017-2020) Muriel Pénicaud prévient que l'emploi des seniors, particulièrement bas en France, est « le premier sujet qu'il faut traiter », sinon ce sont « les mêmes qui travaillent tard qui vont travailler plus tard, et les autres qui vont basculer au chômage ou au RSA ».

Le texte sera examiné en Conseil des ministres le 23 janvier mais les syndicats, qui se réunissent mardi soir, envisagent de mobiliser avant cette date, alors qu'à gauche la Nupes tient meeting les 10 et 17 janvier et que LFI manifeste le 21. Le projet de loi doit passer en commission à l'Assemblée nationale à partir du 30 janvier, et dans l'hémicycle le 6 février, pour deux semaines, selon des sources parlementaires.