Contrats courts : à quel scénario s'attendre ?

Après l'échec des négociations entre les partenaires sociaux, le gouvernement a décidé de reprendre à son compte la réforme de l'assurance chômage. La lutte contre les contrats courts est au centre de ses intentions, mais il n'est pas sûr que le système de bonus-malus soit finalement l'option qu'il décide de choisir.

Y aura-t-il un bonus-malus sur le recours aux contrats courts ? Sur ce sujet, le gouvernement n'est pas encore sorti de l'ambiguïté. La promesse de campagne d'Emmanuel Macron, qu'il a encore citée lors d'un épisode du Grand débat devant des maires, ne figurait pas sur la feuille de route des négociations syndicales, qui ont pourtant échoué sur le même sujet de la régulation des contrats courts. Et la mesure n'a pas non plus été évoquée par Edouard Philippe dans son intervention du 26 février, jusqu'à ce qu'une question d'un journaliste à l'issue de la conférence de presse le pousse à l'aborder.

Si le but du gouvernement semble clairement de s'attaquer au recours aux contrats courts, les mesures qu'il pourrait prendre sont encore largement incertaines. Ce qui incite les différents acteurs du débat à faire avancer leurs propositions, en espérant pouvoir faire pencher les arbitrages de son côté. Entre 1982 et 2017, la part des personnes en contrat court a été multipliée par quatre passant de 1% à 4,5% selon de récents chiffres de l'Insee. En 2017, plus de 1,2 million de personnes occupaient un contrat court, c'est-à-dire un contrat de moins de trois mois.

Bonus-malus : un système à plusieurs variantes

Une des solutions les plus reprises ces derniers mois concerne donc le système du bonus-malus. Celui-ci conduirait à moduler les charges pesant sur les entreprises en fonction de leur attitude plus ou moins "vertueuse", c'est-à-dire de leur propension à avoir recours à des contrats précaires. La proposition est plébiscitée par les syndicats, et défendue par des économistes de sensibilité très différentes, de Jean Tirole aux chercheurs de l'OFCE Bruno Coquet et Eric Heyer.

Mais au-delà de l'accord sur le principe, ce sont les modalités d'un tel système qui importent. La première question concerne la façon de mesurer le recours aux contrats courts. On peut se baser sur le taux de rupture du contrat, comme l'option que pourrait retenir le gouvernement selon des informations des EchosLe taux de rupture de contrats d'une entreprise sur l'année serait comparé au taux moyen de son secteur, et l'écart à la moyenne ferait varier (en positif ou en négatif) ses cotisations employeurs - aujourd'hui de 4,05% du salaire brut.

Du côté des syndicats, plusieurs options sont évoquées. Force ouvrière propose de mesurer la part des contrats courts dans l'emploi total des entreprises, et de la comparer à un taux de référence calculé selon le secteur et la taille de l'entreprise. La CFDT privilégie quant à elle une forme de bonus-malus plus indirecte : le taux de cotisation des entreprises varierait selon la durée du contrat, sur un mode dégressif. Il serait fixé à un taux très élevé pour les contrats les plus courts (la CFDT propose 9,6% pour le premier mois), puis déclinerait pour les contrats plus longs, jusqu'à s'établir à un niveau plus faible que le taux actuel pour les CDI. Les entreprises auraient ainsi une incitation à allonger la durée des contrats qu'elles proposent à leurs salariés, et à privilégier l'emploi stable.

Ce système ne repose donc pas sur une comparaison entre entreprises, mais pénalise de facto celles qui recourent le plus aux contrats courts. Il se rapproche peu ou prou de la proposition détaillée incluse dans un rapport de l'OFCE, paru en novembre 2018. L'étude propose d'y ajouter une contribution forfaitaire pour chaque contrat, afin de "dissuader la rotation très rapide de contrats très courts", ainsi qu'une franchise qui atténuerait les effets négatifs pour les PME et les entreprises de forte croissance.

Le patronat défend des mesures alternatives

Le bonus-malus suscite l'opposition farouche du patronat, ce qui a précipité la fin des négociations paritaires sur l'assurance chômage le 20 février. Ses représentants dénoncent notamment la distorsion que pourrait créer un tel système entre les secteurs d'activité, qui ne reposent pas sur le même modèle économique (activité stable ou saisonnière, par exemple). Ils pointent aussi le risque que ce renchérissement du coût du travail conduise les entreprises à baisser leur activité, notamment dans des périodes d'incertitudes où elles hésitent à embaucher en CDI.

Pour rendre sa position plus tenable, le patronat a esquissé des contre-propositions, qu'il juge à la fois suffisantes pour lutter contre les abus des contrats courts, et économiquement viables pour les entreprises.

Les mesures, d'une portée volontairement moindre que celle du bonus-malus, incluraient une taxation forfaitaire des contrats courts, que le Medef proposait de porter à 5 euros par contrat. Une surtaxe spéciale pourrait aussi être appliquée aux CDD d'usage, dont les conditions sont plus souples que les CDD, et qui sont censés être restreint à des activités de nature temporaires (hôtellerie-restauration, agro-foresterie). Elle permettrait de financer un "fonds de formation et d'indemnisation" en faveur des salariés les plus concernés par les contrats courts.

Ces propositions ont cependant été mal reçues par les syndicats de salariés, qui estiment qu'elles ne prennent pas la mesure de l'enjeu.

Pour Marylise Léon, de la CFDT, "l'idée, ce n'est pas de trouver des mesures qui permettent aux salariés précaires de s'accommoder de leurs conditions précaires" d'après des propos rapportés par Reuters.

Il revient maintenant au gouvernement de trouver la formule qui équilibrera les intérêts des salariés et des entreprises, sur laquelle les partenaires sociaux n'avaient justement pas pu s'accorder.

Commentaires 4
à écrit le 02/03/2019 à 10:40
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Chanson préférée de Manu " Le "fric" c'est chique " !

à écrit le 02/03/2019 à 10:31
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Bref ! Tout et son contraire.

à écrit le 01/03/2019 à 18:34
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Le dénominateur commun de «  ce dossier chaud » est l’explosion en «  chiffre » des coûts des salarié.es sur le chiffre global de fin d’année. Aujourd’hui les entreprises n’embauchent pas à cause des coûts sociaux. Ça «  c’est la réalité «  Pas de ...

à écrit le 01/03/2019 à 8:50
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la question est ' pourquoi il y a ces contrats?' la reponse est ' la france est un modele insider outsider', et contrairement a ce qu'annonce en permanence la gauche, l'addition finit par etre payee par quelqu'un...... meme l'ecole de paris, qui n'e...

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