Edouard Philippe lance le grand chantier de la réforme du système de santé

Par latribune.fr  |   |  905  mots
La ministre de la Santé Agnès Buzyn a mis en avant quatre faiblesses du système : investissement trop faible dans la prévention, cloisonnement entre ville, hôpital et médico-social, dispersion des ressources et hospitalisations en trop grand nombre. Ces faiblesses s'inscrivent dans un contexte social et financier difficile, marqué par l'épuisement d'une partie du personnel hospitalier et la contrainte des dépenses de santé pour réduire les déficits publics. (Crédits : Regis Duvignau)
Le Premier ministre a donné ce mardi le coup d'envoi du projet de transformation du système de santé dont la feuille de route définitive sera publiée d'ici à l'été. Une enveloppe de 100 millions d'euros par an est prévue pour soutenir cette réforme d'ampleur qui doit aboutir notamment à une meilleure régulation des soins dits "de ville" (médecins et paramédicaux libéraux), à la réduction des dépenses inutiles. Sont confirmés au passage, les regroupements d'hôpitaux, le "virage numérique", et le remaniement de la formation des futurs soignants.

"Le temps des rafistolages est révolu". Ce sont les termes qu'a utilisés Edouard Philippe, en déplacement mardi 13 février à Eaubonne (Val-d'Oise), pour lancer le plan de "transformation du système de santé", une réforme qu'il veut "globale, cohérente, méthodique".

Le gouvernement "se donne trois mois pour y réfléchir intensément" et une concertation "à plusieurs niveaux" se déroulera de mars à mai, à la fois "au niveau local" pour "recueillir l'avis des acteurs du terrain", et au niveau national, notamment par une consultation en ligne. Le chef de gouvernement a ainsi résumé les objectifs de cette réforme :

"Notre objectif : passer d'un système cloisonné, fondé sur les soins curatifs tarifés à l'acte, une course aux volumes, à un système tourné vers la prévention, la qualité, l'accès aux soins."

Cinq grands thèmes ont déjà été identifiés : la qualité et la pertinence des soins, les modes de financement et les rémunérations, le numérique en santé, les ressources humaines, et l'organisation territoriale. Voici les principales préconisations à retenir.

Corriger les dérives de la tarification à l'activité (T2A)

La question du financement figure en effet en bonne place dans la liste des propositions, avec pour boussole la promesse d'Emmanuel Macron de "plafonner à 50%" la tarification à l'activité (dite "T2A") des hôpitaux.

"On est arrivés au bout d'un système" avec cette T2A qui "pousse à une activité sans qualité", estimait Mme Buzyn en décembre.

L'exécutif souhaite "corriger" la tarification à l'activité dont les dérives entraînent une inflation du nombre d'actes et mener, plus globalement, "une réforme en profondeur de la tarification des soins quel que soit le secteur : ville, hôpital, médico-social".

Une équipe proposera des modèles de financements nouveaux d'ici fin 2019.

Mieux prendre en compte la qualité des soins

La Haute autorité de santé devra proposer, dès 2018, des "indicateurs de qualité des parcours de soins" portant sur les 10 pathologies les plus fréquentes, comme le diabète ou l'insuffisance rénale. Ils seront systématisés l'an prochain.

Aussi, la satisfaction des patients devra être "systématiquement mesurée". Des propositions dans ce sens devront être faites d'ici l'été prochain.

Le numérique au profit de la santé

Le gouvernement maintient sa volonté "d'accélérer le virage numérique" dans le domaine de la santé, en mettant sur la table 5 milliards d'euros issus du Grand plan d'investissement annoncé en octobre.

L'objectif est de permettre d'ici à 2022 l'accessibilité pour chaque patient à ses données médicales, la dématérialisation de toutes les prescriptions et la simplification du partage de l'information entre les professionnels de santé.

Une "réflexion sans tabou" sur le numerus clausus

Plusieurs options sont ouvertes par le chef de gouvernement sur ce sujet : une suppression du "numerus clausus", une augmentation du quota d'étudiants admis en deuxième année ou une modulation selon les universités, via une loi en 2019.

A Eaubonne, il a exprimé le vœu de "conserver ce qui marche bien - on forme de très bons professionnels de santé en France - mais de corriger des dysfonctionnements dont on parle depuis trop longtemps", citant "en particulier celui de l'effroyable gâchis de la première année".

"On connaît tous des cas, autour de nous, d'étudiants, souvent méritants, qui, après deux échecs, se retrouvent sans rien. Certains, en général les plus aisés, vont se former ailleurs en Europe. Pour les autres, la sanction est très brutale", a-t-il dit.

Aussi, la formation des futurs soignants sera remaniée, avec un "service sanitaire" obligatoire dès la rentrée 2018.

Quid des 16.000 suppressions de lits d'hôpitaux ?

Agnès Buzyn a mis en avant quatre faiblesses du système : investissement trop faible dans la prévention, cloisonnement entre ville, hôpital et médico-social, dispersion des ressources et hospitalisations en trop grand nombre. Ces faiblesses s'inscrivent dans un contexte social et financier difficile, marqué par l'épuisement d'une partie du personnel hospitalier et la contrainte des dépenses de santé pour réduire les déficits publics.

S'agissant des hospitalisations, certaines orientations du précédent gouvernement seront confirmées: les regroupements d'hôpitaux vont être "approfondis" et le "virage ambulatoire" (soins sans hospitalisation) ne sera plus limité à la seule chirurgie.

De fait, ces regroupements d'hôpitaux pourraient remettre en lumière la question des suppressions de lits évoqués par Le Figaro en 2016, sous la présidence Hollande.

Le quotidien, après analyse du plan de redressement des finances publiques, et des économies demandées par le gouvernement aux établissements hospitaliers (3 milliards d'euros d'économies entre 2015 et 2017), avait calculé que cette mesure allait conduire à la suppression de près de 16.000 lits en chirurgie et en médecine générale, soit une réduction de 10% des capacités installées par rapport à aujourd'hui. Cependant, cette perspective avait été démentie dès le lendemain de la parution de l'article par la ministre de l'époque Marisol Touraine qui avait affirmé :

«Il n'existe pas de plan de fermeture de lits, pas plus qu'il n'existe de plan de fermeture des sites d'urgence.»

[Légende : la France se situe nettement au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE en ce qui concerne le nombre de lits d'hôpitaux par habitant.]

(*) Un graphique de notre partenaire Statista.

(Avec AFP et Reuters)