La France respectera-t-elle un jour ses engagements communautaires en matière de finances publiques ? Après Avoir obtenu un report de Bruxelles, l'exécutif s'y est engagé. Le déficit public devrait atteindre 2,7% du PIB en 2017.
Quelle sera la méthode employée ? L'exécutif compte notamment sur le retour de la croissance, et donc sur un rebond des recettes fiscales pour renflouer les caisses de l'Etat et sur un programme de rigueur qui fixe à 50 milliards d'euros le montant des économies à réaliser d'ici 2017. Une austérité qui, par ailleurs, risque de fragiliser la reprise attendue de l'activité.
Des prévisions de recettes fiscales surestimées
En attendant, la situation n'est guère réjouissante. Dans son rapport consacré au budget de l'Etat en 2014, la Cour des comptes pointe du doigt certaines techniques utilisées par l'exécutif pour tenter de contenir toute dérive trop voyante des comptes publics. On en est là.
En effet, comme le rappellent les sages de la rue Cambon, la réduction du déficit budgétaire de l'Etat amorcée depuis 2010 a été interrompue en 2014, en dépit de la baisse de la charge de la dette due à la faiblesse des taux d'intérêts. Celui-ci s'est élevé à 85,56 milliards d'euros l'année dernière.
En cause, une anticipation trop optimiste des recettes fiscales, et une élasticité de ces mêmes recettes à la croissance également surestimée. En clair, le gouvernement pensait que la progression des recettes fiscales progresserait plus vite que la croissance. Non seulement, ce ne fut pas le cas, mais en plus, la croissance a été plus faible que prévu.
Selon la Cour, les recettes fiscales ont été inférieures de 9,7 milliards d'euros par rapport à celles encaissées en 2013. Par ailleurs, si les effectifs de l'Etat se sont stabilisés, la masse salariale a pour sa part augmenté. Enfin, les transferts financiers de l'Etat aux collectivités territoriales ont continué de progresser. Certes, les dotations de l'Etat ont reculé - de 7% - mais elles sont plus que compensées, notamment par un transfert de fiscalité.
Quant à la dette de l'Etat, elle augmente toujours pour atteindre 1.528 milliards d'euros fin 2014, contre 1.457 milliards d'euros un an plus tôt. Résultat, les émissions de titres ont progressé entre 2013 et 2014, de 130 milliards d'euros, ce qui pose la question du renouvellement de ces emprunts réalisés " à bas coût " - le faible niveau des taux d'intérêts le permet - lorsqu'ils arriveront à échéance. Croisons les doigts pour que les taux d'intérêts ne remontent pas !
Les subterfuges de Bercy
Pour limiter la casse, le gouvernement n'a pas hésité à utiliser quelques subterfuges " Certes, le plafond de dépenses a été abaissé de 3,3 milliards d'euros pour respecter la norme de dépense '0 valeur'. Mais une définition plus restrictive de son périmètre, non retenue par l'Etat mais qui l'est par la Cour, a exclu certaines dépenses, dont 3,31 milliards d'euros de décaissements effectués au nom de l'Etat par les opérateurs gestionnaires des deux Programmes d'investissement d'avenir ", explique Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes. Concrètement, Bercy a substitué des suppressions de crédit par des crédits des PIA 1 et 2, non comptabilisés dans le budget de l'Etat. Un tour de passe-passe que la Cour des comptes a néanmoins relevé.
Ce n'est pas la seule technique utilisée par Bercy pour améliorer les comptes de l'Etat. La Cour des comptes constate également un plafonnement des annulations de crédits, une augmentation des reports de charges et la mise à contribution des opérateurs de l'Etat pour financer son action. Un financement qui n'est pas comptabilisé dans le budget de l'Etat. " Les opérateurs de l'Etat sont soumis à des contraintes budgétaire. Mais les outils pour les faire respecter n'existent toujours pas ", constate Henri Paul, président de chambre et rapporteur du rapport.
Le rabot plutôt que des choix clairs
" Cette stratégie montre la limite du coup de rabot de la dépense de l'Etat, qui s'apparente à un non choix. Il serait préférable de passer au tamis l'ensemble des dépenses de l'Etat pour aboutir à des économies structurelles significatives et pérennes ", avance Didier Migaud.
L'utilisation de ces artifices remet-elle en cause la sincérité des comptes de l'Etat ? Pour la neuvième année consécutive, la cour des comptes a certifié les comptes de l'Etat. Mais des réserves sont à nouveau émises, notamment sur l'efficience des systèmes d'informations au premier rang desquels Chorus. " Des efforts ont néanmoins été faits, des progrès ont été constatés pour améliorer la situation des finances publiques même si le chemin vers leur équilibre est encore long ", tient à préciser Didier Migaud. On avait compris le message.