Sarkozy, c'est fini ? « Je crois que là, il peut dire adieu à la présidentielle ! », se réjouit un macroniste. Il est vrai qu'en étant condamné à trois ans de prison, dont un ferme, pour « corruption » et « trafic d'influence » dans l'affaire dite des « écoutes », l'ancien président a pris un sacré coup sur la tête. Pour ne rien arranger, Nicolas Sarkozy n'en a pas terminé avec la justice. Malheureusement, pour lui, son supplice judiciaire va continuer en ce mois de mars avec le procès « Bygmalion » qui va s'ouvrir dans quelques jours, du nom de cette société de communication chargée d'organiser les meetings du candidat Sarkozy en 2012, et qui avait facturé ses prestations à l'UMP plutôt qu'à l'association de campagne, permettant de cacher aux pouvoirs publics les dépassements faramineux (et illégaux) de ses dépenses de campagne (On parle d'un dépassement de plus de 20 millions d'euros...)
Comme à son habitude pourtant, Nicolas Sarkozy a choisi l'attaque pour se défendre. Dès l'annonce du verdict, les Français ont eu droit à un vrai tapis de bombes médiatiques. D'abord, l'ensemble de ses soutiens à droite et ses fans dans les sphères du pouvoir l'ont défendu à longueurs d'interviews réalisées par les chaines d'info (jusqu'à Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, qui lui a apporté son soutien à titre amical). Tous ont visé le Parquet National Financier (PNF), dépeint comme une officine secrète anti Sarkozy (un vrai discours complotiste)... alors qu'il s'agit d'une décision relevant des juges du siège du tribunal correctionnel de Paris. L'intéressé a adopté le même discours lors de son interview au 20 heures de TF1, entre victimisation et flegme affiché (genre, il m'en faut bien plus pour mettre un genoux à terre).
Lors de cette intervention, Nicolas Sarkozy est apparu particulièrement offensif (face à des questions peu incisives), bien qu'il ait balayé toute idée de se présenter à la présidentielle en 2022. Ses soutiens l'espèrent toujours pourtant, et certains de ses vieux amis, davantage lucides sur la situation, et pas forcément ravis de le voir revenir, sont bien obligés de reconnaitre que le bonhomme n'a pas dit son dernier mot : « Je l'ai trouvé très en forme. Manifestement, cette décision de justice l'a énervé, et Sarkozy, quand il est énervé, c'est là qu'il est le meilleur. Et contrairement à ce qu'il dit, je crois qu'il va y aller en 2022, juste pour tuer Macron, pour se venger ». Certes, à droite, les fans de Sarkozy sont encore nombreux. Mais bien d'autres sont particulièrement lassés de tout son manège.
Après l'abandon (provisoire ?) de François Baroin à la course présidentielle, Xavier Bertrand, comme Valérie Pécresse, deux patrons de régions, sont apparus particulièrement intéressés par le job. Pour l'instant, ces deux-là attendent pourtant de réussir à sauver leur poste actuel aux prochaines élections régionales. La candidature Bertrand intéresse beaucoup Jean-Louis Borloo, qui multiplie les échanges avec lui pour le persuader de partir dans la bataille accompagné d'autres responsables politiques, pas forcément de droite, comme Arnaud Montebourg. Le centriste rêve en effet à la constitution d'une « équipe », sur le modèle d'une coalition allemande, « un axe allant du général De Villiers à Yannick Jadot », souffle l'un de ses proches. Pour contrer le « en même temps » macronien, Borloo parie plutôt sur un collectif incarnant l'ensemble des sensibilités politiques. C'est que l'homme est particulièrement remonté de voir comment l'Elysée gère certains dossiers industriels, comme la bataille Veolia/Suez. Ce collectif représenterait donc bien plus que des idées, mais également de nombreux intérêts qui n'ont pas du tout apprécié la gouvernance macronienne du capitalisme d'Etat à la française...
À un an de la présidentielle, les réseaux de pouvoir commencent donc à entrer en ébullition. Le château de cartes d'Emmanuel Macron qui lui avait permis de conquérir la première marche en 2017 semble vaciller. En coulisses, ses ennemis se multiplient, mais cherchent avec difficulté de possibles alternatives politiques qui auraient les faveurs des Français. C'est dans ce contexte que plusieurs personnalités tentent de convaincre Dominique de Villepin à se lancer dans l'aventure. C'est notamment le cas de Francis Szpiner, maire du XVIème arrondissement à Paris, et devenu discrètement administrateur de la Compagnie des Alpes (filiale de la Caisse des Dépôts qui s'occupe de gérer notamment plusieurs stations de ski) l'année dernière. L'ami Alexandre Djouhri, qui a retrouvé les rives du lac Léman à Genève (cf article), verrait également d'un bon oeil un tel retour de celui qu'il surnomme en privé le « poète ».
Cela fait maintenant bientôt quatorze ans que l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac a quitté la vie politique française. Gérant ses affaires à l'international à travers sa structure Villepin International, de Villepin continue pourtant de donner régulièrement son avis sur les questions internationales et la diplomatie française. Lui, l'homme du discours à l'ONU contre la guerre américaine en Irak, qui de ce fait a conservé une véritable aura au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ne cache plus sa frustration à l'égard de la politique internationale d'Emmanuel Macron. Il ne s'est d'ailleurs pas privé de multiplier les critiques publiques (ou les conseils) à l'égard d'un président qu'il avait pourtant soutenu en 2017.
Et alors qu'il pensait ouvrir une galerie d'art avec son fils à Hong Kong avant l'épidémie mondiale de Covid, Dominique de Villepin serait désormais tenté de revenir aux avant postes de la politique française. Finalement, les ennuis judiciaires de Nicolas Sarkozy pourrait ainsi permettre à l'ancien cardinal de l'Elysée sous Jacques Chirac de tenir sa revanche. Reste une inconnue à cette heure : si cette tentation se concrétiserait, Emmanuel Macron devrait-il réellement s'en inquiéter ?